Sur les ailes du vin.



               Aujourd'hui, l'espace est splendide !
               Sans mors, sans éperons, sans bride,
               Partons à cheval sur le vin
               Pour un ciel féérique et divin !


Qu'il est doux en effet de partir sur les ailes du vin. De se laisser transporter, de voyager par la grâce d'une bouteille, d'écouter les messages lointains qu'elle contient, enfermés un jour à l'intérieur par un vigneron que l'on ne connait pas encore, que l'on ne connaîtra peut-être jamais. C'est une des merveilles qu'offrent les crus exotiques, ce voyage du pauvre, ce voyage immobile, cousin de celui des gamins qui regardent les globes terrestres, les catalogues des tour-operators et les vitrines des agences de tourisme.


Une fois encore, on va me rappeler à l'ordre, me dire qu'il ne faut pas "boire à l'ennemi", m'expliquer que je deviens un esclave de la mondialisation. Non, mille fois non, ce n'est pas le vin "mondialisé" qui m'attire, mais le vin du Monde entier, le vin des hommes du Monde entier. Le vin vecteur de communication, outil de dialogue et d'échange comme il l'est finalement depuis le commencement de la civilisation qu'il a contribué à engendrer.
L'histoire n'est pas de délocaliser sa consommation, mais de s'offrir ce genre de voyages qui ouvrent de nouveaux horizons, aux arômes différents, de s'ouvrir, de découvrir au lieu de vivre enfermé entre des frontières et des certitudes. C'est une des chances du vin. 


Le voyage du jour nous conduit aux antipodes. Clic fait la capsule! Bienvenue en Tasmanie! À peine débarqué de l'aéroport d'Hobart, vous vous engouffrez dans votre horrible Hyundai de location, juste une petite quarantaine de kilomètres, cap nord-ouest, jusqu'à Granton. L'adresse, 60, Rowbottoms Road. Le pinot noir coule gentiment dans le verre. Vous arrivez sur ces collines un peu pelées qui dominent l'estuaire de la rivière Derwent et l'étonnant pont métallique, tournant, de Bridgewater, un pays aborigène aux allures presque écossaises. On se gèle en cette fin d'été austral! 13°C, à sept heures du soir, il faut sortir une petite laine.


Heureusement, le vin est là qui réchauffe les corps et les âmes. Un joli jus qui n'a peut-être pas la pulpe, la chair des plus grands pinots australiens, mais plein de grâce et d'énergie. Ce 2011 est assez mûr, sent la rose, le jus de cerise, une pointe de cannelle, sa texture en revanche a besoin d'encore un peu de temps pour se complexifier. Mais ce sont des détails, le buveur normal a de grandes chances de le trouver délicieux, et c'est déjà pas mal, au moins aussi important que de voir quelques amateurs enculer les mouches en plein vol, à la recherche d'une perfection imaginaire.


Paradoxe du vin globe-trotter, cette bouteille qui a coûté quelques décilitres de kérosène (mais en a fait économiser tellement en heures de vol!) est produite en biodynamie. Le vigneron s'appelle Stefano Lubiana, sa femme Monique. Les Lubiana sont italiens, du nord de l'Italie. La famille est arrivée en 1990  dans cette partie sud-est de la Tasmanie, tournée vers l'Antarctique. Eux aussi ont fait un grand voyage sur les ailes du vin.





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