Bœuf gras, vins de garde & légumes de printemps.


C'est Mardi-gras, le jour des beignets, des masques, le dernier des "sept jours charnels" de jadis, un des sommets de Carnaval. Intéressante d'ailleurs l'étymologie du mot Carnaval, du latin mâtiné d'italien, "carnis levare", c'est-à-dire enlever la viande. Cette viande qu'on célèbre, dont on use et abuse durant cette semaine charnelle qui se clôt aujourd'hui, veille du Carême.
La fête de la viande, c'est le jeudi gras, le 12 février cette année. Dans la mignonne cité de Bazas, en Gironde, sur sa place aux arcades, on y célèbre le bœuf, le bœuf gras évidemment. Plusieurs éleveurs du coin, de Gironde mais aussi des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques, continuent de produire de belles bêtes de cette race, la Bazadaise, qui évoque la Gasconne, en plus massive, plus "plantée". 3300 têtes sont recensées à ce jour. On dit que ancien bœuf de travail doit sa robe gris souris à son origine ibérique donc arabe, la race actuelle serait issu d'un croisement très ancien avec les vaches d'Aquitaine.


Je n'ai malheureusement pas pu fêter le bœuf gras avec du Bazadais. J'ai du me contenter de bœuf de Galice (paré à la catalane). Vraiment du bœuf, en revanche, pas de la vache, et, coup de de bol, pas de la Blonde d'Aquitaine à l'accent espagnol (Rubia Galega)*, celle qui fait le bonheur des chefs métronomes. Je suis d'ailleurs étonné (pas tant que ça…) que tous ces cuistots soudainement pris d'amour pour les viandes rares ne s'intéressent pas davantage aux bœufs gras de Bazas. Il vrai qu'on n'en trouve pas au pousse-caddie, ni chez Davigel ou Brake, les "partenaires des grands chefs", mais uniquement chez d'authentiques bouchers de métier. J'en ai ainsi acheté de remarquable à La Brède, au pays de Montesquieu, à la splendide Boucherie Brédoise.


La viande, vous le savez, est la meilleure amie du vin, encore faut-il lui présenter des vins qui tiennent la route. J'en ai débouché hier soir une ou deux bouteilles de cet acabit qu'il vous faut absolument offrir à vos prochaines entrecôtes. D'abord, une vieille connaissance de la maison, un ami, et un des derniers vignerons languedociens à oser bâtir (entre autres) des vins de garde: Marc Valette. Attention, vin de garde, ça ne veut pas dire vin de bourounes! Ses Maghani d'aujourd'hui ont trouvé un style étonnant mêlant puissance et finesse. Comme toujours, avec Marc, il y a débat, il préfère son 2007 et moi son 2008 qui pourrait presque évoquer un grand morey-saint-denis. Je sais, vous allez me faire la larmette, style "on n'a rien pour conserver le vin, on est obligé de boire jeune". Pas de panique! Marc Valette fait le boulot des cavistes puisqu'il prend soin de conserver des millésimes anciens. Donc, si vous voulez faire la comparaison 2007-2008 et entrer dans le débat, passez-lui un coup de fil à Cessenon-sur-Orb.


Marc Valette qui est aussi un vigneron qui goûte bien, sans concessions, m'a d'ailleurs apporté une bouteille d'un vin étonnant, d'un vin comme il les aime, un madiran. Un jus d'une profondeur inouïe au fruit étincelant, un élevage épatant, précis, réglé comme du papier à musique. Sûrement le truc le plus extraordinaire que j'ai bu dans l'appellation pyrénéenne et qui ferait un massacre à Bordeaux. Ça s'appelle Abiatu, ce qui signifie en basque "prendre le chemin de", car l'auteur de ce grand cru pas classé est basque, il s'appelle Imanol Garay. Pour vous situer le niveau de jeu, on a réussi à boire ça sans qu'il explose, après les 2007 et 2008 de Marc (en revanche, à côté, le langhe 2008 de Roagna est parti en sucette). La mauvaise nouvelle en revanche, c'est qu'il y en a très peu à vendre, c'est bien dommage… 


De la viande, des vins de garde, décidément, cette chronique est une insulte à la bienséance. Ce n'est pas avec ça que je vais passer sur Canal+… Donc, pour faire plus tendance, je vais me faire flexitarien, c'est le dernier mot que j'ai appris. Flexitarien, ça veut dire qu'on est végétarien, mais pas complètement, pas intégriste (lisez, c'est expliqué ici). En d'autres termes, puisque commence le Carême, que les lupercales et les saturnales, ancêtres de Mardi-gras, célébraient la fin de la vieille année et annonçaient l'arrivée du printemps, on va manger des légumes.
Ici en Espagne, c'est même la meilleure saison possible pour les légumes. Ma voisine Pilar m'a vendu la cueillette de son jardin. Je n'ai pas pris les petits pois car c'étaient des gros, pas des lacrimas, mais les premiers aillets, des goulus croquant et des petits choux de Bruxelles. en prime, j'avais de magnifiques poireaux de vigne, des baraganes (merci Valérie!) qui, par la pensée, me rapprochaient du Sud-Ouest et du bœuf gras. Tiens, ça aussi, les poireaux de vigne, au restaurant…









Sur cette grosse endoffe du "bœuf de Galice", vous pouvez lire ou relire ça.






Commentaires

Articles les plus consultés