L'ange andalou, les élus de Dieu, le cœur.
"Impossible de voir dehors tout est recouvert de givre et me confirme que comme hier la nuit sera courte et ravageuse. Alors je tourne le contact et le moteur démarre… Un raté puis ça y est le gasoil arrive au moteur imprimant une réelle compression et le ronronnement se met en place annonciateur d’une chaleur à venir qui me rassurera un bon quart d’heure. Je replace mes gants, enfonce mon bonnet, rabaisse les manches de mon pull et décide de me servir une tasse de café encore tiède de cet après-midi. Un peu de chaleur supplémentaire et de fumée à l’intérieur de mon refuge."
Ce texte, cet extrait de texte, ce n'est pas Angel, l'Andalou fier et volontaire, qui l'a écrit mais Nicolas Lesaint, le "chef d'orchestre" du Château de Reignac, qui s'est glissé dans les pensées glacées par les nuits d'hiver de son ouvrier agricole. Ce texte, pudique et émouvant, lisez-le. Tenez, cliquez, c'est ici. Puis revenons tranquillement au coin du feu, ou du moins dans le chai, parler de vin.
Ce texte, cet extrait de texte, ce n'est pas Angel, l'Andalou fier et volontaire, qui l'a écrit mais Nicolas Lesaint, le "chef d'orchestre" du Château de Reignac, qui s'est glissé dans les pensées glacées par les nuits d'hiver de son ouvrier agricole. Ce texte, pudique et émouvant, lisez-le. Tenez, cliquez, c'est ici. Puis revenons tranquillement au coin du feu, ou du moins dans le chai, parler de vin.
Car je veux vous parler depuis un bout de temps des vins de Reignac. Vous en parler parce que je les ai trouvés délicieux. Au sortir de ce texte bouleversant, ils me semblent encore meilleurs, je comprends leur profondeur, ce supplément d'âme. Ces "petits" bordeaux "d'en-bas"ont du cœur, de la noblesse, bien davantage même que quelques grands qui, de l'autre côté de la rivière, se haussent du col, des fils-de persuadés de faire partie, comme je l'ai déjà entendu de la bouche de l'un deux, des "élus de Dieu".
Alors, pour apprendre les bonnes manières à ces élus de Dieu, quoi de mieux que de leur donner une leçon de vin, de "grand vin" comme ils se plaisent à dire? Avec un bandeau sur les yeux, bien sûr, comme à l'époque des colin-maillards de leurs ancêtres, afin que des quartiers de noblesse décrépie ne viennent pas influencer l'œil du dégustateur trop sensible aux mondanités.
La leçon de "grand vin", c'est Balthus. Un 100% merlot de luxe. Pour tout vous dire, je craignais cette cuvée. Ah, les a-priori… "Ils ont du mettre trop de bois pour faire riche, neuf pour justifier le prix, pour que ça ressemble à Angélus…" Eh bien, la leçon*, c'est d'abord moi qui l'ai prise. Bien fait!
Le Balthus 2012, frétillant, étincelant, je m'en suis régalé comme d'un bonbon dont on voudrait manger tout le sachet. Tout le sachet? Oui, parce que ce bois que l'on sent en trame de fond a été totalement digéré, englouti par un jus qui m'évoquent ces grosses bigarreaux Bade-Wurtemberg inspiratrices de la forêt-noire. Le chocolat est là, également, qui rappelle le gâteau allemand. Ce vin est une gourmandise, un vin de jouisseur, généreux.
Le 2010 sera peut-être un peu plus profond, plus "sérieux". Il en impose. Rendez-vous dans quelques années pour le confronter à l'aveugle avec les gouttes (des élus) de Dieu, avec les "grands", ceux qui croient que tout s'achète…
Je suis un peu moins fan du Grand Vin de Reignac, un poil trop "vavavoum" à mon goût. Un excellent châssis, tenue de route impeccable mais je tique sur la carrosserie, les finitions "bois-grillé" sur les côtés. Ça doit flamber dans les concours mais, à table, des modèles comme le 2010 ont un peu plus de mal à passer la troisième en descente. J'avoue cependant que ma sensibilité au bois est exacerbée.
En revanche, le Reignac blanc, version 2013 est une superbe mécanique, un moteur nerveux, vif, plein de brio. Très intéressant restyling d'un vin dont le 2012 semblait légèrement moins performant. J'espère que le 2014…
Mais rangeons-nous des voitures, ça me fait penser à celle de l'ange andalou, à ses vitres givrées. Et débouchons à la volée une ou deux bouteilles pour trinquer à sa santé, à son avenir retrouvé. Il fait froid, le matin dans les vignes à la saison de la taille; au casse-croûte, il faut boire pour se réchauffer le corps et l'âme. Boire bon. Boire évident. Simple.
Du Château de Reignac 2012, le vin de base de la propriété (à Bordeaux, on répugne à dire "vin de soif"…). Ça vaut moins de dix euros la bouteille et je ne comprends pas que ça existe encore en 75 centilitres, le magnum semblerait un format bien plus raisonnable. En tout cas pour "un couple dont un des conjoints ne boit pas" comme disait un vieux marchand de vin anglais.
Car avec un vin comme celui-là, hobereau et coquin, qui pète le fruit, sans prétention, ce ne sont pas les belles manières mais la vie qu'on va leur enseigner aux élus de Dieu! À eux et à tous ceux qui ne sont pas encore initiés aux plaisirs du vin. Au niveau supérieur, quand ils seront dégrossis, on leur débouchera le 2011 avec sa jolie bouche aux tanins enveloppés de paysan bien élevé. Ça les changera de leurs grands crus glacés. Et, va savoir, les élus de Dieu, ça les rendra peut-être plus humains, plus à l'écoute des anges et de leur cœur.
* Leçon en partie signée Michel Rolland d'ailleurs, puisque c'est lui, le méchant des films noirs, le Diable, qui conseille ce domaine. Comme tant d'autres, parfois inattendus, tel ce Pontet-Canet qui avait tant défrayé la chronique bordelaise.
Toutes les images de cette chronique sont signées Nicolas Lesaint (ci-dessous), "homme d'orchestre" écrivais-je plus haut pour le décrire. Il suit le vin de Reignac, de la terre à la bouteille. Lisez son blog, je vous l'ai déjà recommandé, c'est ici.
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