100% vieille cuisine.
En cuisine comme ailleurs, l'exemple est censé venir d'en haut. Et c'est peut-être un des problèmes, sinon le problème majeur que pose l'affaire qui a pour cadre "l'usine à étoiles" montée à Bordeaux par l'astronome en chef Joël Robuchon. Je ne vous fais pas le résumé des épisodes précédents, on en a parlé partout, médias sociaux dans un premier temps, puis internet, télé, radios, journaux. Si vous avez manqué un épisode, vous trouverez du factuel ici et ici, et des interrogations dans le blog Atabula.
Pour ce qui est des faits, la Justice va faire son travail, respectons-la en nous taisant. Pour le reste, le fait de savoir si les stars de la restauration de luxe donnent l'exemple, j'ai quelques doutes. À mon sens, ce qu'on appelle gastronomie est un artisanat sensible, une rencontre éphémère entre un produit qui se doit d'être exceptionnel, l'inspiration d'un cuisinier et un client.
Cette rencontre a-t-elle encore lieu dans les grosses machineries, les franchises installées aux quatre coins de la planète par quelques chefs devenus des hommes d'affaires?
D'abord, un "détail" me dérange: la rencontre. Une rencontre, il faut être au moins deux, le cuisinier et le client. Le problème, c'est que le cuisinier devenu hommes d'affaires est plus souvent dans un avion que derrière un piano. Donc, c'est un autre que celui dont le nom est marqué sur la porte qu'on rencontre, un type sûrement très bien mais vous aurez du mal à me convaincre de la parfaite reproductibilité des sensations. Vous savez, ce moment où un être humain fait à manger (= donne de l'amour) à un autre être humain. Ah, pardon, je n'ai rien compris? C'est du business. Bon, bon, je croyais qu'on parlait d'artisanat, de haute-couture…
Au passage, le chef qui est dans son restaurant plus souvent que dans un avion, quand il y a des problèmes en cuisine, il le sait, il le voit tout de suite. Il ne l'apprend pas par les journaux.
Poursuivons. "Une rencontre éphémère entre un produit qui se doit d'être exceptionnel, l'inspiration d'un cuisinier et un client", écrivais-je. Parlons du produit, de cette image que les chefs médiatiques nous montrent à la télé quand on les voit faire le marché, taper la causette avec leur boucher, le jardinier du coin. Là encore, quel exemple ont-ils donné les grands cuisiniers français? Leur proximité avec l'industrie de la malbouffe et la grande distribution est flagrante, certains d'entre eux ne s'en cachant même plus. Donc, le "produit qui se doit d'être exceptionnel", poubelle!
Puisque l'on parlait de Joël Robuchon, n'oublions pas quand même que lorsque les anti-foie-gras firent des descentes dans des usines à canards, c'est apparemment chez son fournisseur attitré (des restaurants du groupe Ducasse également) qu'ils firent leurs sales photos.
Puisque l'on parlait de Joël Robuchon, n'oublions pas quand même que lorsque les anti-foie-gras firent des descentes dans des usines à canards, c'est apparemment chez son fournisseur attitré (des restaurants du groupe Ducasse également) qu'ils firent leurs sales photos.
Reste le client. Quelle proposition lui fait-on au client? Moi qui suis un esprit simple, j'aime cette phrase tout bête d'un Passard qui au début du repas, dans sa petite salle (qui lui appartient), fait le tour des tables et vous dit: "on va se faire la fête!"
En revanche, vous croyez vraiment qu'on a le cœur à la fête dans ces usines à fric? Je pense notamment à ces chaînes hôtelières qui puent le fric, le fric qui de valet est devenu maître, avec ses cohortes d'esclaves, riches ou pauvres. Et on va éviter d'évoquer les capitaux qui alimentent ces affaires, à l'origine parfois scabreuse. Là encore, l'exemple…
Au final, même si des survivances du XXe siècle comme le Guide des Pneus font mine de le continuer de croire qu'elle les habite toujours, la gastronomie a fuit ces lieux compassés, désuets, ringards avec leurs serveurs aux allures de croquemorts et leurs sommeliers à socquettes blanches. C'est ailleurs qu'il faut aller chercher et inventer la gastronomie d'aujourd'hui, dans des rues, des fermes, des bistrots… plus près de l'artisanat, plus décontractée, moins violente avec la Nature et avec l'humain. Loin des exemples qui n'en sont pas, à l'opposé de la vieille cuisine.
Nous avons un "fond de pensée" culturel et gastronomique commun, Vincent: le vrai produit et sa mise en valeur. Parfois nous divergeons sur les limites et c'est toi qui est le plus absolu, le plus intransigeant, bizarrement. Cette fois, il n'y a pas une virgule à modifier. Deux exemples pour illustrer notre unisson.Je ne sais pas s'il existe encore mais dans la "grande rivale" de BXL, la ville d'Anvers, existait un excellent restaurant à l'enseigne de " "t fornuis", le piano de cuisine. Le chef, grand gaillard imposant, passait vous voir en salle (pas de carte) et récitait: "Aujourd'hui, j'ai ceci et ça et encore cela à vous proposer, et je pourrais vous le présenter de cette manière ou encore comme cela". Après, on attendait un peu et le choix arrivait. L'autre exemple est celui d'Armand Arnal, au Sambuc. Parfois, quand le petit métier est en retard (venant des Saintes Maries), on ne vous propose que vers 20 heures les poissons qui constituent le choix du jour et la manière d'accommoder est décidée en dernière minute.
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