France-Écosse: match nul…


C'est un de ces grands classiques qui puent la nostalgie. Oh, je ne vais pas vous refaire celui de 1987, plein de panache, de folie, de fièvre, le hat-trick, Paris jusqu'au bout de la nuit, jusqu'à ses confins, les alcools, la violence du choc et la douceur d'une peau. France-Écosse… Au rugby, ce n'est plus exactement la même chose qu'avant, oui, pour une fois, c'était mieux avant, sauf hier soir, l'avant match.
Cap sur le Sud-Ouest, bien sûr. Vous allez me dire que le rugby, c'est aussi l'énorme comité d'Île-de-France, Toulon et ses hallebardiers, ses mercenaires, ce n'est pas faux. Mais l'ovale a ici une tout autre odeur. Comment dire? Si, tenez, c'est un peu comme boire un vin au domaine, à la table du vigneron, en mangeant le plat familial.


Le plat, pour le coup, est de circonstance. Un vrai France-Écosse. À Auvillar, j'arrive dans la cuisine de L'Horloge, je fais la bise aux animaux familiers, agneaux de lait, canards gras des Landes, bœuf de Chalosse et je me retrouve nez-à-nez avec une merveille en construction.


C'est une tourte. Une tourte aux grouses.
Faut-il vous présenter ce volatile magique, cousin dans mes phantasmes giboyeux de ma chère bécasse et des délicats ortolans, ou des pinsons et autres chardonnerets engraissés? La grouse, le lagopède, de la famille des tétras, des coqs de bruyère, mais en version écossaise. Ce plumage roux, presque aussi rouge que les nouveaux maillots du XV de France, plume de luxe, plume de rêve.


La recette, très simple, volée ce matin à Serge François. Un beau feuilletage, au bon beurre, qui embaume, six abaisses. Les grouses, vous les choisissez un peu vieilles, bien mûres, il faut qu'on les sente arriver! Celles-ci, en provenance du Coq Saint-Honoré, des parigotes, il y en a cinq, dix filets qu'on va lever et réserver pour le cœur de la tourte. Pour le reste, on élabore une bonne farce en trois tiers:
– 1/3 avec les cuisses des grouses & cuisse de lièvre
– 1/3 de poitrine de cochon qui va bien, celui de chez les Grangeon, Arlette et Michel Grangeon, à Montestruc-du-Gers. Bio et tout le toutim
– 1/3 de foie gras de chez Lafite.
Et, évidemment, les truffes, des truffes d'ici, sélectionnées par le diamantaire de Caussade, Jean-Luc Clamens. On est désormais en pleine saison, beau millésime.


Ce plat est une dinguerie. Un des plus beaux trucs que j'ai mangé de ma vie. Un hommage vibrant, émouvant à la grande cuisine française. plus royale que bourgeoise, rehaussé de ce clin d'œil aux Highlands. 
La tourte est sortie du four, gonflée, dorée, elle y a passé quarante minutes. Puis a reposé trente minutes. On découpe sur table. L'odeur? Comment vous dire? Plus encore que Shalimar, c'est à la cuisine ce que L'Heure bleue est au parfum, parfum, hein? Pas eau-de-toilette! À moins que L'eau du Fier… Oui, plutôt L'eau du Fier, mais avec ce côté hautement sensuel, entêtant de L'heure bleue.


Tant qu'à dîner comme des Rois (on aura aussi droit à une côte-de-bœuf et à un saint-honoré), autant boire comme des princes. Du champagne (sur des "cacahuètes du Gers" et un petit sashimi magret-foie-truffes) puis trois merveilles, trois splendeurs. Un pinot de Phillip Jones, je ne vais pas vous en refaire des caisses, mais quelle splendeur sur la tourte! Un OVNI, ensuite, du pinot, sublimé, rendu très légèrement floral en seconde partie de bouche grâce à une pincée de vieux et nobles, cépages suisses; ça s'appelle Astrance, Composition autour du pinot, cultivé et vinifié en Valais par Maurice Zufferey (épaulé par très distingué Jacques Perrin), encore inconnu au bataillon, magnifique! Et une syrah, du suisse encore, ces côtes-du-rhône qui souvent en remontrent aux nôtres: le célèbre Benoît Dorsaz, à Fully, sa Quintessence.
Un inoubliable France-Écosse. Pourvu que ce soir…






Commentaires

  1. Magnifique. Dans la serie des grandes rencontres, France-Angleterre en est une autre. Je me souviens de la meilleure becasse que j'ai eu la chance de manger. C'etait il y a quelques annees, en Angleterre, du cote de Seasalter, dans un ''pub'' qui vous plairait je crois, si vous ne le connaissez deja, The Sportsman. Bien avant que le mot locavore ne devienne a la mode, Stephen Harris, le chef, faisait deja son propre beurre, son pain (excellent Soda bread), et ne cuisinait que les poissons et viandes qu'il trouvait dans les environs proches de son restaurant. Resultat, un woodcock - une becasse - apporte par un voisin et cuisine de maniere tres classique, tres francaise, roti et accompagne d'epais toasts de pain de mie garnis d'une farce aux abats et foie gras deglaces au cognac. Le vin ne fut certes pas a la hauteur, mais, six ans plus tard, le souvenir est intact.

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    1. Appétissant, très appétissant. Mais pourquoi "cuisiné à la française" ? Une volaille ou un gibier à plumes rôtis, et bien rôtis, cela existe partout dans le monde. J'ai mangé des dizaines de perdrix au Portugal, des centaines de faisans en Belgique, des grouses (moins nombreuses) à Londres, des pintades en Autriche... Après, on vous aime bien les Frenchies.

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    2. Ben, Luc, la recette, tout simplement. Du gibier, du foie gras des Landes, de la truffe du Quercy...

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    3. La cuisine bourgeoise j'adore ! Oui Vincent, Tout simple côté ingrédients effectivement (que du bon) , pâr contre le montage d'une Tourte ---> c'est une belle et "difficile" technique , un vrai coup de main qu'on apprend surtout au départ en regardant faire... la pratique répétée permet d'en acquérir la ma^trise (expérience perso) ...

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