Marginalités, atypicités.


Il y a comme ça des vins qui vous baladent. D'un bout à l'autre de la France, de la planète, parfois. Difficile de les situer. "Atypiques" trancheraient les jurés, parfois bas-de-plafond, de nos bonnes vieilles appellations d'origines.
"Atypique", il y a plein de façons de l'être. Des façons "naturelles", d'abord, le micro-terroir, la spécificité climatique au sein d'un ensemble vaste et qui serait passé au travers des mailles du filet de l'INAO. Des façons plus "humaines" aussi, qui justement relèvent de la façon, de la manière de faire. Des choix de dates de vendanges plus ou moins précoces, plus ou moins tardives, la décision de continuer  récolter manuellement, alors que tous les voisins le font à la machine, une nouvelle méthode de vinification, l'ajout ou au contraire le refus d'ajouter telle ou telle substance au moût, l'élevage, avec ou sans bois, etc, etc…


Ainsi cette cuvée bien connue de Thierry Germain dans le vignoble de Saumur, La Marginale. Quoi de commun avec la plupart des crus du coin? Et même d'ailleurs avec les autres bouteilles de ce même Domaine des Roches Neuves. Un vin solaire, à l'image de ce 2012, un millésime pourtant pas réputé pour ça. Ça sent le raisin mûr, très mûr. Et un peu l'élevage. Vous partiriez sur un saumur-champigny, vous? Moi non. Ça ne signifie pas que ce n'est pas bon, ça détonne, c'est juste "atypique". Comme pourrait l'être, dans un autre style mais dans la même appellation, la cuvée Les Murs du Clos Cristal avec sa part de cabernet-sauvignon "bronzée au solarium".


Idem, à un degré supérieur avec le fameux Château du Puy girondin. Lui aussi détonne, et peut même déranger à l'image de la Cuvée Émilien 2010 photographiée ci-dessus; il a chatouillé les poils du nez de certains convives qui lui trouvait un côté un peu volatile. Voici par exemple ce qu'en écrit une sommelière dans son dossier de classement: "Qu'on l'apprécie ou qu'on ne l'apprécie pas, ce cru possède sa propre typicité, très différentes de la plupart des canons girondins. Original, il est non seulement l'expression d'un terroir mais aussi d'une démarche agricole et œnologique, de façons de travailler anciennes, certes, mais que nous sommes beaucoup à voir comme des méthodes d'avenir, plus respectueuses de la Nature."
Dossier de classement? Oui, parce que finalement, quand on est "atypique", qu'on l'assume et que l'on pense que l'on peut expliquer, prouver pourquoi, n'est-ce pas la démarche logique* plutôt que de batailler contre les critères de son appellation d'origine que de réclamer sa propre appellation. C'est ce que fait Château le Puy: son propriétaire, Jean-Pierre Amoreau est d'ailleurs aujourd'hui au Ministère de l'Agriculture pour pousser le dossier. Il s'agit de faire reconnaître la particularité de 5,60 hectares du domaine, particularité renforcées par les méthodes culturales et œnologiques mises en place depuis de longues années.
La démarche a-t-elle des chances d'aboutir? Je n'en suis pas sûr, mais elle ne manque pas de panache et de confiance en soi. Et, d'une certaine façon, valide le bien-fondé de ce système d'appellation qu'il est de bon ton de critiquer.




* On peut bien sûr aussi "basculer" en Vin de Table, en Vin de France mais n'est-ce pas un échec d'avouer légalement qu'on ne produit pas de vin de terroir.
** Et parfois si facile à démolir tant il se ridiculise!

Commentaires

  1. Ce sont nos différences qui font nos richesses, pas notre tendance à laisser le monde se formater. Le mot "typique" ne devrait, en fait, pas exister pour le vin, puisque le mélange terroir+homme fait que chaque vin est par essence différent s'il ne fait pas l'objet d'un quelconque formatage ou d'un traitement industriel spécifique.

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    1. Précisons, Patrick, comme rappelé en son temps pour l'affaire Pontet-Canet, que "typique" ou "atypique" ne font pas partie du vocabulaire officiel de l'INAO et de ceux qui agissent en son nom.

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  2. Par "honnêteté" vis-à-vis de la région qui m'a non pas accueilli - faut pas exagérer non plus - mais toléré, je désire conserver au moins UNE cuvée en AOP. Sinon, le VDF me va TRES BIEN. Ce n'est pas "ne pas être capable de produire un vin de terroir", c'est élaborer ce qu'on peut faire de mieux, selon son propre goût et sans entrer dans un moule trop contraignant. Parfois, cela satisfait au cahier des charges, qui n'est qu'une convention passée par les fourches caudines des caciques locaux, parfois cela ne rentre pas dans ce cadre. J'en possède deux exemples: ma Cuvée Roc Blanc est à 100 % conforme à l'AOP et je l'ai déclarée comme telle, tandis que La Loute ne pouvait rentrer dans aucun critère et est donc devenue VDF. Or, il s'agit des deux phares de ma production. PS: ils se vendent au même prix, alors que je ne jouis encore d'aucune réputation particulière. C'est le vin lui-même qui établit son tarif.

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    1. Sûrement, Luc, mais il n'y a pas de règles générales en la matière, il existe des marchés où l'indication géographique est nécessaire, voire indispensable.

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    2. Sans parler de ceux qui, en toute logique, estimant incarner au mieux leur terroir, ne peuvent pas admettre que leurs vins soient privés de référence au dot terroir. Cf. pour en revenir à des appellations voisines d'une de celles évoquées ci-dessus au procès Cousin en Anjou.

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    3. tu nous mets l'eau à la bouche...je suis impatient de te lire sur Cornélie :)

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