Les consommateurs plébiscitent les pesticides!


Depuis hier, c'est l'émoi au Café du Commerce. Plutôt au Café du Commerce numérique, d'ailleurs. Sur les réseaux sociaux. La boîte-à-con française a diffusé un reportage* qui montre le poids des pesticides dans l'agriculture, avec notamment une carte qui fait peur. Le poids, par parenthèse, c'est un peu idiot pour mesurer l'impact des pesticides parce que justement, les pesticides bio, comme la bouillie bordelaise, pèsent beaucoup plus lourd que les pesticides de synthèses dont les molécules sont autrement plus virulentes. Pour simplifier (comme à la télé), plus tu es bio, plus tu es méchant, au kilo de cuivre ou de soufre en tout cas, c'est benêt. Au passage, on oublie de parler de l'importation aussi massive que sauvage de pesticides**, espagnols notamment, lesquels ne sont pas pris en compte par cette carte simpliste. Kilogrammes, kilomètres…


L'heure est donc aux slogans, à la bonne conscience. "Je ne suis plus pesticide", "plus jamais ça!", "le changement, c'est maintenant"… On est indigné. À fond! En colère. Et on le fait savoir le plus bruyamment possible. Quitte au passage à stigmatiser (on parle de boîte-à-con donc les mots à la mode sont autorisés) ces salauds de paysans, les empoisonneurs, les fumiers! C'est leur faute, leur grande faute, toute leur faute.
Ah bon? Mais au fait, qui l'a choisie, cette agriculture "de l'exploit", industrielle, productiviste? Qui a voulu des frigos et des poubelles bien pleins? Qui cautionne le massacre? La réponse est simple pourtant: moi, ou vous, nous tous, pour peu que nous décidions (oui, on décide!) de faire nos courses au pousse-caddie, ou que nous allions dans des restaurants (90% d'entre eux) qui se fournissent au pousse-caddie, chez Métro, Promocash & Cie. Car c'est le consommateur qui choisit les pesticides, qui les plébiscite même en poussant la porte du supermarché ou du restaurant qui s'y sert. C'est lui qui les impose à l'agriculteur, au nom du prix le plus bas, des petites (et fausses) économies***, de cet argument honteux du "manque de temps"****. Il en est le commanditaire, le responsable, le "coupable". Car, au Café du Commerce, on aime bien trouver des coupables. Avant de se rendormir et de retourner devant la boîte-à-con et au pousse-caddie.



* Cash Investigation, sur France 2. Lire à ce sujet le violent papier de Libération qui remet certaines pendules à l'heure.
** Sur ce sujet tout sauf anecdotique, lire cette chronique et ce reportage édifiant.
*** Le fameux mythe de la grande distribution moins chère que moins chère, j'en parlais ici notamment. Du même niveau que le bio de supermarché…
*** C'est sûr qu'à l'époque où l'on n'avait ni voiture, ni eau courante, ni électricité, ni gaz, cuisiner prenait beaucoup moins de temps… Un peu de sérieux, retrouvons du "temps de cerveau" disponible!








Commentaires

  1. Super cette carte !
    Les P.O. qui font partie des départements qui achètent le moins de pesticides....
    Quelque chose me dit que ça doit valoir aussi pour le pastis ,les carburants ,les pipes et les cravates...de notaire !!!

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    1. Contrairement aux 'investigateurs' de la télé, vous avez tout compris…

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  2. Vincent,

    je vous trouve un peu sévère pour une fois... dans le cas de cette émission-ci, le discours , sur un ton décalé fort à propos d'ailleurs, était justement d'éviter les clichés habituels sur la stigmatisation des agriculteurs, qui étaient présentés non pas comme les responsables de cet état de fait (la conso excessive de pesticides en france), mais comme des victimes, au même titre que tous les autres citoyens.
    Un discours qui change, et les éclairages sur les comportements des industriels, des chambres d'agriculture, etc.. qui ont poussé les agriculteurs à modifier leurs modes de travail dans les années 50-60 étaient forts instructifs. Je recommande.

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    1. Je suis bien d'accord avec vous, le consommateur. Mais les pouvoirs financiers des industriels, et de leurs lobbies, sont tels, que les consommateurs peuvent parfois être floués, en plein accord avec les politiques. L'esprit critique aigü n'est hélas pas développé au niveau de toute la population dans son ensemble...
      Vous faites d'ailleurs partie des vecteurs d'information précieux, et je vous en remercie, à ce titre.

      Je tenais simplement à souligner que ce reportage me semblait plutôt bien fait, contrairement aux raccourcis que l'on constate souvent, chose que vous soulignez dans votre article.

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    2. Reportage bien fait, je ne suis pas vraiment d'accord. Les journalistes ont oublié toute humilité et se mettent d'abord en scène avant de dénoncer. En plus, le manque de statistiques robustes à cause du faible échantillonnage - pour les autistes par exemple - laisse la porte ouverte au pesticide business qui dénoncera la validité de ces analyses.

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    3. Jean, je trouve dommage de voir le verre à moitié vide...

      Ok, les journalistes font de la mise en scène pour essayer de rendre attractif leurs reportages qui ne sont pas parfaits, mais alors qu'est-ce que l'on fait ? Vous imaginez bien qu'avec une forme froide, basée uniquement sur les faits, etc... cela ne passerait pas sur une chaîne de télé à grande écoute, et personne ne se serait intéressé au sujet, la nature humaine est ainsi faite, elle veut un minimum de divertissement - et elle a bien raison.

      Et je préfère imaginer que certaines personnes, en ayant vu ce reportage imparfait, va commencer à changer ses habitudes, du moins se poser des questions.

      Concernant la partie sur l'autisme, je ne me rappelle pas en détail, mais il me semble me rappeler que c'était le manque de stats sur le suivi du sujet en france, qui était dénoncé, contrairement aux USA où l'on trouvait un peu plus d'infos disponibles - un peu comme la carte de Californie construite avec les déclarations (obligatoires) de quantités de pesticides répandus sur le territoire.

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  3. Oui Vincent, nous décidons et même nous payons les "journalistes" qui font ces reportages bien à charge. Un peu maso. nous sommes. Mais ils sont intouchables pour nous pauvres pécheurs.

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  4. Sébastien Polaert3 février 2016 à 20:05

    D'accord avec toi Vincent sur les paysans pas forcément salauds et le consommateur (ir)responsable. Il Est temps d'expliquer à celui-ci que manger sain ne coûte pas plus cher (à condition de supprimer soda, plats préparés, bonbons et autres conneries qui inondent les caddys des hypers).

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  5. La bonne conduite commence chez soi ! Merci pour cet article

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  6. Beaucoup de bon sens ici Vincent. J'ai vécu ça par l'exemple aujourd'hui.

    J'ai parlé aujourd'hui, intéressé en temps que pêcheur, avec des agents de protection de l'environnement qui informaient à Lyon contre la casse de leurs fonctions : prévention des pollutions aquatiques, cartographie, recensement ... Convaincante discussion, argumentée, posée, sans extrémisme, mettant bien en évidence le hiatus entre grand raoût médiatique de la COP21 et la réalité d'un terrain où ils sont par exemple 4 agents pour s'occuper et surveiller 8000km de cours d'eau dans le Rhône, parfois aucun dans certains département. Bref du bon sens.

    Et puis patatras, une poignée de minutes plus tard, que penser de certains d'entre eux qui à la pause déjeuner filent chez McDeg et American Sandwich (pire encore !) alors que de bons petits bistrots attendent tout à côté ?

    Manque criant de bon sens.

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    1. Nous sommes au cœur du sujet. Un peu comme ces ultra-naturistes du vin qui roulent dans des bagnoles à30 litres au cent.

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    2. Et pas trente litres de vin of course, juste de l'essence qui tache.

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    3. L'éducation, Messieurs, l'éducation. C'est elle qui nous sauvera. Ou pas, vu les orientations qu'elle prend.

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    4. C'est l'émotion qui nous sauvera, christophe. Mais l'émotion du vivant, de la Vie.

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