Sans maquillage.


Il y a des vins pour lesquels c'est tous les jours Mardi-gras. On vous verse ça dans le verre, et voilà la parade! C'est grimé comme pour Carnaval. Du fard, des masques, des paillettes. Tiens, l'autre soir, c'était tendance Sitges, ambiance "grand vin"; enfin, grand, uniquement si l'on parle de prix. Le genre de picrate au goût très sûr, qu'on imagine bien dans la cave d'un maffieux roumain et, entre deux sacs de farine, dans celle de Tony Montana, servi de préférence par une Barbie latina avec racines apparentes. On me dit que ce truc appartient à LVMH*, symbole de l'élégance française (je l'ai lu dans Elle ou Marie-Claire ou Le Figaro-Madame). Il en faut pour tous les goûts…


Ce Termanthia, c'est pas compliqué, si tu arrives à en boire plus d'une gorgée, on t'offre l'extincteur. Pour éteindre le feu. Lourd, brûlant, oaky. Symbole d'une Espagne rastaquouère qui roule en klaxonnant à tue-tête dans une bagnole maquillée comme une caisse de gitan, avec des billets volés qui dépassent des poches. Du vin au kilo, à la tonne plutôt… C'est évidemment imbuvable. Sauf peut-être en cocktail avec du tonic, de la limette et beaucoup de glaçons, en fin de nuit, bien bourré, dans une boîte agricole de la campagne caniculaire de Zamora.


C'est là qu'intervient mon pote Nacho, le Basque. Sommelier, il est. Mais attention, sommelier qui aime le vin. Et qui en boit. Un vrai rhésus négatif qui le lendemain matin aux aurores va traverser l'Espagne d'est en ouest pour offrir un bouquet de fleurettes à sa mère. Tandis qu'épaulé par Russell, mon sparring-partner venu d'Orégon**, après avoir accidentellement trempé mes lèvres dans un agréable Cos d'Estournel 90, je lampe une bouteille de rouge galicien pour tenter d'éteindre d'incendie du toro, il essaie de me rassurer. "Mais non, l'Espagne, ce ne sont pas que ces caricatures". Il sait que je le sais, mais je crois qu'il a un peu honte pour son pays. Alors on essaye des trucs sous le regard ravi de l'Américain qui en une soirée va boire autant qu'Hemingway au meilleur de sa forme ibérique.


Il y a d'abord ce rouge, PF (à gauche, à droite, c'est une espèce de ripasso chilien). C'est pas mal, un peu trop "frutito" à mon goût, un peu yaourt aux fruits, vous voyez? Mais évidemment, à côté du LVMH… Il nous sort aussi un vin de Salamanque, pas mal, mais encore assez "espadre". Pas assez direct en fait. Il commence à se faire tard, et il faut du vin d'ivrogne, franc du collier, qu'on boit à la volée.


Et Nacho, qui en a marre d'entendre mes récriminations, sort un atout de sa manche, enfin, de son écran magique: "c'est mon copain Alvar qui fait ça". Alvar de Dios. Rien que ça. Aciano, c'est exactement ce qu'il faut. Du tinta-de-toro sans maquillage, qui coule dans le gosier. Le maffieux roumain et Tony Montana auraient détesté, ça ne coûte pas assez cher, la Barbie latina ne nous aurait même pas regardé. Alvar de Dios, en fait, c'est un voisin de Numanthia, moins de vingt kilomètres les séparent. Dans le verre, en revanche, ça se mesure plutôt en années-lumière. La différence entre un pot de peinture et un vin sans maquillage. Goûtez ça avant de vous faire enlever et violer par des extra-terrestres reptiliens ***!




* Rendons à César ce qui ne lui appartient pas: à l'époque de cette bouteille, la Bodega Numanthia-Termes n'appartenait pas encore au géant français du luxe qui ne l'a achetée que l'année suivante. Enfin, bon, ce sont quand même eux qui vendent cette merveille. dans les deux cents euros le kilo. Sans compter le verre, et Dieu sait s'il y en a du verre, un bon kilo, kilo et demi. Il est vrai que nous sommes là dans l'appellation Toro, entre Valladolid et Zamora, région pas spécialement réputée pour la légèreté de ses vins.
** Russell Raney, ex-producteur de pinot noir en Orégon, et écrivin à temps partiel.
*** Désolé pour cette chute minable, mais on m'a offert le lien vers ce site absolument sublime (merci Pierre Costes!), sûrement un des plus défoncés de la planète! Je pense que même en sortant de Monvínic, l'autre soir, après notre tour d'Espagne liquide avec Russel, on n'aurait pas été capable de faire aussi bien…



Commentaires

  1. Là, je dis : "Bravo !". La photo du Cos étant un 2000, n'aurais-tu pas toi aussi été enlevé avec ta bouteille ? N'auriez-vous pas voyagé à travers les années, avec pour effet de modifier le millésime sur l'étiquette ? Je vais me, tu vas te, nous allons nous réveiller. :)

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    1. Ah oui, tu as raison, ce n'est pas la bonne photo. Mais il y avait tellement de bouteilles dans cette soucoupe volante !

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    2. Eeeeet...les hommes lézaaaaards...ils t'oooooont...toi aussi ? #Mouhahaha

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