Beauté froide.
Ça fait deux jours maintenant que la bouteille traîne dans un coin du frigo. On la ressort, on la réouvre, on s'en sert un verre. Et puis, pas grand chose… Ce n'est pas que ce soit pas bon. Il y a du vin. Un poil brûlant peut-être, assez dense, sombre cependant rien n'en sort vraiment. Aucune émotion en tout cas.
Alors oui, on sent qu'il y a eu du soleil, de l'élevage aussi avec des notes torréfiées, chaudes, la bouche est relativement longue, ferme, mais franchement, on s'ennuie un peu.
Bien sûr, maintenant qu'on voit l'étiquette… Millésime 2004, la fin des années Jaboulet. 2004, c'est très jeune pour une Chapelle. La Chapelle, ne l'oublions pas, c'est une beauté froide. Vous savez, un peu comme Catherine Deneuve dans sa toute jeunesse. Belle, mais lisse à en devenir banale.
Faut-il être patient? Juste attendre et éviter de sombrer dans le simplisme, dans cet éloge de la facilité, un rien populiste et tellement à la mode, qui beaujolise le vin*, nous explique qu'un rouge ça doit être bu dans l'année ou jamais? Pour autant, je ne sais pas trop ce que cet hermitage va gagner en cave. Dois-je le ranger dans la catégorie des vins qu'on ne comprend pas?
Alors on repense à Catherine Deneuve. À ses premières fêlures, ses premières rencontres, ses premières ride. À cette femme qui devient moins diaphane, qui prend de l'épaisseur. Se fait fouetter par Bunuel, embrasse Bowie sur la bouche, fume le havane avec Gainsbourg. Les rencontres, la vie. Et le temps.
Le temps va-t-il faire de ce 2004 un 85 ou un 67**? Je ne crois pas, loin s'en faut. Mais je ne demande qu'à être démenti. Qu'enfin la beauté froide se dévoile.
* Et encore, les beaujolais, les grands, qui n'ont rien à voir avec le jus de banane, vous savez ce que j'en pense, j'adore. Dutraive & compagnie, c'est du vin, de garde éventuellement.
J'aime les vins que l'on ne comprend pas, qu'on ne comprendra jamais. Autant que les blondes qui ne brunissent pas. Qui ne bruniront jamais. Les énigmes majuscules. Les interrogations droites, un rien tordues, mais juste pour faire comme si. Voilà : comme si.
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