Charles, le fromage & la civilisation.

Diététique oblige, les fromages deviennent peu à peu les parents pauvres de notre gastronomie. Une élimination discrète, sournoise, des cartes et des menus, des articles et des reportages; à part Périco Légasse, plus grand monde ne parle d'eux. Pourquoi faire d'ailleurs quand les cuistots et la Presse de bouffe ne pense qu'à aller à la soupe. Or, les petits fromagers artisanaux ne sont pas riches, contrairement à Nestlé, Danone, Métro ou McDo*.

Heureusement, ils comptent désormais un défenseur de taille: le peut-être futur Roi d'Angleterre, Charles Windsor. Reçu par l'Institut de France pour y recevoir le Prix François Rabelais en récompense de son action de longue date en faveur du développement de l'agriculture biologique, le prince de Galles s'est lancé dans un plaidoyer remarqué en faveur des fromages hexagonaux. Après avoir salué notre cuisine, il a rappelé son discours de 1992 à Paris, alors qu'il défendait des producteurs britanniques artisanaux menacés par de sombres directives européennes.

"Dans une société bactériologiquement correcte, que va-t-il advenir du brie-de-meaux, du crottin-de-chavignol ou du bleu-d'auvergne?", s'est interrogé (en français) Charles. "Dans un avenir débarrassé des microbes, progressiste et génétiquement programmé, quel espoir reste-t-il pour la désuète fourme-d'ambert, le comté mal fichu ou l'odorant pont-l'évêque? Cette obsession des autorisations, des catégories, de l'homogénéisation et de la pasteurisation va-t-elle voir l'émasculation du robuste vieux roquefort, du camembert, du reblochon et même de l'omniprésent vacherin?"
Avant d'ajouter que même si cela pouvait sembler idiot de dire ça, "une très importante partie du magnifique édifice de la civilisation européenne demeure l'héritage de génie et de savoir-faire des gens capables d'élaborer des recettes aussi remarquables".
Votre Altesse Royale, merci !

* À propos de McDonald's, vous connaissez la dernière? Tout comme Omnivore qui nage en eaux troubles, le petit guide parisien du Fooding, si "nature", si propre sur lui, accueille désormais de la publicité pour la chaîne de malbouffe américaine (ci-dessous, photo Marie Gaudel). Amusant, non?