La capitale inconnue de la truffe du Périgord.


Vous connaissez Sarrión ? Non bien sûr. Ou alors, si vous me répondez oui, c'est que vous êtes négociant en Tuber melanosporum. Sarrión, c'est un petit bled aragonais, au sud-est de Teruel, à la frontière de la Communauté valencienne. Et s'il est connu des spécialistes, c'est qu'il passe pour le centre névralgique de la truffe noire en Espagne. Et attention, même si ce commerce reste d'une discrétion quasi-maladive, ici, on ne parle pas de rien: on affirme qu'on y aurait vendu l'an dernier jusqu'à trente-six tonnes de truffes, 90% de la production espagnole! À titre de comparaison, on récolte en France entre quarante et cinquante tonnes par an.


Un vrai boom économique! En tout six mille hectares, dont la moitié en pleine production, sont depuis vingt ans dédiés à la truffe dite du Périgord dans les vingt-quatre villages qui entourent Sarrión. Des truffières modernes, intensives, comme on sait faire en Espagne quand on se mêle d'agriculture. "À l'américaine". Beaucoup sont irriguées afin de presser le pas du diamant noir. 
Car ce n'est pas la moindre qualité commerciale de ce terroir aragonais, on peut y récolter des truffes de façon plus précoce qu'en Quercy ou en Périgord. Et ça, depuis que les foodistes ont remplacé les gourmets, ça compte! Vous connaissez le proverbe: "truffes en novembre, asperges en décembre et fraises en mars". Dans la bouffe désormais, comme dans la fringue, si on ne vend pas des maillots de bain en plein hiver, on est déconsidéré…


Évidemment, au prix du kilo (dans les trois cents euros), la truffe des pauvres paysans de Sarrión, devenus industriels avisés, alimente bien plus que le marché local. 90% de la production s'exporte en France, où elle est ensuite baptisée, marketée, puis redistribuée, dans l'Hexagone mais aussi à l'étranger. La maison Pebeyre de Cahors a été une des première à s'intéresser à ce gisement, mais, depuis, nombreux sont ceux qui y ont mis le nez. La foire internationale qui s'y est tenue début décembre a réuni vingt-deux mille personnes venues du Monde entier. Au passage, on visite Inotruf, un des gros fournisseurs de plants mycorhisés, les futurs chênes ou noisetiers truffiers.


Alors, évidemment, la question est de savoir si le diamant noir y est meilleur ou au contraire moins bon que dans ses terroirs historiques. C'est compliqué la notion de terroir pour la truffe, j'ai un peu envie de dire que c'est comme partout, il y a du bon, et pas mal de moins bon, peut-être un poil plus de moins bon à cause des méthodes de culture. Ce n'est pas très grave de toute façon puisque le moins bon, on le refile aux gogos des restaurants, généreusement arrosé au méthyl 2-butanol, oui, vous savez, l'huile "de truffe", cette mixture synthétique qui permet également de passer les truffes d'été ou celle de Gotland.
Sarrión, donc, retenez bien ce nom qu'en fait vous pratiquiez sans le savoir.




Commentaires

  1. Malheureusement, il n'y a pas les gogos qui bouffent des saloperies comme le méthyl 2-butanol. Les vrais gastronomes qui pensent bouffer terroir bouffent 80% du temps du N-phosphonométhyl glycine autrement dit glyphosate, puisque 95% des truffières "professionnelles" sont arrosées au round up. C'est drôle car personne ne le sait, ou personne ne veut le dire. En effet, et aussi contradictoire que cela puisse paraître, arroser ses truffières de glypho permet d'aller jusqu'à doubler sa production, par rapport à un griffage qui a tendance à bousculer le mycelium, et l'herbe de concurrencer le développement racinaire. Ainsi, l'on casse bien les couilles à juste titre aux coopérateurs vignerons qui arrosent leurs vignes, quid des trufficulteurs qui nous font bouffer des champignons qui ont d'autant plus la capacité d'absorber pleinement ce joli liquide à quelques 5 ou 10 cm en dessous du sol. Joyeuses fêtes Monsanto :)

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    1. Vous avez de la documentation précise là-dessus, Mathias ?

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    2. Non aucune, si ce n'est qu'il suffit de parler un peu à des trufficulteurs dont c'est le métier pour comprendre rapidement (ou de passer dans les truffières à l'été, les brulis ont bon dos) que tout le monde s'est passé le mot. Agrobiopérigord a souhaité mettre en marche des certifications bio sur les truffières , un mec s'est manifesté, tout le monde lui est tombé dessus. Une truffe bio mettrait toutes les autres en cause. C'est bien le problème des cultures "conventionnelles":On est capable aujourd'hui de vous dire exactement la quantité de cuivre et soufre au gramme près que chaque vigneron bio utilise, mais d'aucune manière on ne peut savoir la dose de saloperie utilisée par un agriculteur "traditionnel". Il n'y a aucun contrôle. Et j'insiste, les truffières menées sous round up produisent beaucoup plus que les truffières sarclées. Vu les tarifs, il faut que les convictions soient tenaces...

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    3. La truffe bio ? Dans les truffières ? Elles sont gorgées d'eau donc c'est vrai qu'elles sont belles, énormes mais pas naturelles !!! Elles perdent en saveur et en goût. La truffe doit être récoltée sauvagement comme le cèpe.

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