Tu votes rioja ou valdepeñas ?


J'avoue, le vin et la politique, c'est un assemblage, pire un coupage, qui ne me fait pas rêver. Parce que quand on va acheter un bouteille, on n'a pas nécessairement envie de se faire saouler par un discours politicard souvent aussi vieillot qu'indigeste. 
Ce coupage est pourtant très en vogue au nord des Pyrénées, à Paris en tout cas, où triomphe dans le mondovino médiatique une certaine esthétique mélenchono-communo-nostalgique. Témoin de cette mode du vin très rouge, l'Association des cavistes alternatifs dont les membres ne perdent pas une occasion de lever le poing, d'agiter des petits livres écarlates ou de vociférer contre les oligarques et les ordures libérales. Souhaitons-leur toutefois, puisqu'engagés ou pas ils demeurent commerçants, de conquérir ainsi des parts de marchés moins ridicules que celles de leur idole du Parti.


À l'autre extrême de l'échiquier politique, les fervents lepénistes carburent eux aussi au pinard et le font savoir. Avec une certain intérêt semble-t-il pour le champagne. On avait connu La Veuve-Poignet, la bulle des bars gay dans laquelle Jean-Marie Le Pen avait des billes, sa petite-fille, elle se fournit chez un sympathisant de Carpentras qui a fondé la marque Empire (rien que ça!) à l'esthétique aussi rétro que celle de leurs adversaires lénino-stalino-maoïstes, très "noir chemise" dira-t-on.


Cette mode française, un peu artificielle, du "vin politique", je me suis donc mis en tête de la transposer de l'autre côté des Pyrénées, puisqu'aujourd'hui les électeurs espagnols sont appelés à élire leurs représentants, élections dont découlera la couleur du prochain gouvernement. L'issue du scrutin est incertaine (cf. le dernier sondage de ce matin). Donc, plutôt que de me risquer à des pronostics, j'ai essayé d'imaginer, en fouillant un peu, ce que l'on buvait selon son parti, me faisant aider pour le coup, par une "physionomiste du godet".


Pour commencer, j'ai fait simple: le parti au pouvoir, le Parti Populaire, actuellement en tête des sondages. C'est la Droite espagnole, qui sent la Castille, comme le ribera-del-duero, le Vega Sicilia mais dont j'imagine volontiers l'électeur un verre de rioja en main. Le rioja, c'est le classique ibérique. Nul doute, vu son succès universel, que les notables du PSOE s'en régalent aussi mais un vieux Tondonia ou Viña Real, franchement, au PP, je le sens bien. C'est bourgeois, confortable, ça évite généralement le tape-à-l'œil, ça fait penser aux gamines en kilt à la sortie de l'école privée et aux allures de comptable de Mariano Rajoy. Allez, un rioja, vendu!


Avec les alternos-gauchistes de Podemos, seconde force en lice selon le dernier sondage, c'est un peu plus compliqué. Instinctivement, on pense à la bière. Parce que c'est 'important de montrer du mépris pour le vin, cette boisson contre-révolutionnaire du grand capital, indélébile marqueur social. Une mousse, donc, bue au goulot. Pas de la bière artisanale, hein, "ça fait bobo", de l'Estrella Damm (à cause de l'étoile) ou plutôt de la San Miguel, la plus populaire. 
Si on s'aventurait dans le vin, il faudrait qu'il y ait un message, que l'on lève le poing comme j'écrivais plus haut. Immédiatement, je pense à Laureano Serres, en Terra Alta.


Chez les socialistes, qui ont un peu de mal à se renouveler ces temps-ci, on se sent un peu dans le Madrid de la fin des années quatre-vingts, pattes d'éph' et cols pelle-à-tarte, assorti au look d'acteur de Pedro Sánchez. Dans des peliculas en 35mm où l'on boit encore du valdepeñas. J'aime bien ce côté vintage. Il faudrait en reboire du valdepeñas, il doit bien exister un ou deux trucs sympas dans cette immensité pinardière, sinon, on fera une sangría, ce qui est assez vintage aussi. Dans la version catalane du PSOE, le PSC, en déjeunant avec Carme Chacón, on fera attention à commander un penedés, appellation dans laquelle on ne sait pas trop quoi vous conseiller (à part le Garrut évoqué jadis), on essayera de la convaincre de goûter un pla-de-bages, comme cet Exibis que j'aime tant.


Pour les petits nouveaux de Ciudadanos, avec leurs gueules d'anges et leurs costumes bien propres, on hésite. À cause de la fraîcheur du mouvement, centriste-citoyen-anti-corruption, on songe à un rouge de Galice, un de ces crus qui évoquent le renouvellement, dans le genre de ceux de Jose Luis Mateo. Mais, à la gueule du client justement, la sommelière me conseille plutôt un cava. Du Gramona, me dit-elle. Pfff…, ils ont des moyens, ces jeunes, on optera pour Recaredo ou Privat, à cause de la vue sur mer.


À côté de ces quatre grands, c'est l'éparpillement. Il ne reste que quelques miettes pour les nationalistes catalans qui eux, comme on agite une banderole, disent en public qu'ils boivent du priorat mais en fait, en privé, se torchent au gin-tonic et se sucrent au Caca-Cola. Chez les Basques, ce sera ce fameux cidre qui m'enchante, avec presque moins de bulles que le txakoli.
Voilà pour ces boissons d'élections. Amis espagnols, votez bien, massivement. Ici, plus encore que dans d'autres pays d'Europe, le vote, c'est sacré.





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