L'utile crée le beau (cadeau).


Panique pour les "retardataires"! Il faut trouver un cadeau. Plus que trois jours! N'importe quoi, pourvu que ce soit emballé dans du papier brillant, avec un nœud par dessus. Regardez, des USA, on m'a même envoyé ce paillasson. Bonne idée, non, un paillasson pour Noël?
On a tout dit, tout écrit sur cette célébration de la foi devenue kermesse des marchands du temple. En même temps, comment leur en vouloir aux boutiquiers? Relisons pourtant cet extrait de Pulp, du vieux Hank.
"Nous sommes tous embarqués sur le radeau de La Méduse, et contents d’y être.
Un exemple, Noël. Allons, du courage, posons le problème. L’homme qui en est à l’origine n’était qu’un voyageur sans bagages. Alors que nous, juste pour prouver qui nous sommes, nous croulons, ce jour-là, sous des tonnes de camelote.
Prouver qui nous sommes, ou qui nous ne sommes pas d’ailleurs.
La qualité comme preuve de l’existence. Et voilà comment on fait le contraire de ce qu’il faudrait faire. Renversez la vapeur, lâchez tout, et le Nirvana s’offrira à vous. Juré."
La décroissance, façon Bukowski, on y adhère ou pas. Difficile en tout cas de ne pas le rejoindre sur ces "tonnes de camelote" qui vont encombrer nos godasses au matin du vingt-cinq décembre. Ou au moments des Reyes ici en Espagne. Nos godasses, et en suivant eBay, puis nos poubelles.


En matière de cadeaux, j'ai un peu, comme souvent, l'impression que l'utile crée le beau. Le bobo aussi parfois, puisque c'est ce qu'on m'avait balancé à la figure il y a quelques années* quand je nous avais offert ce plaisir qui continue de réjouir jour après jour**. Pensez donc! Des couteaux Perceval, achetés qui plus est à la Coutellerie du Marais, rue du Pas-de-la-Mule, à vingt mètres de la place des Vosges! Mais, comme je l'écrivais à propos d'un superbe bistrot londonien, finalement, bobo, c'est pas mal (même si je suis trop pauvre pour vraiment l'être). Je préfère ça en tout cas à beaubeauf', un style qui gagne du terrain en France.


Dans le même esprit, utile, beau, parisien et bobo, je vous sors de ma hotte le cadeau parfait de ce Noël 2015: des tasses à café. Pas n'importe lesquelles, celles qu'a dessiné Sylvie Amar pour Hippolyte Courty, le modèle Révélation. Hippolyte Courty, c'est L'arbre à café, rue du Nil, la rue bobo-foodiste, dans le Sentier, tout près du Marais. Décidément…


N'empêche que je la trouve épatante cette tasse ronde, dodue, dedans comme dehors. On aime la prendre au creux de la main, s'y réchauffer, toucher l'objet, caresser le grain du grès, le regarder. Avant la dégustation, c'est déjà un plaisir. Mais en plus, on a vraiment l'impression qu'elle change le goût du café! À son image, il y semble à la fois plus rond et plus précis.
Pour prendre une image qui nous ramène à l'univers du vin, elle me fait penser par sa sensualité et son intelligence, la réflexion dont elle émane, au magnifique verre Zalto, le nec plus ultra de l'hédonisme œnophile.
Au passage, on notera que cette tasse sexy est fabriquée artisanalement en France, à Durtal dans le Maine-et-Loire, par les établissements Mongolfier.


L'idéal, bien sûr, c'est d'y verser un de ces crus naturels que vendent L'arbre à café et les autres torréfacteurs indépendants qui en France comme ailleurs*** résistent à l'horrible uniformisation de Nespresso, contre le jus-de-chaussette industriel. Rien que pour ça, pour cet acte gastronomico-culturel, c'est un cadeau merveilleux, plein d'espoir.


Alors bien sûr, on peut, pour ses tasses à café, trouver moins bobo, plus "peuple", acheter des monceaux de merde chez IKEA ou chez les Chinois (ce qui nous ramène au vieux Hank). Je ne suis pas vraiment sûr qu'au final le calcul soit si révolutionnaire que ça.




* On me l'a répété d'ailleurs il y a quelque temps à propos d'un article sur cette merveilleuse adresse du vignoble de Bourgueil, Vincent cuisinier de campagne. Un truc de "bourge" m'avait lancé un commentateur "très petit matin du grand soir", assez symptomatique de cette France cégéto-lepéniste.
** En plus bien sûr de mes chers (mais peu coûteux) Pallarès catalans.
*** J'en profite pour vous donner une bonne adresse classique à Barcelone, El Magnifico, chez Salvador Sans, qui vend également du thé, en face, à l'enseigne de Sans & Sans.



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