The Times, They Are a-Changin'?
C'est presque un symbole, une de ces coïncidences troublantes que nous offre parfois l'actualité. Au moment même où, à la barre du deuxième Tribunal de première Instance de Barcelone, Ferran Adrià, celui qui a fait rentrer les usines dans les cuisines, se débat ces jours-ci dans une sombre affaire de pognon*, le très poli journal régional, La Vanguardia sort un article qui, d'une certaine façon, sonne le glas de son époque. Une interview, en fait, de Rosa Solà, membre de l'association Slow Food, longtemps présidente du convivium de Barcelone (qui a d'ailleurs eu le bon goût se se placer sous le vocable de Manuel Vázquez Montalbán, méprisé localement pour crime d'hispanité). Que dit-elle. D'abord, "qu'en Espagne, on vit dans le mensonge qu'on mange bien", que "les racines gastronomiques ont été perdues" et qu'ici, "la diète méditerranéenne ne l'est plus". Et elle dénonce avec violence la poudre au yeux de certaines opérations de com', en l'occurrence celle de la Generalitat de Catalunya, le Conseil régional catalan dont le récent label Kilomètre Zéro** n'est qu'une "cochonnerie", qui mélange tout, confond les petits agriculteurs et les grosses machines agro-alimentaires, d'autant souligne-t-elle, que les hommes politiques sont pathétiques, sous-entendant qu'ils sont à la botte des multinationales de la malbouffe.
Évidemment, si vous lisez régulièrement ce blog, vous allez me dire que ce n'est pas nouveau, que ce constat, je l'ai maintes fois dressé, que cette "décadence" et ces collusions ont déjà été dénoncées. Certes. Mais, découvrir ces phrases écrites dans un grand journal espagnol, catalan de surcroît, c'est une petite révolution. Qu'on ose les publier montre que quelque chose, peut-être un déclic, est en train de se produire. Ne nous emballons pas, une hirondelle ne fait pas le printemps, pour autant, j'ai envie de comparer ce début de prise de conscience (je ne parle pas de Slow-Food, mais de la Presse) à celui qui fait mine de s'abattre sur le Mondovino espagnol; depuis la fin du panchocampisme, je vous l'avais raconté ici et là, certains pontes se découvrent des envies d'ailleurs, annoncent, souhaitent, même, la fin de l'époque "soupe de planche-Coca-Cola" et de la pensée unique qui régnait sur la viticulture ibérique. Les très récentes notes du Guide Peñin, portant par exemple au pinacle les excellents jus de Navarre et de Rioja d'Olivier Rivière (lesquels n'ont strictement rien à voir avec les caricatures dont il se gargarisait il y a peu) ne font que me confirmer dans cette pensée. Opportunisme ou révélation tardive, peu importe, finalement, tout ça vaut bien un petit coup de Bob Dylan…
* Le pape de la cuisine chimique est accusé d'avoir spolié l'associé-financier d'El Bulli, profitant de sa maladie, un "secret de famille" catalan soigneusement étouffé ces dernière années. Je ne vais pas m'étendre là dessus, si c'est vrai, c'est complètement sordide. Jean-Claude Ribaut le racontait il y a peu dans un blog du Monde. Pour les dernières nouvelles du procès qui s'achève aujourd'hui (et qui est très discrètement évoqué par la presse locale), c'est ici.
** Un des clous du spectacle de cette opération Kilómetro Zero catalan a été la publication d'un guide des restaurants mettant en avant les produits régionaux, bouqui préfacé par le "chantre du terroir", le "héraut de la Nature" évoqué ci-dessus pour ses démêlés judiciaires. Si, si, c'est vrai…
** Un des clous du spectacle de cette opération Kilómetro Zero catalan a été la publication d'un guide des restaurants mettant en avant les produits régionaux, bouqui préfacé par le "chantre du terroir", le "héraut de la Nature" évoqué ci-dessus pour ses démêlés judiciaires. Si, si, c'est vrai…
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