Paroles, paroles…
Ici, à Barcelone, comme dans tous les pays riches*, en peu de temps, tout est devenu naturel! Sur nos tables, bien sûr: le menjar et le vi? Ecològics, of course, d'un coup de baguette magique! J'en parlais dimanche, même Mc Do' et El Bulli se sont repeints en vert. Dans la rue, itou, le moindre de nos gestes est devenu sostenible (durable): on trie soigneusement les (trop abondants) déchets bios (achetés au supermarché), nos fringues sont fabriquées (où et par qui?) en coton bio, à se demander si même les pots d'échappements de nos voitures ne crachent pas des fleurs… Ça n'a rien à voir, mais ça me rappelle cette phrase d'un des plus grands bistrotiers que j'ai rencontré dans ma vie, Roland Castagné** qui en roulant ses cigarettes disait toujours: "je fume du tabac bio, comme ça j'aurai un cancer bio". Sauf que lui, c'était de l'humour…
Paroles, paroles, c'est une rengaine malheureusement bien connue quand on parle d'écologie. Pourtant, plus percutants que les mots, les chiffres sont là, alarmants quand on vit en Espagne. Et je ne vais pas vous parler de ces vins "bio" catalans au merveilleux nez de Malabar ou des tomates "du marché" aussi résistantes (et goûteuses) que des boules de pétanque. Je vais essayer d'éviter aussi le délicat sujet de l'eau, notamment pour ne pas faire de tort aux cuistots qui s'émerveillent de servir des produits ecològics du Delta de l'Èbre, un fleuve dont on sait que c'est une poubelle, entre métaux lourds et centrales nucléaires vintage. Non, juste un chiffre que vient de publier El País: 94% des Espagnols respirent un air contaminé, bien au dessus des seuils fixés par l'Organisation Mondiale de la Santé! Ce constat provient d'un rapport apparemment sérieux rédigé par l'ONG Ecologistas en Acción. Bruxelles s'était d'ailleurs inquiété au début de l'année du fait que l'Espagne soit le pays européen le plus pollué.
Le ciel bleu rend optimiste. En fait, si l'on creuse un peu, tout le monde s'en fout. Et, évidemment, la crise n'arrange pas les choses. D'un point de vue politique, on ne faisait pas grand chose, ça a évidemment empiré. Prenez l'exemple de Barcelone qui figurait déjà dans le tiercé de tête des villes les plus polluées du continent, juste derrière Budapest et Bucarest: les pistes cyclables y ont vingt ans de retard tandis qu'au conseil municipal, en attendant des projets en forme de serpent de mer, on en est encore à palabrer sur les risques que présente le vélo en ville; dans le même temps, histoire d'inciter à l'usage des transports en commun, on fait grimper le prix du ticket de métro à deux euros pièce, ce qui n'est pas rien dans un pays où le salaire minimum brut n'atteint pas sept-cent-cinquante euros alors que le taux de chomage frise les 25%! Bref, on parle, on parle, mais au pays des autoroutes urbaines et de la quéquette qui tient le volant, on n'en est pas encore tout à fait au stade de la prise de conscience…
Paroles, paroles… La chanson me trotte dans la tête tandis le train de banlieue*** file vers les plages de Sitges et sa vieille gare qui fleure bon le balnéaire d'antan. Remarquez, Dalida, icône gay, ça ne va pas si mal que ça avec Sitges, qui est, entre autres, le petit Mýkonos espagnol. Entre chaque tunnel, la voie ferrée flirte avec les falaises, "le long des golfes clairs" (décidément…). Dire que si on avait fait comme les "gens normaux", on aurait pris la voiture, traversé dans les bouchons, les hypermarchés, les usines et les fumées, la sinistre banlieue du Llobregat, longé le parking de l'aéroport… Alors que là, en train, ça sent déjà les vacances! C'est pas mal finalement de polluer moins.
*parce que crise économique ou pas, nous demeurons, nous, Occidentaux, des privilégiés!
** le Nabuchodonosor, rue du Coq-d'Inde, à Toulouse, ouvert à l'aube des années 80, c'est l'équivalent occitan du WSET londonien, Roland Castagné est évidemment Master of Wine…
*** à Barcelone, les trains de banlieue s'appellent les Rodalies, sont comparativement bien moins coûteux que le métro (3-4 euros par exemple pour aller à Sitges en une grosse demi-heure) et on peut les emprunter depuis les princiapes gares de la ville dont Estación de Francia, Sants et Paseo de Gracia.
*** à Barcelone, les trains de banlieue s'appellent les Rodalies, sont comparativement bien moins coûteux que le métro (3-4 euros par exemple pour aller à Sitges en une grosse demi-heure) et on peut les emprunter depuis les princiapes gares de la ville dont Estación de Francia, Sants et Paseo de Gracia.
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