Barcelone, espagnole, méditerranéenne et gaie.

Ces temps-ci, en Catalogne, le nationalisme, fidèle à sa tradition séculaire, rend con, moche et méchant*. Quoi de plus agréable, dans ce contexte nauséabond, que de trouver, à Barcelone, une joli petit bistrot à tapas qui, en tournant le dos au racisme anti-espagnol, nous offre une jolie bouffée d'air frais. Cañete, c'est le nom d'un petit bled ibère perdu aux confins de la Castille-La Mancha, l'Aragon et le Royaume de Valence. C'est aussi celui d'une des vieilles variétés espagnoles d'ail rouge. Et, c'est donc sous ce vocable qui sent si bon l'Espagne, cette Espagne riche en couleurs que nous sommes tant à chérir, que s'est placé le bar dont je vous parle aujourd'hui.

Cañete, qui a été rénové il y a un ans ou deux, est installé à cent mètres des Ramblas et du marché de La Boqueria, côté Raval, dans la calle de la Uniò. Un abord assez discret, bleu marine et blanc pour un endroit qui a du chic. Mais pas le chic coincé qu'on trouvera dans l'Eixample, un chic décontracté avec un accueil et un service à la fois professionnels et pleins de gouaille, un peu "à l'italienne". Ça change, et ça mérite d'être signalé! La clientèle est au diapason, sympa, gourmande, bref, le bon côté de Barcelone.

Passons à table, ou plus exactement au zinc, car c'est principalement là qu'on mange au Cañete. Tout est préparé devant vous, joyeusement, un peu à la façon du bar de l'hôtel Ohla, calle Laietana. Plus qu'un restaurant, c'est un bar à tapas. Oui, à tapas, car même si, comme je vous ai déjà expliqué, vouloir manger des tapas à Barcelone, c'est à peu près aussi couillon que de filer à Lille chercher un bon cassoulet, il existe des exceptions. Dont cet endroit où l'on vous sert aussi bien une fine tortillita de camarones à la façon de Sanlúcar de Barrameda qu'un cap i pota catalan, des délicieux anchois de Cantabrie que les beignets d'aubergines au miel à la cordouane. Un sent même parfois une pointe d'Italie quand le cuistot vous envoie une burrata aux artichauts et à la pulpe de (bonne) tomate. Et un clin d'œil à la France avec les belles (et indispensables!) frites qui accompagnent le tartare de vache vieille. Que voulez-vous, historiquement, la Méditerranée est un lieu d'échange, pas un rempart.

Un lieu reposant, donc, gai, accueillant, où l'on ne juge pas indispensable de vous "souhaiter la bienvenue" en agitant un drapeau tout en vous faisant la gueule et en vous tendant un menu en patois. Rien que ça, ça facilite la digestion… D'autant que la nourriture est fraîche, enlevée, sans prétentions gastronomiques mais excellente.

Pour ce qui est des boissons, là, en revanche, on renoue avec l'usage local, ce qui signifie que si vous n'avez pas envie de sucer un bout de bois, mieux vaut passer son chemin. Il y a quelques presque échappatoires (comme le PSi de Peter Sisseck) mais je me demande si ce sont vraiment des canons de bar à tapas… Heureusement, à la pression, on a le bon goût de vous proposer de la Moritz, pas trop sucrée. Donc, caña!

Juste un mot pour dire que, pour une fois, il ne faut pas oublier les fromages et les desserts (remarquable tarte aux pommes, pas trop sucrée). Et qu'on doit également aller faire un tour aux toilettes, au fond, derrière l'agréable patio avec ses pots de fleurs andalous et son bananier. Juste pour le plaisirs de quelques tags artistiques et d'un bel hommage au grandissime torero José Tomas qui il y a quelques années offrit son retour aux arènes de Barcelone. Vous savez, avant que la Monumental ne devienne une friche. Et le cimetière d'une certaine hispanité, d'une certaine mixité culturelle de la ville.

*À moins que ce ne soit l'inverse, d'ailleurs…