Prenons soin du "ventre de Toulouse".


Même au cours d'un séjour-éclair dans la Ville rose, ça reste un de mes points de passage obligés: le marché Victor-Hugo. On m'a même raconté sur place qu'on en avait récemment parlé dans la boîte-à-cons, ce qui montre l'importance du monument (humour…). Une émission sur Arte (eh oui, même Arte*). "Je l'ai regardée en accéléré pour ne pas m'énerver" commentait, accoudé à l'Electro Bar, un commerçant. Quelques TV cooks y jouaient leur rôle dont la composition n'est guère plus reluisante que celle de leur tambouille, célébrant le "ventre de Toulouse**", alors même que ces cuistots, précurseurs en la matière, ont été les premiers à fuir ce "ventre" pour aller se ravitailler tout au bas du colon, au trou-du-cul de la ville, bien après les Sept-Deniers et le Stade glorieux, chez Métro. En fait, pour les connaisseurs de la géographie toulousaine, juste après la jadis pestilentielle station d'épuration de Ginestous, là où la cité chie sa malbouffe, ce qui finalement boucle la boucle.


Mais bon, ce n'est pas pour vous parler de la Pieuvre, de l'univers du pousse-caddie et de ses séides que j'ai sorti ma plume de sa torpeur estivale. C'est juste parce qu'en arpentant les allées du marché Victor-Hugo, on m'a prévenu qu'on allait bientôt le "rénover". "Rénover", ce mot parfois me fout les jetons***. Surtout à Toulouse, où contrairement au rugby, l'architecture n'est plus vraiment un sport local. En la matière, il est d'ailleurs assez amusant de comparer la trajectoire des deux sœurs de Garonne, Toulouse et Bordeaux, pour voir à quel point la Ville rose en a pris plein la poire.


On va donc "rénover" Victor-Hugo et je m'en inquiète. Je ne suis pas le seul d'ailleurs, mes amis m'en parlent, et comme eux donc je goûte peu ces loges géantes au design de sous-préfecture, au goût de la grande distribution. Attention donc (appel du pied à nos chers élus) à la "rénovation coup de Kärcher", celle des gymnases de conseil général, qui banalise, affadit, détruit le charme. Préservons cette nécessaire part de fouillis. Inspirons-nous des marchés du Sud, de Séville ou de Florence, de leur fourmillement, de leur anarchie organisée, plutôt que de calquer la copie sur la froideur des Intermarché de banlieue. Sauvons l'heureux tumulte de Victor-Hugo, ce patchwork de bistroquets et de petites loges, celui dont Lucien Vanel (entre autres) m'offrit les clefs. Sauvons son âme.


Alors, plus que jamais, en attendant, profitons du "vieux" Victor-Hugo. Comme lors de ces courtes visites d'été aux bras chargés. Rien que pour cet apéro à l'Electro. L'énergie douce d'Olivier Ivanès (ci-dessus) qui le matin t'envoie un tartare pour remplacer une nuit de sommeil, qui à midi appelle à la rescousse son voisin, mon "cousin" d'Orgibet, L'Ariégeois au jambon si doux, né de ces familles insoumises du haut-Couserans où l'on perpétue la noble tradition du cèpe et de la fario à la main.


Olivier, le taulier de l'Electro (épaulé par son mouvement secret le GOF****), chef-de-file des commerçants, fait partie de ceux qui maintiennent vivantes ces halles magiques que tant de "rénovateurs" pourraient transformer en sous-supermarché***** avec d'immenses loges lookées "rayon viande" ou "rayon frais". Restons au "rayon vrai", c'est la vocation de Victor-Hugo.


Le "ventre de Toulouse", oui. Le ventre, disent les médecins, c'est notre autre cerveau. Et le cerveau, malgré son immense puissance, est d'une infinie fragilité. Messieurs qui allez vous pencher sur ce dossier, soyez créatifs mais surtout soyez doux, soyez délicats, ne charcutez pas trop, n'amputez pas, respectez le désordre apparent, il structure la mémoire inscrite dans chaque brique rose.




* Remarquez, avec la Presse, désormais, il faut s'attendre à tout. Ainsi ce dossier putassier découvert hier dans Le Monde, un dossier "aspirateur à pub" (Carrefour a répondu présent…) consacré aux vins foireux, avec la traditionnelle "sélection des bonnes affaires à partir de 3,49€" et le papier humaniste (du vécu, coco!) sur les "acharnés des foires aux vins", hymne à l'univers enchanté du pousse-caddie.


*** Reprise d'un titre né il y a une vingtaine d'années, en hommage à Zola.
*** Un peu comme "revisiter" en cuisine…
**** C'est trop secret le GOF, je n'ai pas le droit de tout vous dire. En revanche, il m'a fait hurler de rire avec, en rayon, bien évidence, ses bouteilles "collector" hors de prix de la coopérative de Castelmort (ci-dessous). "Ben, tu comprends, y'en aura plus, donc c'est la spéculation sur les dernières…" En revanche, au comptoir, on s'est régalé de l'excellent Petit Derna 2013 de Guillaume Boussens avec le quel il les a remplacées.


***** On a même eu pire, l'exemple d'Albi que je vous avais montré ici. Là, on a carrément fichu un supermarché dans le marché après l'avoir massacré.




Commentaires

  1. Ho que oui quel bonheur ce marché. Pour avoir passé mes vacances à Toulouse il y a deux ans c'est resté gravé. Une qualité de produits, un accueil... bref un bonheur. Je l'avais trouvé un peu par hasard mais j'y retournerais les yeux fermés et la bouche ouverte, prête à tout goûter !

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  2. Que de bonne choses !!!! Heureux de voir que le Petit Derna en fait parti !!!! Merci bcp pour ces idées liquides et solides qui donnent envie d'y revenir ! Ca donne l'eau à la bouche...

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