Sweet little tattoo.
J'avais publié il y a quelque temps un extrait de texte d'un de mes anciens bouquins, D'Amour & de Vin. Et comme aujourd'hui je n'avais pas le temps d'écrire, et que vous avez été nombreuses et nombreux à m'en demander plus de ce livre malheureusement épuisé, voici une autre petite histoire tirée de ce Petit guide fantasmatique, romanesque, immoral & sensuel du goût du vin et de la peau des femmes. Ça s'intitule, en Anglais mais avec l'accent américain Sweet little tattoo et, c'est évidemment interdit aux moins de dix-huit ans. Parce qu'on y parle de vin*…
Souvenez-vous, vous aviez soif de Mendelssohn ou de Brahms, de violons dégoulinants, de longs élans maîtrisés, d’étreintes convenues. Comme pour railler le classicisme poli de votre désir, les riffs acides des guitares du Velvet et l’étrange voix de Lou Reed électrisaient les murs blancs de cette vaste pièce.
Souvenez-vous, à table, vos préjugés — encore et toujours ce fameux classicisme poli… — venaient de prendre une première claque. Pourtant tout était plutôt réuni pour que se succèdent les caresses. Songez à cette énumération de bouteilles prestigieuses qui pour la plupart des buveurs ne seront jamais qu’un fantasme, qu’une référence inconnue de leurs bouches mais qu’ils citeront à tout propos afin de ponctuer leurs savantes dissertations vineuses. Vues les forces en présence, il n’y avait aucune raison pour que fussent remis en cause l’ordre divin, la sacro-sainte hiérarchie, le classement de 1855 et tout le saint-frusquin.
Souvenez-vous, à table, vos préjugés — encore et toujours ce fameux classicisme poli… — venaient de prendre une première claque. Pourtant tout était plutôt réuni pour que se succèdent les caresses. Songez à cette énumération de bouteilles prestigieuses qui pour la plupart des buveurs ne seront jamais qu’un fantasme, qu’une référence inconnue de leurs bouches mais qu’ils citeront à tout propos afin de ponctuer leurs savantes dissertations vineuses. Vues les forces en présence, il n’y avait aucune raison pour que fussent remis en cause l’ordre divin, la sacro-sainte hiérarchie, le classement de 1855 et tout le saint-frusquin.
Souvenez-vous de cette pièce qui a suivi le repas. Un pantalon empiécé de daim et un chandail rouge jonchaient la moquette beige que déjà maculait le cuir noir des bottes d’équitation. C’est à ce moment-là que, à travers le nylon gris foncé, vous avez aperçu une tache, au niveau de sa cheville droite. Comme une virgule alambiquée, un accroche-cœur aux contours acérés, un minuscule poisson carnivore aux écailles d’un marine brumeux. Sans trop savoir pourquoi, vous avez songé à une ecchymose, une meurtrissure, un léger bleu de l’âme qui telle une larme discrète aurait glissé aux pieds de Madame. Dommage, décidément, pour votre mignon classicisme poli…
Ah, le choc des cultures ! Vous avez été un rien dérouté. Pas désarçonné — vous en avez vu d’autres ! —, mais dérouté. Il y avait d’abord cette drôle d’étiquette, presque inquiétante, ces corbeaux entrelacés. Comme une sorte de tatouage tribal. Oui, un tatouage. C’est bien un petit tatouage que vous avez lu sur le papier bordé de noir, que vous avez effleuré sur cette chair d’un blanc profond, velouté. Pourtant c’est vous qui avez été marqué.
La bouteille au volatil tatouage a balayé le vieux monde. Plus grand, plus fort, plus extrême… Décapés les vieilles lunes et le classicisme poli. «C’est haut, c’est beau», vous a-t-elle simplement dit alors que songiez à sa cheville tremblante dans l’échoppe interlope d’un tatoueur patibulaire de Houston Street.
« C’est haut, c’est beau, New York USA… » Les ailes noires des corbeaux vous ont fouetté le visage, vous avez collé votre bouche à la blancheur écartelée de ses fesses. Il fallait que ce soit fort, plus fort. Une boulette de salive toute imprégnée de la vigueur du zinfandel a cogné le sillon. Il fallait qu’elle crie aussi fort que le vin. Qu’elle entrouvre ses lèvres gonflées. Que son cul au goût de mandarine vous avale à grosses gorgées. Que monte des entrailles chaudes un plaisir sourd. Épais.
Assurément, la puissante distinction du zinfandel de Ravens Wood ne saura trouver sa juste mesure que sur le nombril d’une femme tatouée que l’émergence du Nouveau Monde aura marqué jusque dans sa chair. Votre classicisme poli en fera bien évidemment les frais…
* Chacun sait en France, grâce aux prohibitionnistes subventionnés qui ont l'oreille de nos gouvernants que le vin est un poison mortel, une drogue, un des pires maux qui frappe notre société! Il rêvent d'ailleurs de pouvoir interdire des blogs comme celui que vous êtes en train de lire et toutes les publications évoquant ce danger absolu. Petite piqûre de rappel ici.
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