Nul n'est censé ignorer la Loi(re).


Difficile d'y échapper! Dans le Mondovino naturiste, depuis quelques jours, on ne parle que de ça, le procès fait au vigneron angevin Olivier Cousin, une des figures du milieu. On en parle, et il me semble qu'on mélange beaucoup de choses.
D'abord, il y a le délit, tel qu'il est constitué. Olivier Cousin, pour des raisons qui lui appartiennent, produisait, à la fin des années 2000 (depuis 2005), du Vin de Table. C'est son choix, plus que défendable, son droit, mais à cette époque-là, ce droit était assorti de devoirs. La réglementation en vigueur était claire et la même pour tous: interdiction, entre autres, de faire figurer sur l'étiquette d'un Vin de Table le millésime, le nom de l'Appellation d'Origine Contrôlée où se trouvent éventuellement les vignes ainsi que le cépage (en l'occurrence du breton). Sciemment, le vigneron a décidé d'inscrire ces mentions sur son étiquette (ajoutant même le qualificatif pur au cépage, autre infraction), ce qui le mettait du coup à portée de fusil de ses ennemis. Par parenthèse, contrairement à ce que j'ai lu et entendu, depuis les faits, la réglementation a évolué: à partir de la récolte 2009, il est désormais possible de porter à la connaissance du consommateur le millésime et le cépage de ce qui s'appelle maintenant un Vin de France. Et c'est tant mieux!


Pour en revenir à ce procès qui a d'ailleurs été reporté pour des raisons de procédure, à l'initiative d'une partie civile*, il est l'occasion de toute une littérature ostensiblement "alternative" qui me dérange un peu. Je vous passe les approximations, mais on y explique grosso modo que si Olivier Cousin n'élabore plus de vin d'Appellation d'Origine Contrôlée, c'est parce que les vins de ce type sont tous sales, empoisonnés, pollués, etc… Même si je n'ai pas été vraiment séduit par sa production (que j'ai notamment regoûtée lors de la Dive Bouteille à Brézé cet hiver), c'est mon goût, loin de moi l'idée de contester la qualité du travail, l'engagement et la passion de ce vigneron. Cela étant, je refuse absolument le simplisme des commentaires que j'ai lus ici et là. Oui, je me régale de Vins de France (tiens, encore un délicieux Verre des Poètes avant-hier!), mais je ne peux pas accepter qu'on sous-entende que les vins d'AOC**, dans la Vallée de la Loire en particulier, sont tous d'horribles décoctions chimiques produites par des paysans assassins. Non, vraiment pas. Et je vais vous épargner la liste des chinons, saumurs, bourgueils, sancerres, muscadets, Cheverny, tous d'Appellation d'Origine Contrôlée, produits par de grands vignerons qui sont tout sauf des ennemis de la Nature. Allons, un peu de sérieux! Donc, "tous Cousin(s)", oui, mais dans le respect du travail des autres.


Pour autant, fallait-il intenter ce procès à Olivier Cousin? Le plaignant est la Fédération viticole de l'Anjou, chargée de l'application des décrets de l'INAO, elle représente des vignerons, les vignerons angevins. J'imagine bien qu'entre certains de ses représentants et le rebelle de Martigné-Briand le climat n'est pas au beau fixe. Mais était-il nécessaire d'en arriver là, d'offrir aux ennemis du vin ce triste déballage de vérités et de contre-vérités, cette inutile ouverture de la boîte à gifles? Car, qu'on ne se leurre pas, d'un côté comme de l'autre: la vraie victime du procès, c'est le vin. J'imagine que les prohibitionnistes subventionnés doivent jubiler. Autant de contre-publicité pour le vin, ce "poison chimique", ça requinque, surtout après leurs derniers revers. Même la télévision de Paris en a parlé, des trémolos écolos dans la voix, histoire d'enfoncer le clou. Non, franchement, messieurs de la Fédération viticole de l'Anjou, messieurs de l'INAO, il y avait sûrement d'autres manières de procéder, pourquoi pas autour d'une bonne table ligérienne, en bousculant quelques fillettes, entre vignerons.
"Nul n'est censé ignorer la Loi" me répliqueront avec ce qu'il faut d'effets de manches les avocats des instances officielles. Certes, Olivier Cousin vous a provoqué, et il s'est fait prendre par la patrouille. Mais n'oubliez pas non plus, comme le dit Sylvie Augereau que "Nul n'est censé ignoré la Loire." Nul n'est censé ignorer l'engouement d'une partie des consommateurs, des prescripteurs, des médias pour la mouvance qu'incarnent des types comme Olivier Cousin. Nul n'est censé ignorer le marché. Pensez-y bien, longuement, sagement, avant de poursuivre dans cette voie détestable.




* L'avocat de l'INAO, l'Institut National des Appellations d'Origine qui s'est porté partie civile dans cette affaire, a estimé que son adversaire, le conseil d'Olivier Cousin, lui avait rendu ses conclusions trop tardivement, à dix jours seulement du procès. Rendez-vous donc le 5 mars 2014, en théorie.
** Une appellation qui est devenue AOP, Appellation d'Origine Protégée.

Commentaires

  1. Bon, ben très bien. Rien à ajouter, rien à retrancher. Et l'avis de Bettane est à peu près celui-là, il s'était exprimé quand l'histoire Cousin a commencé. Donc, voilà quoi.

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  2. Un seul vin croisé ...
    Grolleau VV 2006 : acescent, pas net, il a fini à l'évier ... pas de bol ...

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