Le cahors, une plume dans le cul.


L'autre nuit, à L'Ànima del Vi, un de mes repaires barcelonais, comme j'avais soif, j'ai bu deux, trois, ou quatre bouteilles de cahors. Je me suis juste arrêté parce qu'il était tard et que les oiseaux ont commencé à chanter dans l'aube du Born. Sinon, j'aurais pu continuer, avec la même envie. Parce que le côt, ou l'auxerrois comme vous préférez, quand c'est bien né, ça se boit sans fin. Sur le causse calcaire du Lot, on atteint même des niveaux d'équilibre incroyables, entre le fruit, l'acidité, les tanins. Si ce terme pas très joli de "buvabilité" que j'ai été je crois un des premiers à utiliser (dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix) peut s'appliquer à un style de vin, il me semble que là, on y est en plein.


Mais voilà qu'en lisant La Dépêche du Midi*, je me rends compte que je n'y connaissais rien! Pour arriver à boire du cahors, visiblement, il faut beaucoup plus qu'un verre, un tire-bouchon et de la soif. C'est en tout cas ce qu'y explique Jérémy Arnaud, le directeur marketing de L'Union interprofessionnelle du vin de Cahors lequel lance "un projet qui (selon le quotidien toulousain) allie tradition et modernité", créer des cocktails à base de vin lotois.
"Je suis parti du constat simple, dit Jérémy Arnaud, que la consommation de cocktails est une tendance chic et non pas une mode. Cette tendance pouvait servir de levier au vin de Cahors pour que l'on sorte des cocktails type sangria ou Fénelon. Je voulais qu'on tente de créer une nouvelle recette de cocktails intégrant du vin de Cahors ou du jus de malbec. Utiliser le cocktail pour introduire le mot Cahors. Le cocktail, c'est un enjeu d'image, avec un côté facile à boire". "Il faut rendre le cahors buvable" ajoute-t-il même dans une vidéo visible ici.


S'ensuivent deux recettes mixologiques de haut vol. "Le cocktail Divo'Beach comprend des feuilles de citronnelle, de basilic, pilées dans un shaker, du gin Bombay Saphir East, du vin de Cahors particulièrement fruité, du sirop de fraise. Le Divi'Nigth, un cocktail «after dinner» se boit en digestif. Il comprend du vin de Cahors, du jus de malbec, de la liqueur de café, du Grand-Marnier cordon rouge. Le premier est réalisé avec un shaker et un pilon, et servi dans un verre de cahors rempli de glace, le second avec un shaker et servi dans «un verre de légende» de Cahors".


Comme c'est dimanche, et qu'on est tous de bonne humeur, je vais éviter de porter le moindre jugement moral sur cette "leçon de marketing". Enfin, je vais essayer. En revanche, je vais juste proposer un truc à Jérémy Arnaud, c'est de venir boire un verre avec moi. Je suis loin d'avoir ses importants moyens, mais franchement, je l'invite. Juste pour lui parler de vin, de cahors, de respect, de durabilité, d'image, de plaisir et, éventuellement, de marketing. Pour lui montrer aussi, bouteilles à l'appui, que le cahors, ce n'est pas forcément une vinasse infâme de coopé qu'on a besoin de couper avec des distillats qui défoncent le crâne, des sirops industriels et de la glace. Qu'il y a dans cette appellation des jeunes qui depuis un bout de temps se défoncent pour faire des grands vins qui font sortir les larmes à des œnophiles distingués, cultivés, du Monde entier. Que des Argentins, même, qui se sont parfois pris pour les "rois du malbec" (cet horrible nom bordelais qui sent le cépage de seconde zone), voient maintenant le terroir du Causse lotois comme une référence, au même titre par exemple que Châteauneuf-du-Pape.


Monsieur Arnaud, ce que j'écris là est très sérieux, venez me voir à Barcelone, je vous invite. Du cahors, du vrai, du pur, du bon, pas du Carte noire ou des trucs de terres à maïs, à peupliers, j'en ai la maison, on en boira autant qu'il faudra, plus que vous n'en avez jamais bu, jusqu'au moment où vous comprendrez qu'on ne peut pas ainsi se tirer une balle dans le pied. Qu'on ne peut pas détruire avec des mariconadas l'immense travail accompli par des vignerons authentiques pour remettre cette appellation que j'aime à sa place.
Et tant pis si sur le coup, je passe pour un vieux con, rétrograde ou conservateur. Je préfère ça que me mettre une plume au cul pour faire l'intéressant.




* Et La vie quercynoise d'où est tirée la photo du mixologue de La Villa Malbec de Cahors.




Commentaires

  1. Bon, c'est vrai que le cahors est dégueulasse ! Il faut le rendre "buvable". Déjà qu'on cherche à cacher son nom en l'appelant malbec...

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    1. Ben oui, malbec, c'est une bonne idée, parce que c'est exclusif, le malbec, on ne peut en produire qu'à Cahors. Alors que le cahors, évidemment, on peut en faire sur toute la planète…
      (j'ai fumé deux pétards et snifé trous lignes pour me penser comme un champion du marketinge…)

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    2. et si on buvait du Côt? ou de l'Auxerrois?...Je partage entièrement l'avis de Vincent, donner au Cahors une image de vins 'seulement bons "à faire des cocktail, c'est anéantir les efforts de Combel la Serre, Clos Domeni ou Mas del Perié entre autres...

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    3. Euh ... je dis malbec ... enfin, je le bois, plutôt.

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    4. La lecture de l'article de presse sur ce nouveau concept m'a horripilée. C'est vrai que ça mérite un coup de gueule. Si j'étais à la place de ces quelques vignerons de Cahors qui font un vin de qualité, j'aurais été folle de rage de lire ça.

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  2. Tout à fait d'accord avec Vincent,certains Cahors sont excellents et les jeunes de là-bas se décarcassent pour nous sortir des cuvées parfaites à table. Qu'on se le dise...

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  3. Bonjour Vincent, je pense que Jeremy Arnaud sera trés heureux de votre invitation mais également de votre coup de sang, il n'est pas homme à qui l'on peut apprendre toutes les nuances du Cahors du fait qu'il se lève Cahors, bois et vit Cahors, et que c'est à lui qu'on doit le coup marketing "Malbec". De simples articles, surtout polémiques, sur le pour ou contre du "bec noire" ne peuvent que remplir sa mission.

    Cependant merci pour la défense de nos vins, qui ont parfois trop souffert de l'image du Carte Noire.

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  4. Parce-qu'il y a une grande différence entre "mode" et "tendance" (qu'elle soit chic ou pas) ?!?

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