Léger comme l'air.


Il fait beau mais la tramontane a bien travaillé, la plage est presque déserte. Je suis à Leucate, chez mon copain Biquet, l'inaltérable, et je regarde la Méditerranée dans les yeux. Pendant ce temps, alors que je sirote tranquillement mon verre, au dessus de l'Atlantique, entre New-York et Séville, Bertrand Piccard attend le point de non-retour.


Solar Impulse, comment ne pas vous en parler de nouveau? Cette aventure, cet exploit me fascine. Ces hommes sont des pionniers. Comment ne pas préférer (sauf à avoir fait une école de marketinge) les pionniers au suceurs de boyaux? Les pionniers agrandissent le Monde, nous offrent de nouveaux espaces. Dieu sait si l'époque, étriquée, aigrie, douloureuse, en a besoin. Comme elle a besoin de ceux qui entreprennent plutôt que de se résigner, de se lamenter. Ou pire, de vouloir revenir aux heures noires. Noires ou rouges, c'est la même chose d'ailleurs.


Je suis sur la plage donc, face à la mer Et je bois du vin d'ici, du vin du Languedoc-Roussillon comme on disait avant. D'Occitanie, donc, désormais. Le tien, Hervé. Celui au nom rigolo et dont je t'ai aidé à finir l'étiquette*, Modeste.


Eh oui, je sais, je suis un con, tout à l'heure, en ce dimanche après-midi, je suis encore passé (presque) devant chez toi, en coup de vent, en coup de tramontane en l'occurrence, sans m'arrêter. Mais je te bois. Toi qui à ta façon est un pionnier de cette région viticole au potentiel énorme, mais sans cesse remis en cause par un manque de désir congénital. Enfin, congénital, c'est de politique surtout qu'il est question, de pesanteur. Le poids du kolkhoze** qui tire vers le bas quand d'autres, les meilleurs généralement, essayent de s'envoler. Semelles de plomb, alors que, comme cet avion solaire, il faudrait être aussi léger que l'air.


Pour ne rien te cacher, Hervé, je voulais boire un Mataro (je dois devenir Catalan…), cette bouteille du Mas Baux, avec la belle étiquette rugbystique***, mais Biquet qui a fait plus que le plein à midi a tout vendu. Et heureusement, il restait cette caisse de Modeste planquée derrière les parasols. Il paraît qu'il t'en a pris une palette, il a bien fait. Plus encore que léger, ce vin qui hésite entre rosé et rouge est aérien.


Hervé, effectivement, comme tu m'avais dit, tu as trouvé la recette, c'est bien le Pialade du Languedoc-Roussillon que tu as mis dans cette bouteille. Mais franchement, "modeste", ça nous va si mal, à toi comme à moi que c'en est comique. 
Heureusement qu'il y a des types là-haut dans le ciel, au dessus de la grande mer, des pionniers, des héros, qui nous rappellent les vertus de l'humilité, d'une humilité non feinte, gorgée d'ambition. Une fois de plus, merci à eux. Et merci à toi, tu m'as réinventé les vins d'ici.




* Cette chronique n'est donc évidemment que du copinage…
** Comment ne pas penser aux fantoches, aux menteurs de la coopé de ton village voisin, juste de l'autre côté de la vieille frontière, incapables de tenir un cap, de s'élever? Semelles de plomb encore. Petitesse. Médiocrité. Rase-mottes.
*** D'ailleurs, on a fini la soirée en parlant de rugby et de vieux amis avec un Toulousain, et on s'est consolé de ne pas être en finale vendredi au Camp Nou en buvant du cahors pur, sans adjuvants marketinge.

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