Aux chiottes, le 'balsamique' !


Bon, j'ai dit suffisamment de bien, hier, de l'Italie* pour balancer un peu aujourd'hui. Parce qu'autant ils sont forts, super forts, les Ritals pour élaborer et (surtout?) vendre de beaux produits, autant ils ont un sens de l'enfumage de première catégorie, dont sont victimes volontaires tous les moutons.


J'en veux pour preuve cette petite histoire qui m'est arrivée dimanche dernier. On s'en va déjeuner dans un bistrot, un vermuteria catalane très exactement, d'un quartier périphérique de Barcelone, à la jointure de Les Corts et de Sants. Un lieu sympa, looké (presque un peu trop), avec de jolies pompes**, "bobo" s'exclameraient les beaufs d'autant que la clientèle affiche fièrement son bracelet de Primavera Sound. Pour ma part, je dirais "gentiment branchouille".

La carte solide est alléchante, enlevée, opportuniste (presque un peu trop). On a faim, on a donc envie de tout. Du côté de la carte liquide en revanche, c'est le désert absolu, les gros distributeurs barcelonais sont passés par là avec leurs épais blockbusters (vendus en prime à des tarifs presque parisiens!). Il reste la bière (bof, de la Damm…) et heureusement, le vermut, une belle collection de vermuts avec le magnifique italo-catalan de Partida Creus, au fruit explosif.


Ce que nous y avons mangé était plutôt bon. Pas vraiment trop mon style, en fait. Un peu trop de tout, souvent l'ingrédient de trop, l'envie de (trop?) bien faire. Beaucoup de sauce aussi, des mayonnaises omniprésentes (à l'image du carpaccio ou des poireaux ci-dessous) qui couvraient souvent le goût de l'aliment de base en une sorte de nivellement par le bas. Mais je sais que des palais plus anglo-saxons, ou espaméricains comme la plupart de ceux d'ici, éduqués au Caca-Cola, au Nutella et à la bouffe d'usine, sont friands de cette accumulation. Encore une fois, ce n'étais pas mauvais, juste un peu lourdaud. On va dire que je suis juste trop vieux…


Mais si je vous parle de ce repas, c'est parce qu'en lisant la carte, j'ai phantasmé. Vraiment. Je n'ai pas assez mangé de légumes à mon goût en ce printemps sans cuisine. Et là, alors qu'une chaleur lourde est tombée sur la ville, surtout sur ces quartiers éloignés de la mer, je lis sur la carte "l'obligatoire salade de tomates de Pep, selon saison". Alors évidemment, la saison, c'est le problème, nous ne sommes que début juin, donc pour la tomate, même au sud comme nous le sommes, c'est encore très tôt. Mais bon, la charmante serveuse me signifie que la temporada est là, je peux commander ce plat de rêve que j'attends depuis des mois.
Elle arrivent, donc, les tomates, escortée d'une (trop?) abondante mais goûteuse salade verte et de charmants caprons qui comme chacun sait remplacent le sel dans ce cas. On voit bien qu'elles ne sont pas très mûres, mais il faut assumer, on ne va non plus reprocher le calendrier au cuisinier! D'autant qu'elle sont, comme il se doit, épluchées. Endavant!


Et là, c'est la déception. L'immense, la gigantesque déception! Comme si, gafet, on m'avait cassé un jouet. Pas les tomates. Pour l'Espagne, pays sinistré, monsantisé en matière de fruits et légumes, et pour la saison, elles ne sont pas si mauvaises. Encore un peu farineuses, certes, mais bon…
Le problème, c'est cette sauce. Cette putain de sauce!
L'huile d'olive est bonne, ce n'est pas non plus le problème, il faut d'ailleurs d'appliquer pour en trouver de la mauvaise dans ce pays si on y met le prix minimum (qui y est très bas). Le problème, c'est cette saloperie de "vinaigre balsamique" que je mets soigneusement entre guillemets. Cette espèce de mélasse acidulée qui bousille tout, vous colle la langue de sa sucraille et éteint le rayon de soleil estival que m'offrait (avec parcimonie) les tomates "de Pep".
Comme souvent, le coupable se terre dans l'ombre, dans le flou. Je l'ai débusqué, pourtant, en une photo volée…


Son nom de famille, commercial en tout cas, c'est Goccia del Mare. Une de ces saloperies qui polluent désormais les cantines, aux côtés des fonds en poudre et de toutes les mariconadas , tous les gadgets vicieux, que produisent les usines chimico-agro-alimentaires. "Ce n'est qu'une crème de vinaigre balsamique" vont me dire les prophètes de la bouffe de pousse-caddie! "Avec en plus une indication géographique protégée". Ben oui, c'est tout le problème. Et c'est là que j'en veux aux Italiens.
Parce que pour nous refiler de la grosse merde soit disant d'origine, ils s'y entendent aussi pas mal. L'enfumage dont je parlais au début, nous y sommes en plein avec cette merde sucrailleuse que vous pouvez acheter ici mais qui a des tonnes d'équivalents tout aussi nuls qu'on trouve chez tous les mauvais revendeurs, Métro en tête. Nous y sommes avec ces vinaigres caca-colesques, qui peu à peu ont tué le goût du vrai et bon vinaigre, la belle et saine notion d'acidité maîtrisée. Et qui insultent également le peu qu'il reste de l'authentique Balsamico de Modena.
Marre de ces saloperies, de ces gimmicks pour cuistots paresseux, marre de la fausse mozarella, du faux lardo di Colonnata***, du faux prosciutto di Parma, du faux Aoste qui sentent davantage la Roumanie ou la Hollande que les campagnes italiennes! Marre de ces produits pour pseudo gourmets à culture limitée qui étalent ça comme d'autres la confiture! Au chiottes, tout ça, au même titre que le pseudo balsamique!







* C'était ici, pour ceux qui n'ont pas encore lu.
** Le terme des brocanteurs ou des antiquaires pour qualifier les copies modernes (souvent made in Vietnam) de meubles ou de luminaires, principalement vintage.
*** Plutôt qu'une des nombreuses contrefaçon, qu'une des nombreuses pompes*, offrez vous un lard de Patrick Duler. Lui, au moins, on sait d'où il vient!


Commentaires

  1. Mais oui, évidemment qu'il faut balancer tout ça aux chiottes!
    Même que ça donne envie de se "filer", de "coller des tartines", d'ouvrir la "boîte à gifles" ce que tu nous racontes là...

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