Pinot noir & mixologie.


"À midi, je me suis saoulé comme un cochon."
Ce n'est pas une belle attaque, ça, pour une chronique? Bon, évidemment, dans l'air du temps, ça clashe un peu: #winelover #winetasting #winepassion #discover #djeun #modération #fauxcul&compagnie #journalistesencarton. On n'y sent même pas la tentation de Venise… Never mind the bollocks
Mais quel bonheur! Un gros bras d'honneur au confort (misère?) intellectuel (…) de l'époque, quand tu dois "apprendre à te mouvoir dans un milieu aquatique profond standardisé" au lieu, comme le benêt que je suis (et qui est tranquillement descendu sous la minute aux cent mètres), de nager. 
Les tourments. La connerie ambiante, massive, lourde, pesante comme dans cette France qui n'a rien trouvé de mieux que des fascistes en carton pour arrêter de se remettre en cause, de remettre en cause sa noblesse sans noblesse mais percluse de privilèges. Qui faute de courage agite des Mussolini d'opérette (pléonasme), faiblement contrebalancés par de pseudo révolutionnaires du même bois (dont on fait les pipeaux).


J'ai pris un grand pied hier de voir ce vieillard (fidèle à lui-même) triomphant, acclamé, pissant à la raie d'une respectabilité qui lui a toujours été déniée. Lui, une des dernières bêtes de scène françaises avec Johnny, défonçant, dans sa livrée rutilante, la normalité presque gagnée de sa fille. 
Malgré Métal Urbain et les Stinky Toys, la punkerie hexagonale n'est restée qu'un épiphénomène. Enfin, presque quarante ans après, nous tenons notre Sid Vicious*, un peu Rotten sur les bords. Les journalistes comme toujours n'ont voulu voir que l'écume, quelques nichons photogéniques, des punkettes médiatiques. Le phénomène musical, la vraie décadence, me semble-t-il, était là, claudicant comme Ian Dury aux premières heures de la révolution. Sex & drugs & Rock & Roll. L'étape d'après, c'est Joy Division. Merci, à toi, Saint-Cloud Doll, qui connaît L'Internationale par cœur, couplet par couplet, et qui sait que les punks doivent à jamais rester en marge, ne jamais jamais grimper dans les étages sauf à sauter. À se défenestrer.
Alors, pour fêter ce retour vers le Great Rock'n Roll Swindle, j'ai bu. Du luxe, du vin de riches, de ceux que boivent les docteurs. Les DocMartins à même la fourrure. Quel bonheur de se défoncer au grand pinot, délicieusement mûr, issu des dégénérescences du calcaire. Je ne sais même pas pourquoi je me suis retenu de le picoler à la bouteille. Un nez à faire succomber un bande-mou du prohibitionnisme, une bouche qui sent l'amour presque décadent (merci J-M LP Vicious). "Juras's burning!" Thanks Jack Puffeney! Ah, ce n'est pas du pinot?…


Bon, après, je suis revenu au monde d'aujourd'hui. La bouteille était vide. J'ai tenté un vin de blogueur français en vacances sponsorisées. "Mais oui, ma chérie, tu sais, le vin espagnol, de Barcelone!" Un priorat, en fait. Pas le plus mauvais, Planetes, un truc bien fabriqué, lourd-boisé, mais finalement moins que la moyenne. Évidemment, je ne l'ai pas bu. On ne sait plus comment, sauf après un gramme (de coke) vider ce genre de bouteilles. Alors là, j'ai eu l'illumination. La mixologie!
Je ne vais pas vous ressortir le laborieux So Terne d'immigrés bordelais qui n'arrivent plus à vendre des vins doux alors que la planète entière en réclame, mais c'est du même acabit. Le cocktail, le mix, il n'y a plus que ça de tendance, Omnivore l'a dit, les sponsors alcooliers ne l'ont pas démentit. Et ça réussira, parce que le "chemin du bas", comme TF1, M6 ou Ici-Paris, triomphe toujours. En apparence. Par un effet de masse instantané. Le Ricard et la Smirnoff, c'est quand même plus régulier que le vin "nature", non? Et puis, avec des vins lourdauds comme celui que j'ai dans le verre, vous avez une autre idée? Une dose de Planetes, trois de Fever-Tree (le Schweppes, c'est pour les campeurs, remarque, le Fever-Tree…), pam-pam sur le bar, cul-sec, un rail et c'est reparti! Merci, Jean-Marie!
Allez, je vous laisse à vos nouveaux plaisirs, je vais retourner me saouler comme un cochon. Avec du vin de vigneron.



* Pour les novices, ce n'est pas Sid Vicious que vous voyez en photo en couverture de cette chronique mais Patrick Rogers, plus d'infos ici.

Commentaires

  1. "une des dernières bêtes"... vraiment ?
    Sounds like: "Problem, problem (...)" is who?
    Sans doute l'ennui d'une miction excessive vous aura "détourné du chemin du bistro" et de son Berger (anisette, comme il se doit : « Tu es Mon Berger Anisette, Rien ne saura me détourner du chemin du bistro, J'étais dans la sécheresse et Tu m'as rassasié... »), l'ennui d'un jour chômé (« J'ai reçu le Vieux Divan sur le pied et ça fait maaaleeee »), l'ennui d'une ligne bleue marine opportuniste ("Dans les coffres-forts de la bande Ce qu’il a créé s’est fondu"), l'ennui d'une virginité détroussée, dévoyée (« C'est sain c'est sauf ça se sent sûr »), l'ennui borgne (« Oeil Vache, Bouche Sèche, Moche Reich, Louches Speech ») d'un tribun du « détail » et de son point de vue unique ?
    Après tout, ces SP n'étaient que les prémices du boys band, initié par un McLaren bien accompagné, un mix' parfait.
    Vous en ferez ce que vous voudrez mais moi j'préfère la rose, celle des Damned :
    https://youtube.com/devicesupport

    Just relax Mr P. Could be with Miles D. (So what!) ou bien Max Roach (We insist!) :
    https://youtube.com/devicesupport
    Mr P. faites l'expérience d'écouter ce lien en le décalant sur plusieurs fenêtres, c'est jouissif et overpunk'd sans être tooposh (j'ai viré la soudure).

    Et pour conclure sur votre palinodie n'oublions pas cet envoi Ô-Ô (c'est pas du morse, mais tout de même) :
    « Notre tropaire qui êtes aux cieux, restez-y ».

    PS (qui n'a rien à voir, mais se veut très « understatement » without « missverständniss ») : RKK « überalles » rest in peace

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    1. "Une des dernières bêtes de scène", je le confirme. Un des derniers tribuns, ça me semble assez incontestable (même si le phénomène de foire devient sénile). Avez-vous déjà assisté à un de ses concerts live? J'en ai suivi quelques uns (professionnellement), et effectivement la plupart des autres sont bien pâlichons. Mais être "une des dernières bêtes de scène" ne signifie pas que les textes soient à la hauteur du bruit de fond.
      Par parenthèse, cette chronique augurait bien du lundi et mardi qui ont suivi, de cet assassinat familial dans une lumière crépusculaire qu'aurait sûrement aimé filmer Visconti. Une notification du Monde sur mon téléphone m'apprend à l'instant que même la "gentille" petite Marion, la petite fille blonde vient de porter le coup de poignard. Opération de com' rouge sang.

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    2. Lorsque la bête aura enfin quitté la scène, trépassant de la manière qui lui conviendra, tournée générale de Sidi Brahim... Lui rendre hommage d'une quelconque autre façon me donne autant la nausée qu'à vous l'idée d'une bouchée de macdaube. J'ai dû rater un morceau car je ne comprends pas vraiment cette forme lointaine de considération (peut-être louvoyante ?).

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    3. Un des grands drames de ceux qui l'on combattu, avec une maladresse exemplaire (à moins que son ascension leur profite), a été de le sous-estimer.

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