Import-export, classes moyennes.
"Nous voulons nous convertir en ambassadeurs des vins de Mendoza". La phrase est de Josep Roca, "le meilleur sommelier du Monde" comme le présente avec emphase la revue numérique BBVA-Celler Tour. La BBVA, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria pour ceux qui ne connaissent pas, c'est la seconde banque espagnole, la première au Mexique, implantée dans trente-sept pays. Elle finance un périple médiatique où elle promène l'équipe du Celler de Can Roca aux quatre coins de la planète. Tout ça a notamment donné lieu à la présentation d'un documentaire hagiographique sur les restaurateurs de Gérone au Festival de Berlin, Cooking up a tribute.
Au-delà de ce documentaire, le BBVA-Celler Tour continue donc avec des visites et des repas ici et là. Dans l'épisode du jour, Pitu, comme on le surnomme affectueusement, est en Argentine. Évidemment, dans ce genre de publication, on n'est pas là pour critiquer, ce n'est pas le style de la maison. Ambiance sujet-verbe-compliment. Josep Roca, sorte de Fregoli de l'émotion pinardière*, ne force donc pas son talent avec cette phrase passe-partout. L'Argentine n'est d'ailleurs pas le pays d'Amérique du Sud dont les vins m'ont le plus étonné (notamment les malbecs que je trouve tellement moins fins** que sur leur terre natale de Cahors), mais je ne demande qu'à changer d'avis.
L'opération de communication de la BBVA vise, vous l'avez compris, à resserrer les liens bancaires, commerciaux entre l'Espagne et l'Amérique latine, terrain de chasse privilégié des investisseurs (et des politiciens corrompus) de la Péninsule. Car, on ne s'en rend peut-être pas toujours compte en Europe, mais l'Espagne est d'un dynamisme féroce à l'export. Face à un marché interne encore atone, plombé par un nombre de chômeurs que la reprise économique, relativement marquée, et l'afflux touristique n'arrivent pas à compenser, c'est l'issue de secours.
Ce dynamisme espagnol nous ramène aux chiffres publiés la semaine dernière par l'OIV, l'Organisation Internationale de la Vigne et du Vin, sur la production, la consommation et le commerce du vin mondial. La Presse grand public, prenant les patins de l'AFP, n'a voulu y voir que l'essor des plantations chinoises***, beaucoup d'analystes eux se sont penchés sur la place de l'Espagne dans les échanges planétaires.
Que nous apprennent, ou plutôt confirment les chiffres de l'OIV? Que, même si la France demeure le premier producteur de la planète, l'Espagne exporte énormément, +21,7% d'augmentation entre 2013 et 2014! Avec 22560 milliers d'hectolitres exportés, le royaume vole la première place à l'Italie (20540, légère hausse), loin devant la France, troisième avec 14387 milliers d'hectolitres (légère baisse). Ça, se sont les quantités, si l'on parle de valeur, le tableau est très différent: la France, malgré une baisse de 1,3%, mène le bal, exportant pour 7730 millions d'euros, devant l'Italie (5078 Mio€) et l'Espagne (-5% en valeur!) à seulement 2468 millions d'euros, un tiers de la valeur de la France pour 50% de volume en plus!
En un mot comme en cent, ce que confirment ces chiffres donc, c'est ce que j'entends un peu partout chez les vignerons français: "l'Espagne casse les prix".
Comment fait-elle? Cela tient d'abord à la structure de sa viticulture, prioritairement industrielle. D'anciennes coopératives franquistes, d'énormes domaines, peu "d'éparpillement" comme disent les experts. Une production de masse à laquelle s'ajoutent des conditions économiques et fiscales très favorables aux entreprises, un SMIC à 750 euros net, des charges salariales faibles, un impôt sur les sociétés réduit, le tout sous la houlette d'une administration plus décontractée.
Que nous apprennent, ou plutôt confirment les chiffres de l'OIV? Que, même si la France demeure le premier producteur de la planète, l'Espagne exporte énormément, +21,7% d'augmentation entre 2013 et 2014! Avec 22560 milliers d'hectolitres exportés, le royaume vole la première place à l'Italie (20540, légère hausse), loin devant la France, troisième avec 14387 milliers d'hectolitres (légère baisse). Ça, se sont les quantités, si l'on parle de valeur, le tableau est très différent: la France, malgré une baisse de 1,3%, mène le bal, exportant pour 7730 millions d'euros, devant l'Italie (5078 Mio€) et l'Espagne (-5% en valeur!) à seulement 2468 millions d'euros, un tiers de la valeur de la France pour 50% de volume en plus!
En un mot comme en cent, ce que confirment ces chiffres donc, c'est ce que j'entends un peu partout chez les vignerons français: "l'Espagne casse les prix".
Comment fait-elle? Cela tient d'abord à la structure de sa viticulture, prioritairement industrielle. D'anciennes coopératives franquistes, d'énormes domaines, peu "d'éparpillement" comme disent les experts. Une production de masse à laquelle s'ajoutent des conditions économiques et fiscales très favorables aux entreprises, un SMIC à 750 euros net, des charges salariales faibles, un impôt sur les sociétés réduit, le tout sous la houlette d'une administration plus décontractée.
Une concurrence pas vraiment loyale estime-t-on en France**** où l'on on accuse même parfois l'Espagne de pratiquer une forme de "dumping social". La vérité est sûrement à mi-chemin, il faudrait peut-être aussi s'intéresser aux tourments qui sont souvent ceux des entrepreneurs français, viticoles en l'occurrence. Reste ne revanche à savoir si le "modèle" espagnol est viable dans la durée. S'il ne repose pas, toutes proportions gardées sur une "sud-américanisation" du pays où, du fait de la Crise, la richesse de la classe moyenne s'est considérablement effritée, ce qui n'est pas sans impact d'ailleurs (même si ça peut sembler anecdotique) sur la consommation intérieure de vin.
Pour en rester d'ailleurs dans le domaine du vin, il me semble que certaines interrogations, comme celles, récentes, de Peter Sisseck, le célèbre inventeur de Pingus, qui lui a agi sur l'autre versant du vin espagnol, sur cette poignée de bouteilles dont le prix, pharamineux, a plus d'importance que tout le reste. Recevant un trophée, en Galice, il a appelé à revenir aux fondamentaux. À oublier un peu les vins de garage, à démocratiser les crus de qualité. Et d'une certaine façon à réinventer le vin des classes moyennes. Celui qui, au delà des coups de fric, de la logique Bingo, garantit peut-être une richesse durable.
* "Barbapapa" dit mon camarade "naturiste" barcelonais Benoît Valée en référence à ces créatures de dessins animés qui "se transforment à volonté", en l'occurrence en fonction de l'interlocuteur et du contexte. Ambassadeur de Mendoza en Argentine, du Priorat à Falset, du naturisme devant un journaliste français.
** À mon goût, de ce que j'ai goûté, au delà de la lourdeur, d'un côté un peu simplet, un des principaux défauts demeure le surboisage qui reste très espagnolasse.
*** Vous l'avez sûrement lu dans Le Monde ou ailleurs, selon les prévisions de l'OIV pour 2014, le vignoble chinois passerait devant la France pour une poignée d'hectares et deviendrait donc le deuxième en terme de superficie derrière l'Espagne. Reste qu'une grande partie de ce vignoble (un peu comme en Turquie) n'est pas consacré au vin. Ne sous estimons pas, toutefois les ambitions pinardières chinoises, qui sont réelles, bien que plus tournées dans un premier temps vers la consommation intérieure, notamment pour des raisons hygiénistes: les autorités préfèrent voir leur peuple boire du vin que de mauvais alcools. À méditer…
**** D'autant que ce vin, généralement en vrac, se balade un peu partout dans le monde; on l'on conditionnera même parfois sous de drôles de "noms d'emprunt", parfois même très "français".
*** Vous l'avez sûrement lu dans Le Monde ou ailleurs, selon les prévisions de l'OIV pour 2014, le vignoble chinois passerait devant la France pour une poignée d'hectares et deviendrait donc le deuxième en terme de superficie derrière l'Espagne. Reste qu'une grande partie de ce vignoble (un peu comme en Turquie) n'est pas consacré au vin. Ne sous estimons pas, toutefois les ambitions pinardières chinoises, qui sont réelles, bien que plus tournées dans un premier temps vers la consommation intérieure, notamment pour des raisons hygiénistes: les autorités préfèrent voir leur peuple boire du vin que de mauvais alcools. À méditer…
**** D'autant que ce vin, généralement en vrac, se balade un peu partout dans le monde; on l'on conditionnera même parfois sous de drôles de "noms d'emprunt", parfois même très "français".
Y a-t-il une vraie concurrence intra-européenne avec l'espagne ? D'ici (corée), je les vois plus positionnés face à l'australie ou aux SudAf.
RépondreSupprimerIMHO ceux qui tirent leur épingle du jeu sur le marché export aujourd'hui sont plutôt italiens (en rapport q/p, marketing et force de vente).
Les chiffres parlent d'eux-même. Sans compter que ce vrac baladeur qui ressort parfois (y compris en Corée) sous des noms bizarres brouille un peu les cartes.
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