À quand un pipeline entre la Sicile et notre gosier?
Je le dis, je le répète, en matière de vins italiens, je suis un vrai ignare. Un bon Français, quoi… Pourtant (grâce à de divins intercesseurs, je le concède), je n'arrête pas de m'émerveiller devant tel ou tel jus de la botte que l'on me met sous le nez. Tenez, même dans cette Toscane dont la réputation a été ternie auprès des franc-buveurs par par des "supers" pas si supers que ça. Quoi, vous ne vous souvenez pas de ce litron de grenache de la côte des Étrusques?
Il y a l'Italie, qui peut-être gaie comme une bouteille de dolcetto de chez Roagna, et puis la Sicile, l'île fantasmatique, celle en tout cas où les fantasmes finissent pas se réaliser, comme avec ce Vinupetra remonté des entrailles de la Terre. Bon d'accord, j'y ai goûté de la grosse cavalerie, du sirop d'usine distillé par d'énormes cuves d'inox qui bronzent au soleil, et même des vins qui se la pètent, genre "tu ne peux pas comprendre"; tiens, dans ce dernier registre, du "pur et dur", j'en ai bu un, enfin j'ai tenté d'en boire un (l'évier fut plus indulgent) qui aurait pu être "non-vinifié" par l'artiste que décrit la dernière bande dessinée de Michel Tolmer qui m'a fait rire toute une journée cette semaine.
La Sicile, en dehors des cupides et des négligents, de ceux qui se fichent de notre bonheur, m'en a donc souvent apporté des bonheurs. Des bonheurs consommés, comme ce cerasuolo-di-vittoria, des bonheurs entrevus, ceux des Passantes de Brassens et de Pol, que l'on retrouve parfois À l'image du vin d'aujourd'hui, dont j'avais bu un autre millésime, moins étincelant que celui dont je vais vous parler.
Son petit nom, c'est Tenuta delle Terre Nere, un etna-rosso de 2013. La cuvée de base de ce domaine de vingt-sept hectares qui élabore cet enchantement à partir de très vieilles vignes de nerello mascalese et de nerello mantellato cultivée (évidemment?) sur le versant nord de l'Etna. Un enchantement, je vous assure! C'est délicieux! Beau comme un prairie vosgienne au mois de mai, beau comme les émois d'une jeune fille en fleurs! Ne me demandez pas si c'est "nature" ci ou ça, si on y a mis du bois, des levures ou même de la poudre de perlimpinpin ou de la bave de crapaud, pour le coup, je m'en tamponne avec allégresse le coquillard. Ce que je sais, c'est que ce bourgogne du sud de l'Europe pinote mieux que pas mal de pinots, qu'il est frais et charnu à la fois, qu'on en boirait des wagon-citernes!
Camarades, compagnons, frères, cousins, amis, je ne sais pas si dans le pays où vous vous trouvez, un marchand de vin a été assez malin pour importer ça, je vous le souhaite. Sinon, à quand, à travers mers et montagnes, un pipeline entre la Sicile et notre gosier?
Si vous permettez une remarque préalable à la lecture de votre article, dès l'abord, Pipeline évoque pour moi le très improbable lien qui unit les Chantays et Johnny Thunders. M'en va lire.
RépondreSupprimerLa Sévigné