Think different.


Les pommes, finalement, illustrent bien ce que je veux dire. Bien avant mon premier Mac ou mon premier ailPhone*, j'ai vécu leur diversité. Je n'en connaissais pas encore les noms, mais on distinguait les pommes à croquer, celles à compote, d'autres dont ma grand-mère faisait de délicieuses tartes, les petites cabossées et astringentes qui finissaient au pressoir… Les brochures officielles, celle qui nous recommandent (sans nous donner envie) de manger cinq fruits et légumes par jour, m'expliquent doctement qu'il existe "trente variétés de pommes cultivées en France". En réalité (en cachette?), on en recense plus de sept-cents rien que dans l'Hexagone, miraculeusement préservées pour certaines dans des vergers conservatoires dont on ne dira jamais assez l'extraordinaire utilité. 


Oui, moi qui suis un peu rustre, réfractaire en tout cas au polissage urbain, j'aime ce que me raconte ce fruit rustique et polymorphe. J'aime son culte de la diversité, et de la différence. Différentes variétés, différents usages et, différents goûts, qu'il s'agisse du goût de la pomme ou de celui qui la mange. Tous les goûts sont dans la Nature. Y compris dans la mienne.
Voilà pourquoi j'aime ce que je ne connais pas encore. Et j'aime par dessus tout qu'on me le fasse découvrir. Pour quitter la pomme, et aller vers le raisin, dans sa version jus fermenté, j'adore qu'un caviste (ou un sommelier) me guide vers des vins inconnus, des trucs qu'il est allé dénicher et qu'il est "le seul" à pouvoir m'offrir, qu'il me surprenne, m'étonne. C'est même le fondement de son pouvoir, sa raison d'être. Vous comprenez bien qu'un type qui vous propose la même bouteille que ses voisins, autant, pour se rassurer et voir des étiquettes connues, aller pousser un caddie ou fréquenter une chaîne de distributeurs de boissons comme Nicolas, la filiale de Castel.


Cette courte réflexion m'a été inspirée par une merveilleuse syrah que j'ai bue comme un trou. La bouteille n'a pas tenu dix minutes montre en main. Quel jus splendide! À la fois dense et frais, charnu, tenu par une magnifique colonne vertébrale atramentaire, par des amers de grande qualité qui venaient souligner la précision du fruit. Un peu le style de Gonon: rigueur et gourmandise. Il a fallu immédiatement, entre gambas rojas et secreto ibérico, déboucher la seconde pour vérifier que ce n'était pas un mirage. Et ce n'en était pas un!
Domaine des Entrefaux 2012, le crozes-hermitage de la famille Tardy à Chanos-Curson. J'ai le vague souvenir d'avoir croisé ce vin mais je ne sais plus où et quand. On me dit en plus que ce délice vaut quatorze euros. Si on ne l'avait pas versé dans mon verre sans me demander mon avis, si on s'était contenté de jouer au jeu des marques et des noms, de tourner le dos à la diversité, je ne l'aurais sûrement pas bu, et je le regretterais. Heureusement pour moi, quelqu'un a décidé de penser différemment. Je l'en remercie.




* Qui sont d'ailleurs devenu d'un conformisme… Cela dit, leur réussite prouve aussi que l'on peut gagner sans suivre le troupeau.

Commentaires

Articles les plus consultés