Du carburant français dans Solar Impulse !


À l'heure où j'écris, le drôle d'avion survole la Mer de Chine. Il a décollé de Nanjing à 20h39 (heure de Paris), a survolé Shanghai et se dirige maintenant, à 11300 pieds, vers la Corée du Sud qu'il va frôler, puis le Japon et la périlleuse traversée de l'océan.
Je l'avoue, je suis baba d'admiration devant ce que sont en train d'accomplir les femmes et les hommes du projet Solar Impulse, en l'air comme au sol. Et je me souviens de cette devise sur le blason cousu à mon uniforme il y a bien longtemps, celui de la 11e Escadre de Chasse: "Res non Verba".
Car c'est bien de cela qu'il s'agit, des actes, pas des paroles. Le discours écologique/iste a submergé une partie de notre société occidentale. Tant mieux, si en découlent des interrogations, des réflexions, des prises de conscience. Mais au delà du discours opportunistes, commerciaux, combien d'actions concrètes qui modifient réellement le cours des choses? Combien de gestes précis, personnels, qui prouvent vraiment à notre Terre que nous l'aimons?


Tenez, un exemple tout bête, une discussion technique à propos de cet avion solaire. Le minuscule cockpit dans lequel André Borschberg doit maintenant passer plus de cent-vingt heures n'est ni chauffé ni climatisé. Pourquoi? Posez la question aux ingénieurs qui travaillent sur le projet (c'est possible via les chats mis en place), ils vous répondront que le chauffage ou la climatisation représentent des dépenses énergétiques pharamineuses, supérieures à ce qu'il faut pour voler. Pensons-y la prochaine fois qu'en hiver nous voulons que la température de notre maison ou de notre lieu de travail dépasse 19°C. Pensons-y aussi l'été prochain quand il s'agira de pousser l'air conditionné, parce que vraiment, il fait trop chaud! Pensons au pilote du Solar Impulse 2 qui, dans son cockpit non pressurisé, va encaisser, selon l'heure et l'altitude, des écarts de températures qui vont aller jusqu'à 55°C. Et modérons-nous en tournant le bouton. Vous voyez, rien que pour cette "petite chose", ce projet fou aura servi à quelque chose.


André Borschberg va donc tenter de rallier Hawaï sans une goutte de kérosène. C'est fou, une folie calculée, et magnifique. Pour gagner leur pari, financer l'aventure, les concepteurs du projet ont obtenu le soutien de sponsors, des groupes industriels* comme la firme horlogère et de traitement de données Omega et l'américain Google, ou d'autres, actifs dans la mécanique, chimie, et bien sûr dans la fabrication de panneaux solaires.
Et parmi ces entreprises (à forte majorité suisses) qui soutiennent Solar Impulse, figurez-vous qu'on en trouve une française, eh oui! Elle représente le second secteur le plus dynamique à l'export dans l'Hexagone, un secteur qui cumule des centaines de milliers d'emplois, qui fait vivre des pans entiers du pays et entretient son patrimoine. Vous avez deviné? Oui, c'est bien un groupe viticole dont le nom figure sur la carlingue** du drôle d'avion: Moët-Hennessy. Un groupe dont on aime ou pas la production mais que ce partenariat honore. Et qui rappelle que dans ce pays, si on n'a pas de pétrole, on a des idées. Et du vin, un des principaux carburants de la France.




* Certains même comme Nestlé qui ne m'enchantent pas, mais c'est comme ça. On est très loin du sponsoring de la multinationale dans le Mondogastro. Là, il ne s'agit pas de mettre en avant des assiettes ridiculement décorées ou d'offrir une deuxième Béhème à un cuistot, ça a un peu plus de gueule et d'ambition.
** Espérons d'ailleurs qu'en vertu de la fabuleuse Loi Évin-que-le-Monde-entier-nous-envie, lors de son survol de la France, Solar Impulse II ne devra pas effacer cette inscription honteuse de sa carlingue…


Commentaires

Articles les plus consultés