Le Jura bourguignon.


Ce sont quatre ou cinq malheureux hectares. 4,25 exactement. Une peccadille à l'échelle de cette région viticole pourtant minuscule. Rien ou presque ramené à la taille du vignoble français.
Ils sont pourtant symboliques, ces 4,25 ha principalement complantés de savagnin, de trousseau et de poulsard. Jusqu'alors, ils étaient travaillés par un des vignerons emblématiques du Jura, Jacques Puffeney. Ses deux filles ne souhaitant pas reprendre le domaine, à presque soixante-dix ans, "The Pope" comme l'appellent les journalistes anglo-saxons, a décidé de passer la main*. Ce sera effectif au premier janvier. Au terme de cinquante-deux ans de carrière.


Mais, ce n'est pas à un vigneron du cru que Jacques Puffeney a cédé ses vignes. Enfin plus ou moins, puisque c'est Marquis d'Angerville qui a emporté le morceau. Plus ou moins, puisque bien que bourguignon, basé à Volnay, Marquis d'Angerville avait déjà pris pied en Jura en 2011 en établissant le Domaine du Pélican.
Présentant son acquisition à la Presse américaine**, Guillaume d'Angerville a évidemment rendu hommage à Jacques Puffeney, tout en reconnaissant que le sage de Montigny-les-Arsures n'aurait sûrement pas voulu que ça se termine comme ça. Mais en se réjouissant du fait qu'il serait toujours dans le coin pour donner son avis.
Neal Rosenthal, l'importateur new-yorkais et ami des Puffeney (que l'on connait en France grâce à Mondovino), s'est dit hier soir triste et déçu***, "le cœur brisé" alors qu'il avait tenté de trouver une autre solution avec un vigneron local.


Ainsi va le monde du vin, les gros mangent les petits. Il y a quelque chose d'inéluctable dans le fait qu'une Bourgogne qui a accumulé ces dernières années un important trésor de guerre mais où le prix du foncier a explosé regarde dans ses parages où poursuivre son expansion. La mode des vins du Jura, dans les milieux branchés, a peut-être aussi joué même si l'on sent au vu des travaux de replantation réalisés au Domaine du Pélican qu'il se s'agit pas d'une passade. Les vignes de Jacques Puffeney, qui n'étaient pas certifiées bio devraient être d'ailleurs converties à la biodynamie par Marquis d'Angerville.
Tout cela évidemment portera encore plus loin l'image du Jura, fera entrer des devises. En y perdant peut-être un poil d'identité. Et par la force des choses quelques clients hexagonaux, car on voit mal comment les tarifs, en forte hausse ces dernières années, ne poursuivraient pas leur escalades vers des sommets quasi-bourguignons. "C'est la vie" comme a conclu lui-même Jacques Puffeney…



* La quasi totalité du domaine serait louée ou placée en location-vente, seuls quelques problèmes notariaux sont à résoudre, liés à des relevés cadastraux. Jacques Puffeney conserverait quelques rangées de vignes pour sa consommation personnelle et aurait laissé 0,81 ha à son neveu Frédéric.
** L'information a été annoncée par le Wine Spectator.
*** Selon Wink Lorch de wine-searcher.com, Madrose, l'entreprise new-yorkaise de Neal Rosenthal, effectuera cependant la retiraison des 2013 au printemps prochain.

Commentaires

  1. Peut-être j'ai mal compris votre commentaire, mais pour savoir la cave c'est pas vendu. Aussi, pour savoir - certaines de vos commentaires étaient pris de mon article ici - http://www.wine-searcher.com/m/2014/12/d-angerville-takes-on-jura-s-puffeney-vineyards ... Ce matin (heure Nouvelle Zélande ou je suis temporairement basé) j'ai lu un email de Guillaume d'Angerville, inquiet parce qu'un journaliste de Wine Spectator a visité Jacques et découvert la situation. En principe c'était pas encore signé. Alors, j'ai pas réussi à parler avec Jacques avant de publier mon article, mais j'ai aussi parlé avec d'Angerville et avec Neal Rosenthal. Evidemment l'histoire complète est beaucoup plus compliqué. A voir dans 5 ans que va donner les futurs vins des vignes de Puffeney.

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    1. Thank you, Wink. Can you please tell us more about this email?

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    2. Vincent, the email was personal to me, because Guillaume d'Angerville realized that - as the author of the book on Jura Wine - ideally I should be the person to write the news in English about this... And when I spoke to him, it was obvious that the news was released prematurely because of the 'indiscretion' of Jacques. Everyone knew the rumours, it was simply a matter of time...

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    3. C'est toujours triste de voir un domaine historique disparaître en étant absorbé dans une autre entité. Sûr que le Puff' va nous manquer. J'ai évoqué à de nombreuses reprises ce vigneron exemplaire, un peu taiseux, mais tellement attachant. Notamment ici :http://blog.cavesa.ch/index.php/2008/01/30/115182-le-corps-du-vigneron Sans doute n'est-ce pas la fin que Jacques Puffeney aurait souhaitée. Mais sa déception a davantage à voir avec la question de la filiation et de la transmission qu'avec le repreneur. Somme toute, c'est une bonne chose que ce soit la famille d'Angerville qui reprenne le domaine : c'est d'ailleurs un ami proche des deux parties qui a servi de go-between.

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    4. Jacques, deux questions, stp, toi qui es voisin de ce vignoble jurassien.
      1°) en tant que distributeur des vins de Puffeney penses-tu qu'il y aura une montée des prix?
      2°) est-il possible que ce genres de ventes réalisées sûrement au dessus du cours habituel à Arbois vont peu à peu entraîner le Jura dans un logique foncière 'bourguignonne'?

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    5. Je réponds volontiers à la première question. Non, je ne pense pas que les prix puissent augmenter d'une façon significative, d'autant que, si j'ai bien compris, les vins issus de ces 4.25 ha seront intégrés dans le Domaine du Pélican (drôle de nom même s'il est directement en relation avec l'héraldique de la ville d'Arbois). Sic his quos diligo : espérons que telle est la devise de la famille d'Angerville.
      Pour ce qui concerne ta deuxième question. Es-tu certain que cette vente s'est réalisée au-dessus du cours habituel à Arbois ? Si oui, c'est une bonne chose de le Puff' et je doute que l'impact soit significatif sur les transactions futures. Quand on connaît le prix actuel d'un ha sur Château-Chalon, il y a bien de la marge jusqu'à atteindre l'Everest des prix bourguignons !

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  2. Tant qu'on y est, et pour rester dans le Jura, j'y vais également de ma question.
    Il me semble que les tarifs des vins du domaine Pierre Overnoy, aujourd'hui aux mains d'Emmanuel Houillon, ont connu ces dernières années une augmentation significative. En gros, du simple quasiment au double.
    Quelle(s) serai(en)t le(s) explication(s)?

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    1. La maison Overnoy-Houillon a peut-être été racheté par des chinois? Ou, plus simplement, petit domaine, faibles rendements, années difficiles, grosse demande... Et puis les intermédiaires. Qui achètent au même prix que les particuliers. La culbute est alors vite arrivée.

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  3. Bu le vin jaune 1988 de Puffeney la semaine dernière : grand vin, pur, fin.
    Sa version 17 ans de voile, sur le 1988, est un vin immense.

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