Avec mon p'tit panier…

 

J'y pensais ce matin en filant au marché. Sur le chemin de La Boqueria, il y avait un Caprabo ou un Mercadona, je ne sais plus, un de ces pousse-caddies à la sauce espagnole, d'où je voyais sortir des ménagères chargées de sacs plastiques eux même débordants d'emballages et de sur-emballages du même matériau. Dans mon panier, deux blocs réfrigérants et quelques boîtes recyclables, pour aller embarquer chez ma gitane blonde du rond des poissons de quoi faire un fumet de gambas rouges.
Ma gitane blonde, ceux qui connaissent ma cuisine la connaissent aussi. Un peu voleuse sur les bords, mais toujours prête à négocier, davantage adepte de l'effectivo que de la tarjeta (allergie au plastique?), c'est une des spécialistes des crustacés du grand marché des ramblas de Barcelone. Plus encore que les touristes contre lesquels elle lâche ses peones, Cristina déteste les photos, c'est donc un grand honneur qu'elle ait accepté de poser pour moi devant son bel arrivage de Palamós.


Ce à quoi je pensais, en même temps qu'à ces luxueuses gambas que je m'apprêtais à lui commander pour ce samedi, c'est à ce chiffre effrayant, incroyable, lu au petit déjeuner dans Le Figaro: "près de 269000 tonnes de déchets plastiques flotteraient à la surface des océans dans le monde". 269000 tonnes, ça vous parle? Tenez, voici l'intégralité de la dépêche:
  • "La pollution par des micro-plastiques est observée avec différentes concentrations dans tous les océans de la planète, mais les données sont insuffisantes pour estimer avec précision le poids total de ces détritus de micro et macro-plastiques qui flottent en surface, expliquent des scientifiques dont les travaux paraissent dans la revue américaine PLOS ONE.
  • Pour tenter de faire une estimation plus précise, ces experts de cinq pays ont utilisé les données collectées au cours de 24 expéditions effectuées pendant six ans (2007-2013) à travers les cinq grands gyres subtropicaux (tourbillons de confluence des principaux courants océaniques), la côte australienne, la baie du Bengale et la Méditerranée.
  • Les données portent sur les micro-plastiques récupérés dans des filets et sur les grands débris de plastique observés de visu. Toutes ces informations ont été utilisées pour calibrer un modèle informatique de la répartition de ces déchets sur les océans. A partir de ces données et de ce modèle, les chercheurs ont chiffré à au moins à 5.250 milliards le nombre de particules de plastique dans les océans, qui pèseraient au total près de 269.000 tonnes.
  • Les grands morceaux de plastique paraissent être abondants près des côtes, et se réduisent en micro-plastiques dans les cinq grands gyres, expliquent les auteurs. Ils ont constaté que les plus petits micro-plastiques étaient présents dans des régions éloignées des zones habitées, comme les zones subpolaires, ce qui les a surpris.
  • Cette répartition des micro-plastiques dans des zones éloignées pourrait suggérer que les grands gyres agissent comme des broyeurs des gros morceaux de plastique, après quoi les micro-plastiques sont éjectés par les courants partout dans les océans. "Les cinq gyres subtropicaux dans lesquels s'accumulent les déchets plastiques ne sont pas la destination finale mais les micro-plastiques qui en résultent interagissent avec tout l'écosystème océanique", explique Marcus Eriksen, directeur de recherche à l'Institut 5 Gyres, en Californie, un des responsables de cette recherche."

Comment ne pas penser à ces gyres, à ces tourbillons de saloperies en train de coloniser les océans alors même que je déambulais dans le rond au poissons? Un peu plus loin, près des bouchers, je me suis même pris à regarder d'innocents acheteurs, poche en plastique à la main, comme des monstres, des ennemis. Parce que même sur les marchés, de nos jours, le plastique inutile a fait son trou.
Mais que représentent ces quelques sacs de La Boqueria et de tous les marchés du Monde par rapport à la masse hideuse des emballages inutiles que dégueule chaque jour la grande distribution? Rien ou presque. La Communauté européenne a pris des mesures, qui ne concernent malheureusement que les poches plastique. Ici et là en Allemagne ou à Bordeaux**, se sont montées de moyennes surfaces qui proposent des produits en vrac; excellentes initiatives mais si frêles face à la Pieuvre des pousse-caddies. Que faire? Interdire les hypers et les supers? C'est peut-être l'unique solution.
En attendant, avec mon petit panier, je me suis dit que j'avais tout sauf l'air d'un con…




* Oui, samedi soir, chez mon pote Xavier Plégades qui tient le bistrot-caviste Célestin, à Narbonne, j'ai dans l'idée, pour fêter Noël avant l'heure, de marier ces trésors marins espagnols à la chair ferme de beaux poulets de La Piège
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Commentaires

  1. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas vu les courses remplir des sacs plastiques en grande surface : ils n'y sont plus donnés et seules de grandes poches solides sont vendues à la caisse.
    En revanche, au marché de Pauillac, par exemple, chaque achat est soigneusement emballé dans un petit pochon en plastique fin. Tu en cumules un paquet en fin de courses et certains étals poussent même le vice à les regrouper dans un plus grand.
    Notre système de collecte des déchets ménagers a même prévu de les recueillir dans la poubelle destinée au recyclable, afin qu'ils ne finissent pas dans les décharges en plein vent et ne s'envolent pour aller s'accrocher dans la nature ou échouer, comme tu l'évoques, dans l'eau puis sur les plages, haut lieu de pollution (se promener en hiver sur les plages aquitaines est édifiant).
    Pas moins de quatre poubelles nous sont louées et en quelques années nous avons constaté, les nouvelles mœurs prenant racine, le remplissage plus rapide de celles destinées au recyclable et la désertion du contenu de celle dans laquelle, auparavant, tout était mélangé sans distinction.
    Les chiffres qui nous sont communiqués chaque année sur les résultats du tri sélectif sont encourageants.
    Le centre de compostage de Naujac dans lequel sont acheminés les déchets organiques, regroupés dans les "bio-sacs" biodégradables distribués par la mairie, produit de plus en plus de compost.
    Et les réflexes de ce tri nouveau ont été faciles et rapides à adopter.
    Vivement qu'il se généralise.
    En attendant, je fréquente aussi les pousse caddies avec mes propres emballages de grand volume.
    Il est paradoxal de constater que la GD limite l'usage des sacs plastiques, par souci d'économie financière, alors qu'il faut presque forcer le vendeur du marché à ne pas emballer tout ce que tu lui prends dans une foultitude de poches inutiles.
    Il reste bien du chemin à parcourir sur la route de l'éducation citoyenne...

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