In Web Veritas.


J'ai eu la chance de naître dans l'amour des livres. En plus de l'odeur du papier, des librairies, mon univers olfactif s'est enrichi par la suite de celle de l'encre, ce parfum particulier des imprimeries (souvent associé pour les calages à la saveur, atramentaire, du mauvais café de machine). J'évoquais il y a deux jours, à propos des crèches et des sapins de Noël, ma part de racines luthériennes. Comment, fort de cet héritage culturel, ne serais-je pas sensible à ce que l'imprimerie a apporté à la civilisation? En diffusant le savoir (et la Bible dans sa nudité), le caractère mobile métallique de Gutenberg ne fut-il pas finalement le vrai moteur de la Réforme?


J'aime les livres, les journaux. J'aime ce qu'ils m'ont apporté, les souvenirs qui s'y rattachent. Mais, au delà des sentiments, comment ne pas comprendre que les temps ont changé? Il ne s'agit pas de tourner le dos à la chose imprimée; de nombreux ouvrages, pour peu qu'ils s'inscrivent dans le durable, ont toute leur place dans nos bibliothèques, mais le reste, les Merci pour ce moment, les romans de gare et toutes les denrées rapidement périssables de ce genre?
C'est dans cet état d'esprit que j'ai reçu ce matin le courrier (numérique) de Philippe Stuyck, le rédacteur-en-chef du magazine belge In Vino Veritas, fondé en 1992 et édité jusque là sur papier:
  • "Nous défendons une viticulture propre, saine, proche de notre "patrimoine Terre", écrit-il; la majorité des viticulteurs qui paraissent dans In Vino Veritas, s’ils ne s’attardent pas toujours à revendiquer le "bio", travaillent dans ce sens.
    Écologiquement, un éditeur-papier n’est plus crédible !
    Il y a le papier, les encres, les invendus, l’empreinte carbone …..
    Cela suffit, me suis-je dit !" 


In Vino Veritas met donc un terme a sa version imprimée. Pour des raisons économiques, sûrement, en partie, mais surtout en se posant les bonnes questions, dans un souci de cohérence. Car, en 2014, comment ne pas être d'accord avec Philippe Stuyck? Un journal, un magazine, un guide, un catalogue, une notice, un annuaire sur papier, c'est vrai qu'outre le fait que ce soit vraiment ringard, c'est une profonde marque de mépris, une extravagante insulte à la Nature! Répétons-le, le papier, l'encre, les transports, le stockage, le recyclage…
Le numérique, lui aussi, pollue, consomme de l'énergie, mais remporte forcément le match écologique pour ce type de publications. Tout n'est pas réglé pour autant, les modèles économiques du Web sont encore instables, le problème des contenus, de leur financement et du revenu des auteurs restent à débattre.
Pour le coup, je fais mienne la pensée de Kierkegaard*: "on ne peut comprendre la vie qu'en regardant en arrière, on ne peut la vivre qu'en regardant en avant.



* Exhumée par mon copain Hervé Bizeul pour fêter aujourd'hui son cinquante-cinquième anniversaire.

Commentaires

  1. Ben voyons! C'est bien connu que ce sont les librairies et les bibliothèques qui crèvent la couche d'ozone.
    A ce rythme-là les amis, on n'a qu'à tout arrêter. Y compris de faire du vin.
    Parce que, hein? Tout ce verre pour les bouteilles, ce liège pour les bouchons, ce plastique et ce carton pour les BIB, et ces camions qui acheminent...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tous les gens responsables de tous les secteurs d'activité (y compris dans le vin) savent aujourd'hui qu'il y a des efforts à faire, cela semble difficile à contester. De quoi est-il question ci-dessus? D'un livre? Est-il normal en 2014 de continuer à lire sur des supports jetables? Vous voulez un annuaire papier ou le catalogue des 3 Suisses? Plutôt que de nier ce changement, mieux vaut peut-être le devancer afin de l'amortir, non?

      Supprimer
    2. Non. Le papier, le livre, c'est beaucoup plus qu'un annuaire. C'est la civilisation. C'est la mémoire des hommes que peuvent venir feuilleter les générations ultérieures. C'est la rencontre des morts et des vivants.
      Les blogs, le cloud, les mails, le numérique, tout ça disparaîtra dans les limbes plus vite qu'on ne le croit et il n'en subsistera rien.
      Mes enfants, mes petits-enfants, si j'en ai, si cela les intéresse un jour, pourront ouvrir un carton, au grenier, dans lequel ils trouveront mes archives de L'Esprit du Sud-Ouest. Alors que le blog...
      Qui retrouvera cet article dans un demi-siècle?
      Nadie, Nobody, ce sera perdu, broyé depuis longtemps par les flux, par les signaux, par les machines.


      Supprimer
    3. Je n'ai jamais écrit que le livre était un annuaire (même si beaucoup soit moins intéressants que le bottin)! Ce que j'affirme, c'est qu'il est honteux de nos jour d'imprimer des lectures jetables sur papier.
      Pour le reste, pour l'avenir, soyons toujours très prudents quand nous l'imaginons. Les écrans de demain ressembleront sûrement au papier d'aujourd'hui. Ou pas. En tout cas, ne nous laissons pas oublier au bord de la route par inadaptation, phénomène classique en France.

      Supprimer
  2. C'est ça, adaptons-nous.
    Et commençons par appliquer les préconisations de l'ANPAA, puisque visiblement il faut "s'adapter"...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai un peu de mal à voir le rapport.

      Supprimer
    2. Le rapport, c'est que, par définition, quand on s'adapte, c'est forcément à "l'air du temps", à la nouveauté.
      Et cet "air du temps", j'ai comme l'impression qu'il est du côté des "vegan" des "anti-foie gras", des tristes sires en tous genres qui n'ont qu'un but: détruire tout ce qui les a précédé.

      Alors maintenant, faudrait culpabiliser d'imprimer des livres et des journaux?

      C'est bien joli de parler de cuisine "racinaire", d'éreinter les "pousse-caddies" et la "boîte à cons" quand c'est pour, ensuite, nous expliquer que le virtuel, l'immatériel, l'Internet, la Toile, c'est l'alpha et l'oméga et qu'il faut qu'on s'y adapte sans quoi on restera des gros cons de province.

      Bouffons virtuel, buvons virtuel, pensons virtuel. Bravo. Franchement, bravo.

      Supprimer
    3. Sa culture, si on veut la défendre, il faut la défendre avec les armes de son temps. Bien sûr, nous pouvons revenir au pigeon voyageur, eux signaux de fumée et au tablette de cire, mais je crains que la partie devenue un combat d'arrière-garde ne soit perdue d'avance. Les gens dont il est question ici, plus rétrogrades qu'autre chose, maîtrisent formidablement bien les nouvelles techniques de l'information et de la communication. Ceux qu'ils affrontent ont à maintes reprises montré leurs faiblesses en ce domaine et reculent jour à près jour.
      Pour le reste, bi ou ter repetita, j'ai parlé des support jetables en priorité, pas des livres.

      Supprimer
    4. Que viennent faire les pigeons voyageurs dans l'affaire?
      Faudrait voir à pas confondre "conservatisme" et "réaction", à moins d'être un lecteur de Libération, le journal de "gôche" avec plein de pognon de Rotschild qui va bien. Et surtout lisez-le sur tablette évidemment, parce que sinon, sur papier, c'est vraiment être le dernier des salopards à détruire la planète.

      Supprimer
    5. Ça aussi, pourquoi lire sur tablette? Comme si le flux numérique ne passait que par des tablettes!
      Un exemple concret, ce blog, moyenne mensuelle, répartition par OS:
      Linux 29%
      Windows 26%
      Macintosh: 22%
      iPhone 11%
      Android 4%
      iPad 4%
      Other Unix <1%
      BlackBerry <1%
      BB10 <1%
      DoCoMo <1%
      Bref, la plupart des gens passent tout bêtement par leur ordinateur.

      Supprimer
    6. Bon exemple. Qui montre que l'on n'est donc pas obligé de "s'adapter" aux tablettes, comme à bien d'autres choses, et notamment la connerie.

      Supprimer
    7. Il ne s'agit pas de s'adapter au tablettes, mais juste de se rendre compte qu'une bonne partie de la lecture aujourd'hui, et notamment en ce qui concerne les supports jetables, passe par le numérique. Il suffit d'ailleurs de consulter les tirages papier des journaux français (pourtant très fortement subventionnés) pour s'en rendre compte.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés