Bordeaux: retour aux racines ?


La publicité a ses modes, ses gimmicks, ces trucs qu'on trouve amusants la première fois, mais qui à la longue lassent. Quand ils n'horripilent pas. On a eu ainsi, très 80's, la "passion". Tout était passion, des bagnoles au pinard, mais la passion, par essence, ça ne dure qu'un temps. Plus récemment, c'était "l'expérience", un rien anglo-saxonne d'approche, qui vous transformait en cobaye le temps d'aller manger au restaurant, de boire un vin ou de monter dans une voiture
Depuis quelques années, le concept à la mode, l'image qui porte, ce sont les racines. Il y en a partout. Comme si les racines, à l'instar de la terre (Maréchal, nous voilà…) ne pouvaient pas mentir. À Barcelone, un photographe-illustrateur, Jordi Garrigosa est même spécialiste du genre, il a notamment créé des publicités pour le métro de la capitale catalane.


Les racines, partenaires officielles du greenwashing, ont également trouvé leur place dans nos assiettes. Racines en français, Raíces en espagnol, Roots en anglais, quel beau nom pour un restaurant!
 

Dans le vin, aussi, évidemment, les racines triomphent. Ce qui peut sembler logique tant la vigne, et le pouvoir qu'on lui prête d'aller grâce à elles puiser la vérité du terroir, se prête au jeu. Alors des racines, on en voit partout, et notamment sur les étiquettes.


D'où mon étonnement quand j'ai aperçu ce matin la première des nouvelles affiches publicitaires du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux: une bouteille, et… des racines! Eh oui, encore et toujours des racines.


Au delà de ce clin d'œil racinaire (mais avec les budgets du CIVB on aurait peut-être pu innover davantage…), la campagne*, créée par l'agence anglaise Isobel, reprend, en les édulcorant, en les lissant, les codes utilisés depuis une décennie par le nouveau monde du vin**, des codes moins conventionnels, plus alternatifs, créatifs, presque un poil "nature". À l'opposé en tout cas de l'univers de com' habituellement utilisé en Gironde, qui malgré quelques tentatives gentiment rock n'roll, sombrait généralement dans un BCBG plus genre que chic, tendance kermesse de Janson de Sailly.
Je préfère y voir une note d'optimisme, le symbole en tout cas d'une volonté, de la part des marketeurs du cours du XXX-Juillet, de revenir aux fondamentaux, à la terre, au vin, aux racines, à ce qui fait la richesse du vignoble bordelais. Un vignoble dont l'image, à force de bling-bling et de prestige à deux balles, est aujourd'hui infiniment moins bonne que les vins. Un vignoble dont la richesse est occultée, au lieu d'être portée, par une poignée de marques, de grands crus, qui font parfois preuve d'un talent fou pour le rendre détestable.



* Une campagne internationale qui débutera le 27 octobre dans le métro de New-York.
** Par parenthèse, quand les grandes agences commencent à s'emparer d'un style, ça signifie qu'il est temps d'en changer…


Commentaires

  1. Merci.
    J'en ai fait une petite comptabilité, hier. Rien que dans le vin, il y en a une bonne trentaine de "racines". Idem pour les restaurants.

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  2. viens de recevoir le livre de Maurice Chauvet. Merci à toi. Il est magnifique

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