Real wine (le bourgogne des Corbières).
Voici un domaine dont je m'étonne qu'il ne jouisse pas d'une plus grande notoriété. Pour moi, on y produit le meilleur vin artisanal des Corbières, en tout cas un des plus fins du Languedoc. Les Clos Perdus ont été fondés dans les années 2005 par Paul Old et Hugo Stewart; le premier, Paul, Australien, était danseur puis chorégraphe de l'Opéra de Melbourne; le second, Hugo, élevait des cochons en l'Angleterre, jusqu'à ce qu'il réalise qu'il ne partageait pas la vision britannique de l'agriculture. N'imaginez pas ici un domaine "à la Bordelaise", une grosse maison avec une vigne autour. Comme leur nom l'indique, Les Clos perdus sont un agglomérat de petites parcelles, très caractéristiques, situées à l'est et au sud des Corbières, des parcelles "compliquées", anciennes, isolées, généralement perdues dans les garrigues, de grande qualité, donc menacées par la folie de l'arrachage.
Pour les besoins de l'image, Paul et Hugo sont souvent photographiés pas très loin de leur chai de Peyriac-de-mer, dans leur vigne-fétiche, un vieux terret-bourret qui surplombe magnifiquement le village de Bages et les étangs. Ils possèdent aussi un mourvèdre dans les environs. Sans parler de leurs grenaches roussillonnais, sur le versant sud des Corbières, vers Maury.
Mais, à mon goût, c'est à Villesèque que ces deux étrangers viennent donner une magistrale "leçon de corbières" à tout le Monde. Ne cherchez pas avec leur cuvée Prioundo issue de ce terroir, un corbières qui roule les R. Pas plus qu'un beaujolais ensoleillé aux "arômes carboniques" comme l'a voulu la mode parisienne. Sur un petit plateau argileux au sol profond, drainé, constamment menacé par ces saloperies de sangliers, qui domine les villages alentours, ils produisent un grenache (rehaussé d'une forte pointe de cinsault) qui à la dégustation peut parfois entraîner assez loin du Languedoc. À l'aveugle, avec un 2009 utilement carafé, un fameux sommelier espagnol, wine educator agréé m'assurait qu'il avait dans son verre un grand bourgogne de la Côte de Nuits! Plus sérieusement, Dominique Roujou de Boubée, le plus galicien des œnologues français, me disait à propos de ce même Prioundo, mûr mais frais, remarquablement digeste que tous les vignerons méditerranéens feraient bien d'aller y faire un tour afin d'en percer le secret.
Ce Prioundo est une merveille, sûrement le vin le plus accompli des Clos perdus. 2010 que je viens enfin de goûter en bouteille est du même tonneau que le 2009, toujours cette même élégance (surtout si on prend le soin de le décanter deux heures à l'avance) qui ne fera que grandir avec le temps. Car, il s'agit bien d'un vin de garde, les 2007 atteignent maintenant des niveaux tels qu'à l'aveugle il est tentant de les comparer avec ce que le Rhône à de meilleur. Ou pourquoi pas avec des bourgognes, comme le suggérait le wine educator… Mais il faut aussi, au domaine, goûter le petit vin, Le rouge, musclé mais fluide et une "bizarrerie", le rosé des Clos perdus, un rosé de mourvèdre, donc de garde; le 2009, vin préféré de mon fils toutes appellations confondues, est une grande bouteille de gastronomie.
Alors, me rétorquerez-vous, où est le hic? Qu'est-ce qui cloche? Pourquoi Les Clos perdus ne crèvent-ils pas davantage l'écran*. Je me suis effectivement posé la question, j'y pensais encore le week-end dernier alors que je leur rendais visite en pleine vendanges. La réponse est sûrement multiple. Liée peut-être à la personnalité des vignerons, pas vraiment le genre tapageur, plutôt des discrets consciencieux. Peut-être aussi à cause du style des vins, complexes, pleins "d'intériorité", presque intellectuels, le contraire en tout cas de certains jus simplets qui tiennent bruyamment le haut de l'affiche. Et puis, enfin, je crois qu'il y a un côté un peu inclassable dans cette aventure. Il y a quelques années, pour un article sur lequel je n'arrive pas à remettre la main, j'avais demandé (question un peu idiote…) à Hugo Stewart quel était selon lui leur style de vin, naturel, bio, etc…: "real wine" m'avait-il répondu du tac au tac. Oui, ça doit être ça, du "vrai vin". Why not?
*D'autant qu'ils ont déjà eu bonne Presse, notamment un élogieux article il y a moins d'un an de leur compatriote Jancis Robinson. Va savoir…
Superbe ! Deux petits mecs, un rosbeef et un kangourou, hou hou...Paul et Hugo, des vrais, des bons...On rêve...A tomber à la renverse ! merci, Vincent, d'avoir parlé d'eux, ils le méritent bougrement.
RépondreSupprimerDu beau et du vrai !
RépondreSupprimerUne dégustation dans leurs chais m'a convaincu. Une belle découverte qui succède à ceux connus à l'époque ou je lisais l'esprit du sud ouest. Je pense à Christine Dupuy et Daniel Domergue.
RépondreSupprimerça met l'eau à la bouche...
RépondreSupprimerà goûter donc !