Ce sera chouette, l'indépendance!
Si j'en crois la presse locale barcelonaise, c'est fait! Ou presque. La Catalogne va enfin s'émanciper de la tutelle espagnole, se libérer de ce carcan responsable de tous les maux qui l'accablent. Les manifestants (de six cent mille à un million et demi selon les points de vue) venus des quatre coins de la région pour la Diada ont été clairs: "plus question d'être solidaire de ce peuple de fainéants illettrés qui nous vole tout notre argent, il faut fer país!" L'égoïsme*, il n' y a plus de honte à cela. Que voulez-vous, c'est la crise! Et l'amnésie, c'est pas mal non plus, surtout quand elle permet d'oublier ce que d'autres, Européens du Nord notamment, ont donné il n'y a pas si longtemps pour sortir l'Espagne post-franquiste (dont la Catalogne donc), du sous-développement. Eh oui, on est toujours le bougnoule de quelqu'un…
Bon, allez, on ne va pas parler de ces bêtises pendant des heures; ici, pour le commun des mortels, au café du Commerce comme au travail, le bavardage politique, c'est un plein-temps. Alors, tels des adolescents qui claquent la porte du foyer familial, rêvons plutôt ensemble, avec ce qu'il faut d'humour (ce n'est pas une denrée si courante en Catalogne…) des lendemains qui chantent. Parce qu'évidemment, dans la vie de tous les jours, beaucoup de choses vont changer. Les traités sont formels, le futur état catalan sera exclu ipso facto de l'Europe, quelques années au moins, le temps d'obtenir, éventuellement, une intégration à la Communauté (ce à quoi l'Espagne opposera son veto)
Fini l'euro, par exemple, ce qui fera plaisir aux vieux ronchons, tendance Ligue du Nord**, qui constituent le gros des troupes des séparatistes. Mais il faudra changer de monnaie, revenir à la peseta. L'état devra aussi construire ou reconstruire des postes-frontière, avec l'Espagne, bien sûr mais aussi avec la France; les interminables bouchons du Perthus, ça va nous faire rajeunir… Les produits catalans seront bien évidemment de leur côté soumis à des frais de douane lors de leur importation dans la CE, en Espagne ou en France notamment. Il faudra aussi sûrement trouver de nouveaux clients pour les entreprises locales: 47% des exportations catalanes partent en Espagne.
Fini l'euro, par exemple, ce qui fera plaisir aux vieux ronchons, tendance Ligue du Nord**, qui constituent le gros des troupes des séparatistes. Mais il faudra changer de monnaie, revenir à la peseta. L'état devra aussi construire ou reconstruire des postes-frontière, avec l'Espagne, bien sûr mais aussi avec la France; les interminables bouchons du Perthus, ça va nous faire rajeunir… Les produits catalans seront bien évidemment de leur côté soumis à des frais de douane lors de leur importation dans la CE, en Espagne ou en France notamment. Il faudra aussi sûrement trouver de nouveaux clients pour les entreprises locales: 47% des exportations catalanes partent en Espagne.
Je vous passe les emmerdements inhérents à la création d'un nouvel état, les paperasses et tout le toutim. Au passage, il faudra aussi penser à se payer des diplomates et une armée afin de protéger cette nation qui sera "aussi riche que le Luxembourg" si j'en crois un tract nationaliste de droite que j'ai ramassé dans une rue de Barcelone; le problème, c'est que vues les finances de la Catalogne, région la plus endettée d'Espagne et les talents de gestionnaire de ses élus locaux, je crains qu'il ne faille commencer par du matériel d'occasion. Bon, quelques Kalachnikov vintage, des vieux chars Patton et un ou deux vieux Mosquitos, pour commencer, ce n'est pas si mal, ça le fera pour les défilés de la Diada…
À table, finies les excentricités, même si Ferran Adrià sera rétabli, avec ou sans restaurant, dans son titre de plus grand cuisinier du Monde et des environs. On mangera et boira un drapeau dans la main, on interdira le rioja, la paella, le jerez, le jambon andalou et l'agneau de Castille! Priorat, penedés, bière Estrella Damm, calçots, veau de batterie et escudella pour tout le monde. Le champagne sera lui aussi prohibé, remplacé par les grosses bulles du mousseux local, le cava. Il faut souffrir pour vivre libre!
La langue espagnole sera évidemment bannie de la présipauté catalane, la catalan sera évidemment roi, dans les écoles, les entreprises, en privé. La police linguistique (ce n'est pas une plaisanterie, elle existe déjà!) verra ses moyens renforcé afin de parachever la "normalisation linguistique". Les nombreuses télévisions régionales, pardon nationales, seront bien sûr les seules à pouvoir émettre sur le territoire; on finira même par s'habituer au look polonais tendance Jaruzelski de leurs présentateurs… Catalunya über alles, pour reprendre le titre d'un film qui avait fait scandale ici.
Bon, il y aura un seul petit problème, c'est le sport national, le futbol. Il va falloir un peu changer les habitudes, réviser ses classiques, ou plutôt son Clásico. Fini l'éternel affrontement du championnat d'Espagne avec le Real de Madrid. Le Clásico du nouveau championnat catalan, pardon, le Clàssíc comme on dit dans le dialecte local, pourrait, par exemple, ressembler à l'affiche qui ouvre ce billet, Barça/Sabadell, Barça/Figueras, Barça/Lérida… Remarquez, le football n'y perdra peut-être pas au change, y retrouvera un côté plus villageois, davantage de proximité. Le Barça qui, à cause de son déficit abyssal, a du vendre son âme au Qatar pourra enfin faire des économies, et fourguer ses coûteuses stars à des clubs étrangers. Les successeurs des Messi, Fábregas, Puyol, Xavi, Piqué n'auront pas tout perdu: au lieu de passer des heures dans des avions, ils pourront profiter des derbies avec les banlieusards de L'Hospitalet-de-Llobregat ou de Badalone pour aller faire leurs courses chez Ikea. Oui, vraiment, ce sera chouette, l'indépendance. Enfin bon, dans un premier temps, avant que Barcelone ne descende dans la rue pour réclamer son indépendance vis-à-vis de la Catalogne: "enfin, y en a marre de payer pour les pauvres!"…
* Il faut lire à cet égard l'article du Monde qui résume assez bien la situation.
** tendance Ligue du Nord, mais de droite ou de gauche, la foule des séparatistes est politiquement assez hétéroclite mais unie par son égoïsme.
** tendance Ligue du Nord, mais de droite ou de gauche, la foule des séparatistes est politiquement assez hétéroclite mais unie par son égoïsme.
Revenir à la peseta ? Tu n'y penses pas ! On paiera en "catalan", la nouvelle monnaie locale, qu'on pourra affectueusement raccourcir en "cata", pour plus de clarté.
RépondreSupprimerEt le championnat catalan pourra inviter ses cousins du nord, dont les "powerhouses" footballistiques de Perpignan, Argelès ou Banyuls. Dans leur grande mansuétude, il serait même envisageable d'inviter Andorre, pour atteindre 18 clubs.
Ola,
Supprimeraller à Iquéa et payer en cata, olé !
ca, ça va le faire, je le sent...