Fleur de Mai.


Ces temps-ci, à la vigne, même si les porteurs se prennent encore les pieds dans ces satanées inules visqueuses jaunâtres qui ont résisté à tous les coups de pioche, ce n'est plus vraiment le temps des fleurs, nous sommes plutôt en "jours fruits". Mais, ces soifs de vendanges, saines et simples me font penser à une de ces buvettes* qui parfois marquent davantage la mémoire que tant de "grands" vins prétentieux. Pour tout vous dire, je ne me souviens plus exactement de son goût, à cette buvette, je crois qu'elle était légèrement épicée, un poil oxydée, une usure précoce qui la rendait d'autant plus coulante.


Ce vin à la couleur un peu faible s'appelait Flor de maig, Fleur de Mai en français. C'était il y a une petite dizaine d'années, je l'avais acheté en Priorat, au caviste de Falset, celui qui fait toujours la gueule et qui roumègue en patois, à l'angle, pas très loin du Celler de l'Àspic. À l'époque, la Flor de Maig se vendait dans des bidons en plastique de trois litres, un peu moches mais tellement espagnols! Vous voyez ces bidons dans lesquels on trouve d'habitude de l'huile d'olive courante ou de la sangria toute faite dont se délectent les campeurs de la Costa Dorada. La coopérative de Capçanes qui bricolait ça devait y mettre ses surplus de grenache et de carignan du Montsant**. Et ça fonctionnait plutôt bien.


La Flor de Maig d'aujourd'hui a perdu ses accents vaguement contestataires, populistes, ceux des bouquins naturalistes de Vicente Blasco Ibáñez, ceux de la Flor de Maig barcelonaise de Poble Nou, aujourd'hui fermée. En apparence, tout du moins, puisqu'elle a laissé tomber son méchant bidon de plastique pour une livrée diseño qui rend sûrement son achat moins honteux à la clientèle des beaux quartiers. Tiens, il faudrait que je la re-goûte à mon retour en Espagne, peut-être a-t-elle conservé ce charme de bal-musette qui me plaisait tant, cette fluidité qui ne pète pas plus haut que son cul, son parfum de vendanges ibères et de vieille cave? Va savoir…



* une buvette est un vin, généralement souple et charmant, qui n'est pas vendu au public mais qui constitue la boisson quotidienne des vignerons, de leurs ouvriers et de leurs vendangeurs.
** la DO qui encercle Priorat.

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