Ludopathie, artichauts et enfantillages.


C'est donc fait! Les rumeurs circulaient depuis une semaine, l'empereur mondial de la roulette l'a confirmé hier, Madrid a "gagné", Barcelone a "perdu", "si tout va bien", les roulettes et les bandits manchots d'Eurovegas s'installeront dans la banlieue de la capitale. Restent maintenant les questions, à commencer par la première d'entre elles: qui va payer? Parce que Las Vegas Sands, la société du sulfureux milliardaire Sheldon Adelson n'arrivera qu'avec une petite partie, un quart, un tiers au mieux des vingt-et-un milliards d'euros qui doivent être investis dans le projet. Remarquez, avec le renflouement des banques espagnoles par l'Europe, la fontaine de l'argent facile devrait à nouveau couler à flots, surtout avec l'aide des politiciens espagnols, finalement très joueurs, pour ne pas dire ludopathes. On va également éviter de parler de la qualité et de la durabilité des très nombreux emplois que promet Europe Vegas® (puisque c'est le véritable nom, déposé, du futur site).


Cela étant, du côté des "perdants", à Barcelone, beaucoup sont soulagés de cette "victoire" madrilène qui va sauver (pour combien de temps?) un des poumons verts la métropole catalane, laquelle en a bien besoin, elle qui figure déjà sur le podium des cités les plus polluées d'Europe, juste derrière Bucarest et Budapest. Car, comme je vous l'avais expliqué, outre les plages de Villadecans, sonorisées par l'aéroport d'El Prat, les terrains jadis promis à Las Vegas Sands à Barcelone étaient en grande partie agricoles. La plupart sont occupés par des maraîchers qui tire profit des eaux incertaines du fleuve Llobregat et fournissent notamment la ville en artichauts, ces bons gros camus qui, ici, rationalisation productiviste oblige, ont hélas remplacé les petits violets originels.


Au-delà de cette grande victoire des artichauts catalano-bretons, le plus incroyable dans cette affaire, c'est la réaction de la très nationaliste Generalitat de Catalunya, le conseil régional catalan: avant même que les Américains n'officialisent leur préférence pour Madrid, il ont "sorti du chapeau", pour reprendre les termes d'un de leurs opposants socialistes, un nouveau projet. Un truc à la fois banal et abracadabrant, l'idée d'un parc d'attraction copié sur le Pueblo español barcelonais qui au lieu de caricaturer les régions d'Espagne singerait des régions du Monde. Rien de bien nouveau donc, mais ce qui est moins banal, et carrément abracadabrant, c'est le montage financier du dossier qui sent bon la bricole sur un coin de table: on allé chercher au Brésil une ancienne star déchue de la bulle immobilière, marié pour le coup (mariage de force?) avec La Caixa, un des banques locales.  Gageons que Ferran Adrià, fervent défenseur de l'Eurovegas barcelonais dont il se voyait bien le cantinier, va trouver une nouvelle idée fantasmagorique qui fera de cette hypothétique parc le centre du Monde de la gastronomie chimique…


Que dire de mieux que ce beau et triste éditorial d'El País, relatant la naissance d'un Barcelona World un rien pathétique? "L'histoire se répète et se répète", on ne tire aucune leçon du passé, des errements et des trous financiers, de Port Aventura auquel ce nouveau parc d'attraction est censé être jumelé. On a déjà oublié la catastrophe économique et sociale générées par l'avidité des années de spéculation immobilière que la région et le pays vont devoir payer pendant dix, vingt ou trente ans. On ne se souvient même plus qu'il y a dix jours on a appelé au secours l'état espagnol pour qu'il débloque d'urgence cinq milliards afin de tenter de finir l'année! Allez, mieux vaut penser aux plages de Villadecans et aux artichauts des petites fermes des maraîchers du Llobregat, sauvée d'Eurovegas…


Évidemment, les incorrigibles fantoches, les guignols immatures qui "gouvernent" à Barcelone sont excusés d'avance de leur misérable coup de bluff populiste, ils ont fait ça pour faire la nique à Madrid, pour poursuivre cette éternelle dispute de cour de récréation. "Puéril" écrivait de cette guéguerre catalano-madrilène Manuel Vázquez Montalbán, le plus important auteur barcelonais moderne, qui lui disposait d'une liberté de pensée que ne possèdent peut-être pas ses successeurs subventionnés pour n'écrire qu'en patois. Comment ne pas conseiller à ses compatriotes de le relire, de le lire d'ailleurs pour beaucoup qui sciemment l'ignorent? Lui, appartienait à la race de ceux qui ont fait de Barcelone une capitale internationale, eux, grisés par le son nasillard des sacs de gemecs*, rêvent de la transformer en un bled de péquenots xénophobes.


* cornemuses catalanes utilisées par les groupes folkloriques.

Commentaires

  1. C'est dingue...! Qu'ils crèvent dans leur merde avec eurovegas, probablement encore un truc qui finira en eau de boudin, pour pas dire en eau de béton...Il y a quelques année j'avais entendu parler d'un prjet de construction entre Trèbes et Capendu, le long de l'autoroute au pied de l'Alaric, d'une réplique de la cité de Carcassonne, un Carcaland comme tu peux l'imaginer...tu vois, y a pas qu'en Espagne...Tiens, au fait plus de nouvelle du Carrouf Market de Cabezac...

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