Jeux de mains…
Je ne pense pas que ce soit un effet du mal des montagnes, mais depuis quelques jours, ici, dans les vignes des hautes Corbières, j'ai les oreilles qui sifflent. Ça me gâcherait presque la douce musique du cliquetis des sécateurs… Apparemment, l'origine du mal se situerait dans ce billet écrit à la fin du mois dernier, il y était question de l'invasion de certains "grands crus" du Languedoc par les machines à vendanger, ces sinistres Panzers d'une modernité sans doute mal comprise. Certaines huiles en auraient pris ombrage, m'accusant de "cracher dans la soupe" (encore faut-il, pour cracher dedans, y aller à la soupe…).
Non, je ne crache pas dans la soupe, mais, je trouve certains comportements stupides, incohérents et, à terme, dommageables. Comment peut-on d'un côté nous sortir du chapeau des "grands crus" qu'on s'en va promouvoir à grands frais aux quatre coins de la planète et, sur le terrain, ne rien faire contre la montée en puissance d'une viticulture bas-de-gamme symbolisée par la machine à vendanger? Il faut sortir de sa logique de gratte-papiers et se balader dans les vignes et les caves. Et, surtout, il faut choisir son camp!
Je comprends bien que pour une certaine viticulture de masse, industrielle, celle dont on va retrouver les bouteilles en bas des rayons des hard-discounters, la machine à vendanger représente la panacée. Et je n'ai aucun mépris pour ce vin-là, encore moins pour ceux qui le fabriquent et ceux dont il étanchera la soif; il faut de tout pour faire un Monde, c'est une des composantes importantes de cet immense vignoble (le plus vaste de la planète) du Languedoc-Roussillon.
Mais, comme à l'occasion de ce billet qui a fait scandale, je m'interroge tout bêtement sur le fait de savoir s'il est sain de travailler d'une manière identique, notamment au moment de la vendange, pour un vin de table et pour un présumé "grand cru". Bien sûr que non! Il faut surtout arrêter de croire que ça ne se saura pas; les acheteurs de vins ne sont pas tous d'anciens vendeurs d'aspirateurs, on ne leur fera pas éternellement passer des vessies pour des lanternes.
Je sais qu'on va m'opposer le fallacieux argument de la "fatalité": "on ne peut pas faire autrement", "c'est trop compliqué"… J'essayerai même de ne pas éclater de rire quand on m'expliquera très sérieusement que "de nos jours, on ne trouve plus de vendangeurs"; dans un pays qui vient d'atteindre les trois millions de chômeurs, voisin d'une Espagne dévastée par le non-emploi (45% des jeunes!), cette "explication" pourrait effectivement être risible si tout cela ne prêtait pas plutôt aux larmes. Excusez-moi, mais tout cela, ça ne fait pas très "grand cru"…
Pas plus que le "laisser-aller" (je reprends ce terme à mon compte) qui semble entourer cette vendange mécanique 2012. Un grand œnologue, susceptible d'avoir une vision claire, précise, étayée du millésime expliquait récemment qu'il était effaré par ce qu'il avait vu rentrer depuis le début du mois. D'abord, par la sous-maturité chronique des baies récoltées; on a semble-t-il renoué avec certaines "bonnes habitudes" du passé, avec le vite-fait, mal-fait, on plie rapidement les vendanges et on file à la chasse… J'ai la faiblesse de penser que l'usage immodéré de la machine n'est pas pour rien dans ce pénible constat.
Non, bis repetita placent, je ne crache pas dans la soupe! Ce Languedoc, je l'aime. Je l'aime d'amour. Suffisamment en tout cas pour ne pas fermer ma gueule quand je sens qu'il se fourvoie. Le mensonge, même par omission, n'est pas un grand allié de l'amour. Messieurs des bureaux, comptables vétilleux, princes du marketing théorique, je vous laisse méditer là-dessus. Pour ma part, je vais dans les vignes retrouver mes "grands hommes du vin", parler andalou, écouter chanter le Portugais et tenter de percer le mystère du Slovène. Je penserai à vous, à vos machines et à vos "grands crus" en contemplant leurs mains, leurs belles mains sucrées, tachées par le grenache et le cinsault.
Tout à fait d'accord avec toi, Vincent...
RépondreSupprimerVincent , c'est un fait avere, les machines de dernieres generations font un meilleur travail que les vendanges manuelles. Il m'a fallu du temps pour l'accepter, mais il suffit de voir le travail de tri sur certaines machines. je peux te passer des liens si tu le souhaites, ca ne souffre pas l'argumentation, amoins de vouloir ajouter des rafles dans les rouges. Je passe sur l'argument economique , et reste sur l'argument technique, tu as en plus le luxe de pouvoir choisir ta date de vendanges au plus precis, c'est a dire te rapprocher au plus pres des parametres de maturite desires.
RépondreSupprimerA mon sens, on peut aller contre l'usage de la machine pour certaines varietes, type Nebbiolo, ou la on a des chances de se retrouver avec de la bouillie. Mais pour le reste , y a plus photo! D'ailleurs, il suffit de faire des triangulaires pour isoler la vendange machine de la vendange manuelle...Bon courage !
Evidemment, quand on considere l'argument social, le debat se gate un peu. Mais bon, en meme temps, je rentre de Bourgogne : 3 voitures brulees a Meursault prendant les vendanges, dont celle d'un pauvre gars qui vendangeait chez un ami et qui a servi a faire un braquage. Anecdotique ou symptomatique de notre epoque ? Alors apres ca, pouvoir motiver des gens pour venir participer a la grande messe des vendanges a la main...
Autrement, c'est toujours un plaisir de te lire !
Greg
Un meilleur travail que les vendangeurs, pourquoi pas? Maintenant, au nom de la célèbre règle "the proof is in the pudding", il ne nous reste plus qu'à déguster ces fameuses nouvelles grandes bouteilles, qualité machine, meilleures que celles issues de raisins vendangés humainement. Surtout dans les vignobles de coteaux, où la vigne pour tout un ensemble de raisons est conduite en gobelet. Sur de vieilles vignes aussi…
SupprimerLa machine marche tout aussi bien sur du gobelet. Bientot en beaujolais... Par contre, c pas demain qu'on en verra en cote rotie, la dessus on peut tous tomber d'accord.
RépondreSupprimerBen voyons, les gobelets adorent ça… Et en Beaujolais, on va se régaler pour les macérations carboniques, c'est sûr… Mais encore une fois, tout ça, ça reste du bla-bla de vendeurs de bagnoles (pardon de machines à vendanger), et je comprends bien que ce soit intéressant pour des fabricants de pinard industriel, il vaudrait mieux revenir à la question précédente qui demeure sans réponse: on les trouve où ces "grands crus" nés de vendanges inhumaines? Allez, on commence, par le Languedoc-Roussillon, c'était le sujet du billet. 1, 2, 3, partez!
SupprimerDonc si je résume votre article, vendanger à la main, c'est humain et vendanger à la machine c'est inhumain? Donc la personne qui conduit la machine à vendanger est un robot? Et pour la taille, est qu'il faut tailler avec un vieux sécateur manuel et pas avec un ciseau électrique?
RépondreSupprimerDu pinard industriel, simplement car on utilise des machines? Du pinard humain parce qu'il est ramassé à la main? Et sinon le reste de l'année on fait quoi? on fait pas tous le même travail, avec les mains dans la terre, dans les feuilles ou dans le marc; avec même envie de bien faire et faire du bon vin pour tout le monde?
J'y ai déjà répondu dans la première partie du biller, peace and love…
SupprimerAllez bon, une petite lecture interessante sur le sujet : http://www.vignevin-sudouest.com/publications/compte-rendus-recherche/compte-rendu.php?id=62
RépondreSupprimerC'est deja date, puisque les gobelets aujourd'hui, ca peut se palisser.
Et en ce qui me concerne je n'ai rien a vendre, ni bagnoles, ni machines. Quand aux grands crus Languedociens, je me garderai de t'en citer. La notion de grandeur dans le mondovino m'echappe totalement et je la trouve meme dangereuse, elle ne produitra que des nantis et qui ne feront pas forcement de meilleurs vins.
Allez bon, une petite lecture interessante sur le sujet : http://www.vignevin-sudouest.com/publications/compte-rendus-recherche/compte-rendu.php?id=62
RépondreSupprimerC'est deja date, puisque les gobelets aujourd'hui, ca peut se palisser.
Et en ce qui me concerne je n'ai rien a vendre, ni bagnoles, ni machines. Quand aux grands crus Languedociens, je me garderai de t'en citer. La notion de grandeur dans le mondovino m'echappe totalement et je la trouve meme dangereuse, elle ne produitra que des nantis et qui ne feront pas forcement de meilleurs vins.