Sauvons l'oncle de l'Amérique !


Je ne sais pas si c'est un chef d'œuvre en péril, mais il s'agit assurément d'un des symboles de la Madrid moderne: imagine-t-on la Puerta del Sol sans cette fameuse enseigne sur le grand immeuble qui la clôt à l'ouest, cet immense Tio Pepe avec son sombrero et sa guitare? Non pas que ce soit cette marque-là qui symbolise le mieux pour moi "le soleil de l'Andalousie mis en bouteille", j'ai d'autres préférences, mais cette pub aux néons multicolores a un charme fou. Depuis les années trente, elle domine cette place, trônant sur ce qui fut l'Hôtel de Paris. Son petit bonhomme lumineux, le tio, l'oncle Pepe, rend hommage à un parent de la famille qui a inventé cette marque de jerez. Il a brillé dans les yeux d'Hemingway, fait étinceler ceux d'Ava Gardner, résisté à la Guerre civile, maigrement illuminé les années sombres, connu la movida et présidé à l'apparition des indignados.


L'Hôtel de Paris n'est plus. Fermé pour cause de rénovation. De grandes bâches vertes le recouvraient depuis un bout de temps. C'est le progrès, on y installera une boutique, en l'occurrence un gigantesque Apple Store. La firme de Cupertino loue l'ensemble à une société mexicaine qui vient de faire savoir qu'elle ne jugeait plus utile la présence du tonton andalou sur son toit. À la casse, tio Pepe! "Il est un peu comme notre Tour Eiffel" a eu beau rappeler le maire de Madrid, les investisseurs n'ont pas bronché. Qui se soucie encore de l'avis d'un pauvre Ibère par les temps qui courent?
Dans cette Espagne ou le mal-être s'insinue dans les replis fiévreux de cette crise vénéneuse est-il opportun, pour le bien d'une de ces multinationales venues d'ailleurs, de démanteler un tel symbole? De le fouler aux pieds? D'imposer une humiliation de plus? Je ne le crois pas.


Depuis vingt ans, les Mac, Ipod et autres produits marqués d'une pomme font partie de ma vie. Comme pour pas mal de gens de ma génération et de celles qui suivent, ils représentent un peu plus que des ordinateurs, des gadgets ou des téléphones. "Think different", ce beau slogan, nous y avons cru. Bêtement penseront certains. Bien sûr, les années passant, certaines de nos illusions ont été écornées, mais nous continuons d'y croire. Un peu.
Ce soir, donc, sur les traces de ces pétitions qui se lèvent à Madrid, en Espagne, sur Facebook, sur Twitter, un peu partout, j'ai envie que nous demandions par tous les moyens au successeur de Steve Jobs de nous prouver qu'il n'est pas tout à fait le patron d'une World Company comme les autres. Et qu'il sauve notre oncle de l'Amérique.
Parce que vraiment, après tant d'années, ça m'emmerderait, ça nous emmerderait d'avoir à apprendre à utiliser ces ƸƢǿȡǬƥXữ de PC…


Commentaires

  1. Je n'ai pas compris l'avant dernier mot de la dernière phrase : je ne parle pas hébreu
    Ah... on ne souffle à l'oreille que c'est du grec. J'en perds mon latin mais je vais répondre en français : je n'ai jamais eu de Mac, qu'il soit Intosh ou Gyver. Quoique le second, quand on a besoin de changer une ampoule ou de réparer son IBM soit plus utile que le premier...

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    1. Oui, mais en latin, en français ou en grec, il faut signer la pétition pour tenter de sauver le Tio!

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