Le Tour de Barcelone (4ème étape-Poble Nou)


Donnez-nous notre vin quotidien.

Avec le froid qui s'en va, il faut ressortir le vélo et reprendre ce tour des marchands de vin de Barcelone que nous avons laissé ici, au terme de la troisième étape dont l'arrivée était jugée en Côtes de Nuits, dans L'Eixample.
Aujourd'hui, on roule au niveau de la mer et quelle star de la bouteille va-t-on rencontrer? Juste un caviste de quartier, encore un peu accro aux étiquettes, mais qui s'applique, qui goûte et chez lequel on est bien content d'aller acheter sa bouteille de dépannage. C'est ça aussi, le vin, le vin quotidien*. Et le jour où ces types-là mettront la clé sous la porte (ce qu'on n'espère pas!), on sera bien désolé. Beaucoup de leur clients rejoindront le troupeau des buveurs de bière, de bière industrielle s'entend. Les forces obscures, celles du moralisme prohibitionniste croiront avoir triomphé; en fait, ce sera juste le début d'un alcoolisme systématique, pragmatique, toxicomaniaque, un peu à l'image de ce qui se passe aujourd'hui en Espagne où certains sommeliers en sont réduits à proposer des masterclasses de gin-tonic en attendant, pourquoi pas, de lancer des dégustations à l'aveugle de cocaïne…


Gloire donc à David Perramon, soldat inconnu de la désertification vinique, mainteneur de la cause dans ce quartier de Poble Nou qui fit, fin XIXe, figure de Manchester barcelonais avec ses belles cheminées d'usine en brique et ses ateliers aujourd'hui transformés en lofts ou en galeries. À deux cent mètres de la tranquille rambla de Poble Nou, sa petite boutique, DVi, tient bon, malgré cette fichue crise sur le dos de laquelle on tente de mettre tous les errements du passé.
Alors, que trouve-t-on, à DVi? Des bouteilles catalanes, c'est logique, priorat, montsant et penedès, difficile d'exister ici sans ces vins avec gourmette en or et jantes larges, mais ce n'est pas là que mon regard se dirige en premier. Près de l'entrée, sur l'étagère de bois, un petite bouteille à l'allure modeste, le navarra 2010 d'Emilio Valerio, ce grenache-cabernet-merlot délicieusement paysan, chantecoucouesque, concocté par Olivier Rivière; je vais vous dire, c'est une des premières fois que je le vois à Barcelone. Dans les six-sept euros le bout, on est au paradis du rapport qualité/prix!


Un peu de fino ou de manzanilla, ce qui est rare en Catalogne, un ou deux "petits" jumilla (les "petits" sont les meilleurs parce que c'est bon le mourvèdre bien mûr quand ce n'est pas massacré par le bois!) Évidemment, comme tous les gens qui commencent à comprendre le vin, David Perramon s'intéresse au vin français, le bordeaux de la famille Guinaudeau, du Givry de Joblot et, en fouillant un peu, un gevrey de Confuron-Cotedidot et du beaune de Montille. Bref, de quoi remplir la main, voire le panier d'un honnête homme. Parce qu'un honnête homme**, est-il besoin de le rappeler, ça fréquente son caviste de quartier, jamais l'hypermarché de la banlieue voisine.


* le vin quotidien, "aliment", qui nous permet, à nous Français, de tenir bon à nos 54 litres par an et par habitant, juste devant les Italiens (53) et à des années-lumière devant les Espagnols qui n'ont toujours pas publié leurs chiffres 2011 et qui désormais boivent moins de vin que les Anglais ou les Américains.
** pour le coup, on peut prendre honnête homme au sens classique mais aussi dans son acception moderne.

Pour mémoire, le parcours du Tour de Barcelone:
3ème étape / L'Eixample (Je mange du bœuf mais je roule au vin clair)
2ème étape / Gracia (Spinoza, la sodomie et le vin naturel)
1ère étape / Poble Sec (Cours, camarade, le Nouveau Monde est derrière toi)
Prologue (Course contre les monstres aurait écrit Antoine…)



Commentaires

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  2. Je pense être passé devant le week-end dernier, la prochaine fois je pousserai la porte.

    Je tenais juste à ajouter que le Gin Tonic, ce n'est quand même pas du Nutella. Il y a gin et gin, et tonic et tonic même si c'est moins connu. De là à mériter une "masterclass" (ou est-ce une mastercard ?), je ne sais pas, mais toujours est-il qu'il y a un bar-lounge (le 4uatre) sur la rambla de poblenou avec une superbe carte de g&t - ils n'ont malheureusement pas d'Old Raj, mais ils ont du Fever Tree (que j'aimerais bien essayer avec un Tanqueray Ten, par exemple).

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    1. Je suis d'accord, Guillaume, le gin tonic, ce n'est pas du Nutella et il m'arrive d'en boire; il y a encore mieux à mon goût que le Fever-Tree, c'est le Britvic, moins sucré (et pour ça, c'est vrai, à BCN, on a le choix, bien plus que pour le vin…). Ce que je veux dire en revanche c'est que je trouve consternant, vu le niveau des sommeliers locaux, de les voir aller faire encore un peu plus la promotion de l'alcool qui chaque jour marque des points en Espagne face au vin. Peut-être auraient-ils mieux à faire?…

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