Le Tour de Barcelone (prologue)


Course contre les monstres aurait écrit Antoine…

Oui, les caves de cette ville sont envahies par des "monstres"! Car c'est bien ainsi qu'on les décrivait sous le règne parkérisé de Dr Jay et de son âme damnée, Pancho MW: colossaux, musculeux, noirs, solides, impressionnants, terribles… Du coup, de ces vins-là, aussi lourds que la bouteille qui les contient, de ces monstres venus du Priorat, de Toro ou de Ribera del Duero, il y en a en pagaille qui hantent les celliers barcelonais. Parce qu'on avait pas le choix, parce qu'on passait pour un couillons si on en n'avait pas, parce qu'il fallait des vins chers (mais imbuvables) pour faire sérieux…
Le problème, c'est qu'avec des trucs pareils, du vin, on finit par ne plus en boire. Moi qui vous parle, avant d'arriver ici, je ne buvais jamais de bière ou presque; faute de vin, je veux dire de vin consommable, accessible au commun des mortels, je me suis mis à la bibine. Et je ne suis pas le plus à plaindre… Aujourd'hui, on ingurgite ici autant de bière qu'en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Quant au vin, l'usage du tire-bouchon tend à devenir folklorique.
L'idée de ce Tour de Barcelone, de cette série, puisque ce sera une série, est de visiter les hommes et les femmes qui tentent de faire bouger cette momie qu'est devenu le vin espagnol, singulièrement dans La ville des prodiges. Un Français "de France", par exemple, a sûrement du mal à entrevoir ce dont je parle: ici, le conformisme règne en maître. Ça vaut pour les restaurants où à de très rares exceptions on trouve la même et sempiternelle carta de vinos, je l'ai déjà évoqué ici, ça vaut également pour la vente au détail (je ne vais pas aller jusqu'à utiliser le mot de "caviste" qui ne se traduit pas vraiment en catalan…). L'idée, donc, est d'éviter le polycopié distribué à la presse (et en général fidèlement reproduit) pour sortir des sentiers battus. Bref, j'ai enfourché mon vélo, pour faire aussi chic que mon maître Berthomeau (aussi bobo persifflera Hervé Bizeul mon voisin des Corbières) et j'ai attaqué, sur les traces lointaines de ce cher Antoine* le Tour cycliste de Barcelone.



Le temps est idéal sur la ligne de départ, pas de temps mort, je file tête baissée vers le quartier d'El Born où les touristes ont la chance de pouvoir s'initier à la soupe de chêne glycérinée sur la merveilleuse terrasse de La Viña del Señor, face à Santa Maria del Mar. Pas le temps de regarder le paysage, je me faufile sur ce parcours sinueux! Afin d'éviter d'enfoncer les portes ouvertes, je passe sans m'arrêter devant la prestigieuse boutique de Vila Viniteca, à deux pas du Port Vell; cette institution locale rassemble une immense sélection destinée à une clientèle aisée qui aime au moins autant les étiquettes que ce qu'il y a dans les bouteilles. Sans conteste un incontournable du vin "statutaire", pour jacter comme dans les agences de pub… Mais vite, ne nous égarons pas, il me faut maintenant traverser le Barrio Gotico!

PS: Malheureusement, comme vous avez pu le constater, mon fier destrier n'a pas de porte-bagage, je ne peux donc m'encombrer de ce pauvre Manuel (le sommelier catalan à grosses godasses qui boit du coca); c'est bien dommage parce que je pense que que ce tour de Barcelone l'aurait un peu dégrossi.

* Blondin, évidemment! Vous en connaissez un autre pour parler de vélo sans rien perdre de son style? Sur ce sujet du contre-la-montre, il s'était offert "La ballade des pendules"…

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