Bio et con à la fois…


Rassurez-vous, je ne vais pas rallumer la polémique suscitée par un texte du critique Michel Bettane, il y a quelques années, sur les vins nature. J'ai dit récemment ce que je pensais des algarades qui voient (sur les réseaux sociaux notamment) s'affronter si fréquemment "tenants du pour" et "adversaires du contre", ayatollahs et chevaliers blancs: de querelles byzantines en discussions sur le sexe des anges, tout cela est du temps perdu (une heure, une heure seulement…) durant lequel on aurait pu vraiment parler de vin.
Non, rien de tout cela, ici, je veux juste mettre un joli caramel à une espèce de "marché bio", l'Organic Market, qui a ouvert ses portes il y a quelques mois, à Barcelone, à deux pas de la Plaza de Cataluña. L'endroit a belle gueule, il fait plus ou moins partie semble-t-il d'une chaîne qui se consacre à la vente à emporter de plats cuits au wok (pour celles qui ont peur de s'écailler le vernis où ceux qui ont deux mains gauches).


Pratique, l'Organic Market, on y distribuait au début le merveilleux pain de la boulangerie Baluard (ce qui évitait de descendre à la Barceloneta); ça a changé récemment, le pain de Baluard est peut-être le meilleur de la ville, mais il a un horrible défaut pour les pijos* qui fréquentent le quartier, il est trop peu coûteux. Donc, on  l'a poussé dans un coin pour en faire venir d'autre, plus "chic", plus cher. Passons, ça donne le ton, mais ce n'est pas là que je voulais en venir…
Non, ce qui me fascine dans ce lieu, c'est qu'on a l'impression d'y lire comme dans un livre une certaine conception du (ou de la) "bio", partagée par des urbains aisés qui vont là comme leurs mères sous Franco allaient à l'église. Depuis peu (avec le temps de retard habituel), on repeint tout en vert en Espagne. Ça, à mon goût, ce serait plutôt une bonne chose, surtout ici dans cette ville qui figure au Top3 européen de la pollution, surtout si cette fièvre de l'ecológico, du sostenible recelait un minimum de profondeur et de sincérité. Bref, si on ne cherchait pas seulement à faire genre…


Vous me direz, évidemment, que des "bobios", il n'y en a pas qu'ici et que je suis en train d'inventer l'eau tiède… Certes, mais, ici, comme la mode débarque, il est intéressant de faire un peu de sociologie de comptoir! Déambulons, donc devant les étals de cet Organic Market. Je glisse devant les légumes pas folichons qu'on a quand même fait l'effort, notons-le, de ne pas présenter en barquettes polystyrène/plastique (comme il se doit dans tant d'autres "boutiques bio" de Barcelone.) Ce qui est sympa, c'est qu'on a aussi pensé à l'édification des générations montantes: des petits pots (bien plus bio que d'utiliser les petits robots mixer-cuiseurs d'aujourd'hui…) et, bien sûr, des hamburgers, parce que, je vous le demande: comment peut-on être bio sans hamburger et sans Coca?
Vous l'avez compris, nous ne sommes, ni plus ni moins, ici, que dans un supermarché, déguisé en lieu un peu cool, arty-crafty sur les bords, destiné à donner à une clientèle bourgeoise les moyens de se donner bonne conscience en acheter du "bio" d'origine incontrôlée. Les bonnes œuvres, quoi (c'est là qu'on rejoint les mères qui allaient à l'église sous Franco).


Enfin, bon, on ne pas en faire un fromage (pasteurisé bien sûr dans une usine bio…), car, finalement, ce que j'ai trouvé de plus vert dans ce lieu élégant, ce sont les canettes d'Heineken, bouteilles emblématiques du bar et du rayon boissons de cet Organic Market si représentatif d'une certaine forme d'hypocrisie moderne. J'ajouterais (quitte à me faire traiter de "vieux facho", c'est à la mode ces temps-ci), si représentatif de ce "confort intellectuel" qu'avait si bien décrit Marcel Aymé. Brel aussi, d'une autre façon

PS: Histoire de se changer les idées, demain, nous reprenons notre Tour de Barcelone cycliste avec une balade dans la Nature…

* les pijos, terme espagnol, sont des bobos, mais en plus clinquant; leur principal instrument de mesure de toute chose est le prix.

Commentaires

  1. Je découvre votre blog, j'aime votre ton, votre style, beaucoup vos photos, et vos sujets.

    J'aime pas du tout Barcelone, qui est une ville qui a (c'est très personnel) beaucoup plus d'insupportables défauts que d'avantages ou de véritables beautés. Un de ces "défaut" c'est que tout semble artificiel et en plastoc dans cette ville... je vois que ça en est pareil du bio. Ca ne me surprend pas vraiment.

    Je continuerai à vous visiter, peut-être que je mettrai un peu d'eau dans mon vin...beurk ;-)

    Tom B.

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