Le Tour de Barcelone (1ère étape / Poble Sec)


Cours, camarade, le nouveau Monde est derrière toi… 

Je vous ai abandonnés hier à l'orée du Barrio Gótico. Pour le résumé de l'épisode précédent, le prologue, c'est ici. Ce n'est pas la voie la plus rectiligne pour rallier le terme de cette première étape mais, je dois bien vous l'avouer, en matière de pistes cyclables, Barcelone a bien vingt ans de retard. Le nouveau maire a annoncé son intention d'y réfléchir mais quand on sait qu'en conseil municipal on s'engueule encore en parlant des nuisances causées par les cyclistes, on se dit que l'aggiornamento n'est pas encore pour demain matin; il est vrai que La ville des prodiges a son rang à tenir, troisième ville la plus polluée d'Europe, si on veut rester sur le podium, il faut que la quéquette continue à tenir le volant!


Donc, après avoir sciemment nui au trafic automobile, assumé ma pollution pédalante, j'approche du sprint final. Métro Paral•lel, je tourne à gauche (sens interdit…) sur Nou de la Rambla, contemple les misères faites à cet Olympia barcelonais, l'Apolo dont les carrelages rouges empestent le kebab de camionnette.  Mala reputació pense-t-on de ce genre de quartiers dans la ville haute où l'on vénère la pureté jusqu'à la consanguinité. Tant mieux, sinon (à l'inverse des bourgeois parisiens qui se rêvent apaches), les pijos envahiraient le petit bouclard devant lequel je pose mon vélo.


Vino artesano, vous, à l'étranger, ça vous semble simple, cette affaire ,"Vin artisanal". Un vin, fait sur des vignes par un vigneron qui les travaille: "ça, c'est original, Toto, c'est un gros coup, merci Toto, on t'écrira"… Mais, ici, en Espagne, je vous ai expliqué que c'était moins évident. Donc, le terme de cette première étape se dispute bien ici, en montée, sur le début de l'Escalade de Montjuïc, remportée à 6 reprises par Eddy Merckx et en 1976 et 1978 par Michel Pollentier (merci, Antoine!). L'arrivée est jugée au niveau du 138 de Nou de la Rambla. Les côtes, ça donne soif!



Vino Artesano, c'est la petite affaire inaugurée le 24 septembre 2011 par Malena Fabregat et Marc Lecha. Elle est arg…, pardon, uruguayenne, lui est catalan pur jus, mais sans œillères; l'un comme l'autre ne sont pas nés dans le vin, ils viennent de l'édition, des arts graphiques. Mais le vin, c'est leur passion, afición, précise Malena, plus sud-américaine que jamais. Comme tous les jeunes (si rares!) qui  s'intéressent au vins, ils ont suivi le parcours imposé, avalé ce qu'il fallait de copeaux et de planches.

Oui, vous avez remarqué l'image ci-dessus, Marc est un Catalan qui sourit, comme ceux dont je parlais au Plaça del Vi. Bref, il est un peu à l'opposé de ce cher Manuel (notre fil rouge, le sommelier barcelonais nationaliste, binoclard, à grosses godasses, maladroit et qui boit du Coca) qui, du haut de sa science, continue méthodiquement de donner envie aux clients de commander autre chose que du vin (de préférence de l'Estrella Damm un peu sucrée, comme lui). Ces deux-là, donc, Malena y Manuel se sont rendus compte que malgré "l'éducation" qu'on leur prodiguait, ils avaient, au fond d'eux, envie de boire autre chose. Plus "nature", évidemment, mais pas nécessairement Nature (là, celui qui n'est pas du club est largué, c'est une des merveilles du vin: l'hermétisme)


Après de longues études de marché qui ont du leur prendre deux heures au bistrot et de longs brain-storming avec des designers en vogue (on peut rire, non?), ils ont donc décidé de procéder à un changement profond de leurs vies. Et d'ouvrir ce bouclard où l'on commence à voir les cépages, les races, les couleurs, les variétés, les peaux, les idées se mélanger. Le critère de sélection, presque un manifeste: "que ces vins soient fait par des gens qui utilisent leurs têtes et leurs mains".  Alors que boit-on? José-Luis Mateo, le Galicien émouvant, Fredi Fresquito Torres le Dj de Gratallops, un pétillant interdit de DO Cava pour cause d'usage de cépages locaux (quelle classe!), le Pirata bientôt je crois, des trucs inconnus ailleurs 46 je-ne-sais-plus-quoi arrachés à la Tierra de Castilla, etc… Surtout, on boit, on en parle et on le fait, les bouteilles n'ont pas uniquement un usage "externe", bref, ce vieux "Nouveau Monde" qu'on a cru un temps inventer en Espagne n'est plus de mise, avec ses ridicules et pénibles masterclasses, ses gourmettes en or et ses vins vrombissants. Et tant pis si on tache les étiquettes…

Ces jeunes-là, Marc et Malena, figurent bien évidemment sur la liste de ceux qui veulent et doivent ouvrir un bistrot pour réouvrir cette ville au vin. Ils y pensent, tout le monde y pense, aidons-les. Mais, le Tour de Barcelone continue. En selle! Juste un indice, pour la prochaine étape (sûrement en début-milieu de semaine prochaine), on ira dans la Nature…
(À suivre)

Commentaires

  1. Joli portrait.
    Vin nature, le prochain ? A suivre...

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  2. Belles gueules, belles côtes, merci de cette visite pédalante !

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  3. Fueron más de tres botellas, unas cuantas de conversación, el repaso de lo que no podemos perdernos en La Dive Bouteiile, atender a Juan de Bailoretto que quiere tener vino artesano en su restaurante de Poble Sec y creo que ir consolidadno un encuentro y una amistad sin conseciones. Fue volver a casa bajando por Nou de la Rambla hacia el Gótico, haciendo "S", con una sonrisa que no pude discimular ni cuando pasé horonda por la puerta de la comisaría! Gracias Vincent et bienvenue a la construction d'un monde en comun!

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  4. Merci beaucoup Vincent pour vos récits acérés et drôles. Dans le genre opposé à "la même et sempiternelle carta de vinos", que pensez-vous de la Vinateria del Call ?
    Pour ma part j'y vais autant pour ses idées liquides que solides.
    Sébastien

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    1. Merci, Sébastien. J'ai pas mal mangé dans le style roboratif à la Vinateria. L'accueil est très sympa et la carte des vins bien remplie; le seul défaut, c'est qu'on a du mal à y trouver des vins qui sortent du désastreux schéma espagnol des années 2000… Mais le propriétaire m'a l'air assez ouvert pour améliorer ça.

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  5. C'est pas une bouteille de Terram du copain Fredi que l'on voit sur l'étalage, ici en haut ? Pis des Clos du Rouge Gorge de Cyril Fahl ? Ou bien ?!

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  6. C'est effectivement le vin de Fredi dont nous avons goulument avalé le S. Pour ce qui est du Rouge-Gorge, la mode me donne tort, pleins de copains aussi, mais je n'accroche pas…

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  7. Alors on est deux : je subis les mêmes reproches, mais ce ne sont pas les mêmes copains !

    En Roussillon, dans la vallée de l'Agly, encore pas de grand rouge sec bu à ce jour. Des VDN oui, mais des rouges secs, non. Par contre en blanc sec, si, notamment chez Laguerre, Roc des Anges, et dans un style riche Gardiès. Mais jamais compris l'aura qui entour les blancs de Gauby, Pithon, ça c'est vraiment pas ma came.

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    1. Les longueurs d'ondes se rapprochent… Laguerre (depuis 10 ans!) heureusement il est trop paysan et pas assez cher pour les snobs! Roc des Anges, oui.
      Les rouges sont de garde, denses, plus castelnoviens qu'à Châteauneuf, les négociants comme Byrrh l'avaient compris depuis longtemps qui trouvaient dans ce sud-Corbières leurs vins-médecins; j'aime des choses très diverses d'une Sibérie de Bizeul (08, je crois, étonnant, non?) aux granitos vivos du Clot de l'Oum, Gardiès, évidemment, vigneron-paysan (le grade suprême),Sire qu'il ne faut pas oublier quand il laisse le jus vivre sa vie, les carignans de la cave d'Estagel, un must! Et d'autres…
      Gauby, j'ai de sublimes souvenirs des bouteilles "à l'ancienne" bâties pour la garde: blanc 2002, le vrai, j'ai oublié le nom, en magnum, il y a 15 mois, grand. Maintenant, j'attends pour voir, un poil dubitatif…

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  8. C'est à l'Escalada de Montjuic, Vincent, òu, enfin, Poulidor a gagné quelque chose... (1965, 67 et 68)!

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  9. Très juste, Marc: les seconds seront les premiers!

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