Barcelone fut un port. Je l'imagine sans peine dans ces ruelles minuscules du Barrio Gótico. Parfois, il me semble entendre brailler les matelots, fraîchement débarqués; quand on a suffisamment connu la Mer, on peut de nouveau aimer la Terre. Surtout quand on pressent qu'elle a de quoi satisfaire des besoins impérieux et étancher des soifs brutales.
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¡ La cuenta, por favor |
Au
Zim, commençons par la fin, c'est à même le zinc (qui est d'albâtre) que s'écrit l'addition. Comme au temps de ces soifs de matelots. Merde à la caisse enregistreuse, vive le crayon gras! il faut parfois mettre la modernité au fond de sa poche et son mouchoir par dessus! Le
Zim, dans l'étroite calle Dagueria, à deux pas de la mairie et de la
Generalitat (le Conseil régional), est probablement le plus petit bar de
La ville des prodiges, plus petit, peut-être, que les
lavabos de bien des restaurants chics où l'on s'ennuie au dessus de la
Gran Vía.
Zim, c'est une référence, que dis-je un hommage, aux enzymes souvent gloutons (seuls les vieux comprendront…), si nécessaires au vin mais aussi au fromage. Normal, Katherine, l'écossaise qui est à l'origine du lieu est crémière (la meilleure de Barcelone?) et au
Zim, on ne sert presque que du vin (avec juste un peu de bière pour ne pas dérouter la clientèle catalane).
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Francesc, le taulier, Catalan souriant (ça ne rime pas toujours). |
Le taulier, c'est Francesc, un Catalan comme on les aime, fier de la culture de son pays mais ouvert au Monde; contrairement à tant de nains incultes dont le nationalisme pue le renfermé, lui n'a pas oublié que Barcelone n'est grande qu'en étant un port, une ville cosmopolite où s'échangent les idées. Dans son bar lilliputien, il m'est arrivé d'entendre parler en même temps espagnol, français, italien, anglais, ukrainien, hébreu et japonais. Ce n'est pas pour autant, un piège à touristes, au contraire; ni au niveau des prix (à BCN, la chasse aux pigeons est ouverte toute l'année!), ni au niveau de l'ambiance. Pour s'en convaincre, il faut goûter son
vermut maison, le confronter au sel d'une olive, pour comprendre que le type, d'une discrétion qui confine presque à la timidité, n'a pas mis son identité dans sa poche.
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La musique d'ambiance au Zim, ce sont les conversations. |
L'intelligence du taulier, c'est de laisser faire. Ou plutôt, de donner l'impression que… Et au
Zim, ça marche. On discute avec des étrangers, on se paye des coups de rouge, les fameux "verres de contact" que nous avait enseigné à l'école du soir le pauvre Antoine. Bref, tout y est finalement assez simple car le lieu ne se prend pas pour ce qu'il est pas. La carte des vins est courte, moi, j'y bois depuis deux millésimes, à 2,30€ le verre, un
mencia du
Bierzo,
Luna Beberide; son végétal vient fort à propos répondre aux petits tapas de fromage ou de charcuterie qu'on sert avec. À noter que chaque verre arrive (c'est inclus dans le prix) escorté d'un
petó, ce qui signifie joliment un baiser en langue catalane, en fait un minuscule bocadillo composé avec les produits du moment. En finissant d'écrire ça, je me dis que ce genre d'adresses qu'on ne trouve évidemment pas dans les magazines, il vaudrait mieux les garder pour soi. Tant pis, trop tard!…
L'une des adresses vraiment sympathiques de Barcelone : des fromages de grande qualité, un patron jovial, qui aime le vin et le faire découvrir ,même à une clientèle de passage; l'endroit se prête singulièrement au verre de contact. Un rade où il fait plaisir de tomber et d'accoster.
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