Chappaz et Clos Rougeard: peut mieux faire?


Marie-Thérèse Chappaz est une grande dame du vin suisse dont la réputation a largement franchi les frontières du Valais. Subrepticement, on me verse dans le verre son fendant Président Troillet 2009. Le nez, de toute beauté, me fait balancer entre le chasselas qu'on buvait jadis sur la terrasse généreuse de Mme Faller mère et un mauzac vert de Plageoles; suivent en revanche des notes miellées, de fleurs blanches, de pêche et d'abricot très mûrs qui vous entraîneraient bien plus bas sur le cours du Rhône, éventuellement même vers des viogniers sudistes. Il me semble percevoir également des notes d'angélique de Niort mais il se peut que ce soit purement sentimental.
La bouche est d'un incroyable velouté, d'une "épaisseur étonnante" (d'autant plus quand on apprend qu'il s'agit d'un fendant!) mais presque un peu lourde. On a, ce qui n'est pas si courant dans les blancs, une sensation tannique qui permet d'ailleurs de rafraîchir légèrement l'ensemble. Magnifique longueur sur le miel d'acacia, mais je suis un peu en manque de verticalité et, sachant que c'est du fendant, d'un côté un peu plus primesautier. 
Cela étant, peut-être n'était-il pas pas possible de "mieux" faire cette année-là, car il y a sûrement un effet millésime dans cette affaire, faut-il oublier quelques temps un vin pareil? Dès qu'il rentre d'Ampuis et de Suisse, il faut que j'en parle au Dj de Gratallops. À moins que l'un des Helvètes fins et précis qui habitent la blogosphère, Laurent Probst ou Jacques Perrin, aient un avis… 


Je suis un peu plus perplexe en revanche devant le 2004 du saumur-champigny générique de ce célèbre Clos Rougeard qui était tellement à la mode dans les années 90. À l'aveugle, le nez annonce immédiatement la majesté d'un cabernet bien mûr  mais immédiatement après vous tombe sur la figure suffisamment de bois pour vous chauffer tout un hiver (au moins à Barcelone…). Du coup, on quitte les rives de la Loire pour songer à des "expériences" plus sudistes, se disant que vraiment ces bougres ont eu la main lourde, presqu'autant que des Bordelais.
En bouche, ça ne s'arrange pas: il y a bien sûr du beau, on sent qu'il y avait du jus mais la finale sèche irrémédiablement, je m'interroge sur son avenir. Dans un style de saumurs boisés, il m'avait semblé par exemple sentir plus de finesse dans certaines cuvées de Guiberteau ou d'autres grands voisins. Sans parler de ce que j'ai récemment goûté à Chinon, chez Joguet new-style et Pichard et qui avait je pense une toute autre profondeur. Enfin bon, ne jugeons pas trop vite, ce n'était d'ailleurs que le "petit" vin, faudra que j'en parle à l'oncle Jim

Commentaires

  1. Difficile de faire des blancs 2009 équilibrés et frais en Valais, et l'artifice de la malo faite ou non faite ne peut (doit) pas berner les bons dégustateurs (sauf si on aime les vins farcis de soufre et filtrés stérile). Marie-Thé s'en sort avec les honneurs (voire mieux), comme d'hab. Pour info, sa vigne de Président Troillet n'a jamais connu la chimie. Et il est difficile de faire un meilleur fendant cette année là.

    2004 : depuis que je bois des Clos Rougeard, le seul millésime que je n'ai pas aimé. Mais le seul. Je ne pense pas que les vins soient trop boisés, mais plutôt sous-vinés cette année là, pour reprendre l'expression du père Guffens. La faute au millésime sans doute. Faut se consoler en buvant la même cuvée mais en 2006 : un poil de bois mais que de vin. Jamais aimé les rouges ni les blancs de Guiberteau par contre. La bonne adresse à découvrir à Saumur : Mélaric. Dans 3 ans, il faudra faire du gringue à Aymeric pour avoir du vin tant il sera dévalisé.

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    1. Merci, Nicolas, de cet avis. Il est utile effectivement de rappeler qu'il existe des catégories d'acidité et qu'elles ne se valent pas. Cela étant, au travers d'un autre éclairage reçu entre temps en message privé (et que l'intéressé, je l'espère, publiera ici), il semblerait que l'on trouve désormais des fendants moins tranchants, plus riches, chez cette grande vigneronne. Et l'on me cite en exemple des voisins comme Gérald Besse (dont je ne connais pas les vins, malheureusement) que mon interlocuteur trouve "plus fins, frais et distingués en ce moment".

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    2. Pour ce qui est de Clos Rougeard. Je précise que le fréquente les vins, et pas que la cuvée de base, depuis le tout début des années 90, à une époque où, je l'avoue, nos palais adolescents* (éduqués au bordeaux) ne s'effrayaient pas toujours de suçoter un bout de planche. Je reconnais que, bien plus récemment, les (rares) fois où j'ai remis le nez sur des vins de cet estimable domaine, mon nez plus mature a relevé une présence de bois assez conséquente, excessive, je ne sais pas, mais conséquente, oui. Pour ce qui est de Guiberteau, je parle évidemment des rouges (j'ai de plus en plus de mal, comme M. Pinguet semble-t-il, avec les chenins dit secs}; la cuvée intermédiaire que j'ai goûtée, millésime 2009 dans les 12 € prix public TTC chez un caviste de Saumur, faisait preuve d'une finesse, d'une élégance qui a bluffé ceux à qui je l'ai servie (à l'aveugle). Pour info, l'un des deux convives a entre autres été formé au Château d'Artigny, les deux ont visité Clos Rougeard depuis bien longtemps. J'ajoute que j'ai re-goûté le 2004 évoqué dans le blog le lendemain et que le côté vin cuit sur-boisé et fatigué s'imposait comme une évidence.

      * adolescent sera pris ici au sens latin

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  2. Je reviens un instant sur le Valais avec un autre avis autorisé qui me confirme cette tendance que nous avions perçue verre en main avec le fendant de MT Chappaz; les vins sont désormais plus opulents me confirme un autre interlocuteur, fin connaisseur également des vins suisses qui, au passage, rend hommage aux liquoreux du domaine.

    Légère digression (qui est en soit un sujet de réflexion et d'article), il est étonnant que je sois obligé de relayer des commentaires et que l'on ne souhaite pas publiquement dire ce que l'on pense d'un(e) vigneron(ne) considéré(e) comme une majeur(e). Cette digression n'est pas une réponse à ce que vous avez écrit, Nicolas, pas plus qu'un reproche adressé à mes informateurs que je remercie encore de leurs précieux et documentés éclairages, mais une constatation d'ordre plus général.

    1) Comme je l'ai déjà dit par ailleurs, il faut être complètement aveuglé ou sacrément ahuri ou complètement débutant pour croire que tout est bon dans un domaine.

    2) J'aime les vignerons, je suis ami avec certains d'eux mais je crois que dire et leur dire ce qu'on pense à du bon. Par ailleurs, je ne crois pas aux "vaches sacrées" et le culte de la personnalité m'emmerde.
    3) Tout vigneron a droit au respect, tout consommateur aussi.

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  3. Vincent : nous ne nous connaissons pas mais nous sommes d'accord sur bien des choses, de fait.

    Pour ce qui est du chasselas, je discutais cet après midi avec un ami (http://www.lamaisondumoulin.ch/) qui officie lui en canton de Vaud et va dynamiter bien des choses sur le sujet. En autres palabres, nous abordions la question de ce cépage et étions d'accord sur la chose suivante : trop de vignes mal cultivées, avec des rendements trop élevés, des pressurages brutaux, du so2 vite et beaucoup en vinif, des malos bloquées par les artifices cités plus haut afin de faussement structurer des vins qui ne tiennent debout pas dans la bouche, et des élevages trop courts, sans ou avec trop peu de lies, font que l'on ne connait finalement pas ou trop peu le vrai potentiel de cette belle et autochtone variété du Léman.

    Et a contrario, dès qu'un vigneron ou une vigneronne essaie d'aller jusqu'au bout des choses, le résultat "jure" et choque par rapport à la "moyenne". J'ai déjà vécu la même chose sur Chablis, Pouilly ou Sancerre avec des producteurs que j'aime et qui font des vins qui sortent du tendu et de l'acide : il parait qu'ils font des vins peu typiques : TANT MIEUX ! Et merde aux agréments aussi, en passant.

    Pour en revenir aux bons cabernets dans le Saumurois, si on veut rester sur Champigny et sortir des stars, les derniers Poyeux d'Antoine Sanzay, c'est sacrément bon !!!

    Bonne soirée, ou jour.

    ps : nul besoin de se cacher pour aimer ou pas les vins de Marie-Thé, son humanité totale fait qu'elle est parfaitement capable d'entendre tout jugement motivé et argumenté, et surtout ça l'intéresse ! Une géniale femme, d'ailleurs.

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    1. Merci Nicolas, je n'ai malheureusement pas encore goûté Sanzay, je le ferai lors de notre prochaine visite en Loire.
      Pour ce qui est de la "typicité" des fendants, je comprends l'argument. Cependant, mon inclination personnelle me pousse à les préférer tendus, vifs ce qui est un luxe pour moi qui vit dans le Sud et qui suis suffisamment confronté à des vins flapis.

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