Ma vie serait tellement simple si j'aimais le Nutella…
Toute ma vie, j'ai rêvé d'être une foodista*, toute ma vie, j'ai rêvé de bouffer du Nutella! Moi, ça me plairait bien d'être une foodista, je serais super branché, on parlerait de moi dans Cosmo et dans Elle, j'irais faire mes courses chez Carrefour et je trouverais ça super moderne, comme Thierry Marx. Je saurais, sans jamais l'avouer, que le fromage, ça s'achète au rayon frais (Ah, le Philadelphia et ses merveilleuses recettes inventives!) et la viande dans des barquettes en polystyrène. J'arrêterais de perdre du temps à chercher des produits de péquenot, je troquerais ma graisse de canard du Tarn et mon huile d'olive de Baena contre de la margarine, si pratique dans ses barquettes jaune pipi.
Du coup, j'adorerais le Coca-Cola, un ou deux litres par jour, Light, évidemment, à l'aspartame, ça me permettrait enfin de comprendre tous ces merveilleux vins boisés et extraits qu'adore celui qui serait alors mon nouvel ami, Manuel, le sommelier catalan. Bon, comme le Tariquet, je serais obligé de boire ça en cachette car pour tenir mon rang, avec mes congénères, en public, ce serait "nature" ou rien, on prendrais ça dans des verres ballons, avec des Gavroche portant casquettes et rouflaquettes!
Pour équilibrer, en plus de Carrefour, j'irais me montrer au Marché des Enfants rouges et dans les épiceries de la rue des Martyrs, histoire de ne pas perdre mon standinge. Et puis, même si je n'ai pas vraiment les moyens, je courrais faire les soldes d'APC (je ne sais pas pourquoi j'écris ça, parce qu'en plus j'adore les fringues de la rue de Fleurus, tans pis, c'est pour faire genre…).
Moi, foodista, je ne m'intéresserais évidemment qu'à la nouveauté, je virevolterais, je serais à la bouffe ce qu'Edgar Faure était à la politique, une girouette**. À la télé, je regarderais SuperMasterChef, je lirais avec appétit tous ces magazines modernes qui ont enfin sorti la cuisine de sa routine bourgeoise et je suivrais avec attention le classement international de San-Pellegrino-Nestlé, me lamentant de vivre en France, dans un pays où l'on mange si mal, où il n'y a pas une seule table digne de ce nom.
Ici, d'ailleurs, à Barcelone, j'arrêterais de passer pour un métèque et en plus je serais terriblement branché parce que les foodistas n'ont pas encore débarqué en Espagne. Je me régalerais des exquises préparations à base de Texturas® génialement mises au point par les frères Adrià, je m'intégrerais, quoi, je mangerais même des tomates en plastique, si belles, si rouges, si parfaites. J'irais aussi demander un autographe à tous les petits chimistes du coin au Forum Gastronomic de Gérone, après avoir vu comment, par magie, ils arrivent à transformer des produits d'usine en nourriture si "spectaculaire", si photogénique donc si bonne.
Toujours bien informé, je ne commettrais pas la gaffe de dire en public tout le bien que je (ne) penserais (plus) du Noma et de la nourriture scandinave; tout le monde sait que c'est maintenant complètement has-been et qu'il n'y a de bons becs qu'au Pérou! Au passage, je deviendrais anorexique à tendance boulimique, j'irais me faire vomir et je perdrais 25 kilos (ce qui est quand même préférable pour porter de l'APC…). Par ci par là, grâce à mon blog, je me ferais inviter, en plus de mon job d'attaché de presse, je toucherais discrètement un chèque, je recevrais un petit colis de monsieur Danone, de madame Loréal, je vivrais avec mon temps.
Oui, ce serait vraiment une vie de rêve. Vraiment, si j'étais moins vieux et con, je me mettrais à aimer le Nutella…
* qu'on ne voie aucune misogynie là-dedans, mais je ne sais pas si l'on peut dire foodisto…
** "ce n'est pas la zirouette qui tourne, z'est le vent…"
Rappelons que la foodista désigne une ménagère de moins de cinquante ans qui photographie flou tout ce qu'elle mange et le poste illico sur l'ensemble des réseaux sociaux, contribuant ainsi à leur engorgement.
RépondreSupprimerMerci, Professeur de Rouyn, pour cet éclairage sur un sujet que vous semblez maîtriser parfaitement.
SupprimerCet excellent post me donne envie d'en faire une "sequel", histoire d'étaler l'immensité de mon expérience.
SupprimerN'hésite pas! Mais sois prudent, les passionarias du Nutella veillent…
SupprimerTrès drôle ce texte! Et très drôle ce commentaire, je vois tout à fait le genre photo floue, viande en barquette et tout le truc. Mais, trop brute pour appeler quelqu'un foodista, je crois que je m'arrête à conne.
RépondreSupprimerMerci chère Georges (dont il faut, chers lecteurs, allez lire le blog http://agirlcalledgeorges.blogspot.com/ ). Oui, conne, c'est bien aussi…
SupprimerL'avantage de foodista sur conne est la désignation qualifiée de la connerie. Conne est un peu vaste, sauf intellectuellement bien sûr.
SupprimerC'est vrai Nicolas, ça qualifie la connerie et elle gagne à être qualifiée.
SupprimerMerci Vincent, de parler sur mon blog, même s'il y traine du cocalaïte ;)
Georges, quand on écrit aussi bien, il faut passer à des drogues plus consistantes!
SupprimerTrès bien, très bien, voilà grâce à Daniel, je prends enfin le temps de vous lire...du temps, j'en ai, je reviendrai! Amicalement. Anne
RépondreSupprimerMerci, Anne.
SupprimerDis donc, Vincent, maintenant qu'on se connait un peu plus, à la relecture de ce texte qui me fait rire, je me dis qu'en effet, tu as raté ta vie de foodista...si c'est pas malheureux!! Bises
Supprimeroh oui ma vie serait aussi plus simple si je mangeais du Nutella !
RépondreSupprimerLe fameux NUTELLA contient en fait un phtalate considéré comme le plus dangereux, le DEHP et décelé par l'Office Fédéral de l'environnement. La société Ferrero reconnait sa présence dans le produit mais en quantité inoffensive selon elle. Il est déjà interdit dans l'industrie des jouets pour sa dangerosité et sera définitivement interdit en Europe fin 2012, mais d'ici là on continue de le retrouver dans un produit alimentaire de consommation courante. Les phtalates agissent comme un leurre hormonal et provoquent des dérèglements hormonaux, ils induisent une stérilité de l'homme. Ingérés par la femme enceinte, ces poisons atteignent le foetus et entravent le développement des testicules. Ces plastifiants entrainent une atrophie testiculaire qui conduira plus tard à la réduction de production de spermatozoïdes. Une étude en Allemagne a démontré sur 600 enfants que 100 % d'entre eux avaient dans leur corps des traces de phtalates. Chez tous les enfants, on y retrouve 5 phtalates et chez 20 % des enfants ces phtalates sont en quantité toxique. Si on considère l'effet d'accumulation et l'effet cocktail des phtalates, alors c'est probablement 80 % des enfants qui absorbent des quantités déraisonnables de phtalates. Alors vous irez encore acheter du Nutella pour le goûter des enfants ?
RépondreSupprimerMerci Corinne pour cet éclairage technique; j'avais effectivement lu ce genre d'horreurs il y a quelque temps. Pour ce qui est de la question finale (vous irez encore acheter du Nutella pour le goûter des enfants ?), il y a peu de chances, je ne l'ai JAMAIS fait.
SupprimerC'était un temps, où on portait des moustaches, on s'habillait de vestes cintrées à carreaux, les Springbook étaient très cons dans le physique et dans la tête, on prenait des trous et pas des intervalles, les règles étaient très simples et les ordinateurs n'avaient pas de place sur les bords de terrain de rugby, bref il y a avait de l'envie et des marrons et pourtant contrairement à la cuisine, tout a si peu changé. Les joueurs touchent des ronds et Blanco ne serait plus un amateur marron, mais le courage cette qualité qui garantit toutes les autres est toujours la matière première dans un sport où les 3 C font la loi " coeur, cerveau, couilles" En cuisine il existe toujours des artistes et des producteurs de grande qualité, mais la loi du genre veut que comme le dit Pousson, qu'il est de bon ton de manger des produits de déforestation, avec l'huile de palme comme Brennus. Mais un talonneur qui bouffe du Nutella appelle sa mère à la première mêlée et un demi en voyant du Philadelphia croit que c'est l'orchestre symphonique. Ne croyez pas que nous gonflons les rangs des grincheux et des aigris, nous avons simplement besoin d'amour et de vérité, quand au café du commerce nous regardons nos coqs se défoncer, un saucisson de chez Fraysse à Rignac, des oeufs brouillés aux truffes de Lalbenque, un gorgeon de Plageolles, devant nos mirettes, notre tolérance pour une passe aux chaussettes ou un drop de passage est multipliée par cent, entre gens de bonne compagnie, teinté de fidélité de comptoir. Les cuisiniers sont aussi simples que des rugbymen mais leur environnement n'est pas durable, alors le score est gonflé par une attachée de presse ou un bloggeur frustré. Mais bordel, si les Scandinaves faisaient de la bonne cuisine ma grand-mère l'aurait su. Dors tranquille mémé, il reste quelques gardiens du temple, qui montent aux arbres pour défendre une culture et éviter que le monde soit peuplé de gogos, ce qui ne nous empêchent de saluer l'innovation, la créativité, l'intlligence et l'amour dans une assiette, même si physiquement nous nous sommes épanouis, on ne vit pas sous l'Ancien Régime. 'Désolé de faire parfois un peu long, mais je vais encore dormir un peu vite et craignais que demain matin, l'imagination soit en conserve)
RépondreSupprimerQuelle verve tardive, Jean-Louis! Merci.
SupprimerOh My Gosh!!!!!!!
RépondreSupprimerMoi je le vois bien le VPo jouant son Nutella avec du coca. C'est tellement bien raconté qu'on sent le vécu.mais attention Vincent on vient d'identifier une molécule cancerigene dans le colorant du coca (soit disant naturel ). Modére toi. Tu devrais essayer la saucisse grillee aux sarments de carignan avec le jus de la même vigne. Au petit déjeuner. Si si;-)
RépondreSupprimerAh, Nutella/Coca, il faudra que j'essaye un jour, en compagnie d'une foodista…
SupprimerEn revanche, j'avoue avoir essayé, avec des vignerons corbiérencs, il y a une dizaine d'années, le poulet au Coca, au Korova, en bas des Champs; très branché et parfaitement infect…
Ah, ah ! Tu te souviens de se resto de merde où on était assis sur des poufs ou des tabourets à tenter d'ingérer des horreurs avec les genoux dans le menton. Les crétins comme toi et moi y allaient en tordant le nez parce que c'était Delarue aux manettes, mais on y allait quand même. Pour la dizaine d'années, je crois que tu en as raboté quelques-unes. Je ne sais plus…
SupprimerGuère plus qu'une dizaine, Nicolas, onze, douze ans tout au plus. Quel repas ridicule! Juste sauvé par la présence enthousiasmante d'une authentique sexista (on dit comme ça?)…
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