Roule plus vite, mon amour, on doit sauver la Terre!

Je viens de le lire dans Cupatges, une des revues qui assurent en patois la promotion internationale des vins catalans: "Alimentària acollirà la presentació del manifest dels cellers contra el canvi climàtic". Eh oui, le 29 mars prochain, nous serons sauvés! La Terre sera sauvée! Ouf! Fini le réchauffement climatique et tout le toutim, fuck la Fin du Monde, les grosses caves du coin vont signer un manifeste qui va niquer le réchauffement climatique, à l'occasion du salon barcelonais Alimentària*.

Je plaisante… Ce n'est pas si mal que ça, dans une région où la contaminació est une catastrophe et dont la capitale, Barcelone, est la troisième ville la plus polluée d'Europe que de voir un début de prise de conscience. Au moins, on en parle! Sur les traces de la famille Torres, d'autres entreprises du secteur vont se mettre dans l'air du temps. Espérons au moins que ça leur passe cette manie vulgaire de mettre dans des bouteilles d'un kilo tout ce qui coûte plus de cinq euros TTC.

 

Pourtant, je n'y peux rien (sûrement le mauvais esprit?), j'ai du mal à ne pas trouver un petit côté Tartuffe à ce genre de déclarations d'intentions qui tombent en général à pic. Qui n'est pas écolo de nos jours? Rendez-vous compte, on vend même du vin "nature" au Mammouth du coin! Et ça ne concerne évidemment pas que l'Espagne et évidemment pas que le vin… Mais, rien qu'en se promenant sur le parking d'un salon comme Vinisud, par exemple, on comprend à quel point l'industrie vinicole a décidé de prendre le taureau par les cornes. Vavavoum!

BMW, Lamborghini, Mercedes, Jaguar… Vavavoum! La palme d'or en la matière revenait à un ex-grand personnage du Mondovino, notre ami Pancho Campo MW** qui avec une certaine vista (et ce qu'il faut d'aplomb) organisait des symposiums mondainvineux où l'on débattait doctement de l'angoissante question du réchauffement climatique. Et, dans le même temps, de retour chez lui à Marbella, Pancho paradait devant sa Ferrari toute neuve, ce genre de véhicules figurant, comme chacun sait, en tête de la liste des armes de destruction massive du CO2. D'ailleurs, je me demande même si Eva Joly ne va pas s'en offrir une pour la campagne électorale, histoire de l'assortir à ses rutilantes lunettes…

Vavavoum! J'en avais fait une étiquette de carignan l'an dernier, en Corbières, parce que ça me faisait bien rigoler cette incohérence entre le discours écolo d'un côté, plus que respectable le discours, et des comportements quotidiens à l'opposé de ce même discours. Faites ce que je dis, pas ce que je fais… Parce que là, dans ce billet que je souhaite avant tout humoristique, je n'évoque pas les avions, ces millions de tonnes de kérosène brûlées, histoire d'aller vendre à l'autre bout de la planète quelques bouteilles qui n'ont comme ambition que de la sauver.

Mais non, je le répète, je plaisante… Mais je me souviens aussi, durant mon service militaire de la devise qui ornait le bel insigne de mon escadre de Chasse, la onzième: "Res non verba".

* Alimentària est une grosse foire barcelonaise assez boring où le vin tient une petite place, dans un coin au fond; le focus est mis davantage sur les merveilles de l'industrie chimico-agro-alimentaire.

** Doit-on d'ailleurs toujours faire suivre son nom des deux prestigieuses initiales? On sait que l'Institute of Masters of Wine a lancé une enquête sur ses agissement dans le Jumillagate, enquête qui semble prendre son temps; toujours est-il que notre ami Pancho, lui, sur le site de sa Wine Academy omet depuis quinze jours ces deux initiales. Prémonitoire? Je n'en ai aucune idée.