Féret, le rachat d'un vieux monument bordelais.


Quand on cherche "Féret" sur Google, on tombe sur une série de photos de la tronche ravie et gominée d'un footballeur lensois. Ça ne s'invente pas. La maison d'édition Féret, malgré son antériorité est un monument qui m'évoque avec une pointe de nostalgie (uniquement due au souvenir personnel d'une jeunesse enfuie) le Bordeaux noir de la fin des années Chaban. 
Oh, la ville avait son charme, inaltérable, surtout quand savait gratter dans son âme gasconne vaguement planquée derrière les nœuds de cravate Christensen et les portes bleu-nuit. J'aimais sa beauté sauvageonne, mal fagotée et ses grandes filles, clope au bec, qui entre le Ferret (sans accent et avec deux R) et les premières échoppes rénovées des boulevards se faisaient appeler Jenny. Mais on sentait bien qu'elle se la vivait en roue libre.


Ce matin à l'aube, à l'heure où les attachées de Presse se reposent du dîner de la veille terminés plus tard que prévu à cause de journalistes esseulés et collants, j'ai reçu un communiqué m'annonçant le rachat de ce vieux monument bordelais. Poussière comprise, ai-je envie de dire, avec tout le respect que l'on doit aux chef-d'œuvres en péril. Un respect qui n'est pas feint, le Féret, ce n'est pas rien, je parle cet espèce d'annuaire qui recense les propriétés et les propriétaires bordelais, gorgé d'une politesse surannée qui pourrait le rendre ennuyeux si l'on ne savait lire entre les lignes les mots qui ne se disent pas " sur la Place".
Je me souviens en avoir offert un à mon cher papa dans les années quatre-vingts. Une promotion équipée d'une caisse de Lynch-Bages 1978. Sans persifler, je crois qu'aujourd'hui, pour le même tarif, j'aurais à peine droit à une demi-bouteille du pauillac des Ariégeois du Médoc. Cadeau un rien intéressé puisque cette "bible" m'a permis de découvrir un univers un brin compassé, pétri de traditions et d'histoires de famille, qui sentait davantage la matelote d'anguilles (à la façon de Queyrac, au vin rouge) et l'agneau bien aillé que les capitaux internationaux.


Puis j'ai oublié le Féret. La maison d'édition se rappelait pourtant régulièrement à moi, me signalant des parutions dans des communiqués de Presse prêts à reproduire à la lettre, comme le font les bons journalistes, ceux dont on aime les bons articles, qui ne chicanent pas après avoir lu les bouquins ou goûté les vins. Mais ça fait longtemps que je n'ai feuilleté un de leurs ouvrages.
Le dernier communiqué en date m'apprend donc que "par son holding Rubi Participations, Marc Faujanet vient d’acquérir 100 % du capital de la SARL des éditions Féret, propriétaire du fonds de la librairie Féret, créée en 1812. Il complète et développe ainsi le projet culturel autour du livre qui lui tient particulièrement à cœur."
L'information majeure, c'est que "l’un des premiers projets est d’ouvrir au mois de juin une librairie Féret au 48, cours du Chapeau-Rouge. […] Cette librairie, dans l’esprit du 45e parallèle (ouverte à Pessac en août 2015), possèdera un espace offrant un large choix dans la thématique « Vin et Gastronomie » et offrira à ses clients un espace convivial associant la dégustation, la restauration et la lecture. C’est un retour aux sources pour Féret. La maison, a ouvert ses portes à l’hôtel de la Bourse
(1812), a occupé des locaux au 30, fossés du Chapeau-Rouge en 1820, puis au 15, cours de l’Intendance (1845), avant de s’installer 9, rue de Grassi en 1912."
Tout le mal qu'on puisse souhaiter à cette vénérable maison, c'est que ce rachat soit l'occasion d'un coup d'accélérateur, à l'image de celui qu'à connu ces dernière décennies la ville de Bordeaux. Loin de mes tendres souvenirs, mais plus proche du vin d'aujourd'hui.




Commentaires

  1. Tout cela me rappelle plutôt le rosbif archi dur et les haricots verts en boîte... Il n'y avait à l'époque (années 70/80) qu'un Michel Delon qui savait bien recevoir les journalistes du côté de Saint-Julien. Ce type poussait l'élégance jusqu'à vous proposer une liste de vins de tous pays et de tous millésimes à choisir selon votre bon coeur. Sa conversation, bien que très intéressée, était des plus passionnantes et il ne manquait jamais de proposer son vin "selon le millésime de votre choix". Tout cela sans l'ombre d'une mèche de cheveux d'attachée de presse à l'horizon.
    Cela dit, bonne chance à la nouvelle maison qui n'édite pas que le Féret !
    PS Merde, je viens de jeter le mien !

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  2. en effet, c'est presque ce que l'on voit depuis la librairie. le côté de grand théâtre.

    @michelSmith Pas de panique....le nouveau site web permet de s'approvisionner directement en ligne !! www.feret.com

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