Les bouteilles discrètement bouchonnées.


Nous avons tous été confrontés à ce genre de cas: un bouteille que l'on connaît bien, on l'ouvre, on la goûte, et le vin semble absent. Aucun "goût de bouchon" pourtant, le nez est juste éteint, un peu comme si le jus ou nous-mêmes étions enrhumés. 
Dans ce cas, pour la plupart des consommateurs, la cause est entendue, c'est la faute du vigneron, son vin n'est pas bon, ou en tout cas banal. Les indulgents invoquent la fatigue du dégustateur, le vent ou la pression atmosphérique, quant aux adeptes de théories plus poétiques, ils se tournent eux vers leur calendrier pour nous expliquer que nous sommes dans un jour nœud, racine ou feuille. En fait, les progrès de l'œnologie viennent de nous fournir un début d'explication, nous sommes juste dans un "jour bouchon".


C'est le laboratoire bordelais Excell de Pascal Chatonnet qui le révèle dans un article passionnant de Objectif Aquitaine La Tribune. Contrairement à ce que prétendent les vendeurs de liège*, le problème du "goût de bouchon" n'est pas réglé du tout. Certes, des progrès ont été réalisés pour faire reculer la contamination aux trichloroanisoles (TCA) mais subsistent les cas de ces bouteilles discrètement bouchonnées. Selon Excell, "si les contrôles analytiques classiques du TCA extractible laissent penser que la présence massive, susceptible de provoquer des défauts majeurs au vin au moment de la dégustation, relève maintenant de l'exception, des travaux récents en matière de neuro-perception ont montré que la présence de la molécule, non détectable car en deçà du seuil de perception de l'odeur typique, suffit à impacter très négativement le vin protégé par le bouchon coupable**."
Agissant comme un "suppresseur olfactif", le TCA, peut, "même en concentration ultra faible, alors qu'il n'est pas détectable à la dégustation, sans arôme exogène évident, même pour les plus fins palais, éteindre littéralement l'arôme des vins et à les rendre, sinon mauvais, au moins banals".
Excell propose donc désormais un test, baptisé Check List Bouchon, qui permet d'en savoir plus sur ces bouteilles discrètement bouchonnées.




* Argument marketing copieusement relayés par nombre de grands publi-reporters et qui freine l'implantation, dans les pays latins principalement, de la capsule à vis. Raisonnablement, on peut parler aujourd'hui de 2,3 ou 4% de bouteilles bouchonnées.
** Le laboratoire, basé à Mérignanc, a également identifié il y a quelques années un autre coupable, une molécule appelée MDMP (2-méthoxy-3,5-diméthylpyrazine) issue d'une bactérie présente dans le sol et capable, même en très faible quantité, de communiquer aux vins à forte concentration une odeur typique... de liège.

Commentaires

  1. Impressionnant de constater qu'il peut exister un lien entre un nez absent, fermé et une contamination par les TCA à faible teneur dans le flacon dont l'analyse ne peut être perçue par un fin palais. Combien de vignerons, respectueux de leurs parcelles, auteurs de belles cuvées, ont du avoir les oreilles sifflantes, être incriminés sur leurs choix en matière de vinification et ceci à tord ? Merci pour cette mise en lumière Mr POUSSON, l'existence nouvelle de ce test est une belle avancée, je l'espère vraiment.

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  2. On appelle ça l'effet "masque". Cela marche avec d'autres molécules aussi. Les phénols volatils entre autres.

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  3. Un laboratoire qui fait peur pour susciter des analyses... c'est une technique commerciale comme une autre !
    L'industrie du liège a fait d'énormes progrès pour éradiquer le TCA et elle n'a pas fini de vous surprendre #Viveleliège !

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  4. Il me semble opportun de rappeler, Émilie Loubié, de rappeler que vous êtres payée pour faire la pub de Planète-Liège, association de promotion des bouchonniers industriels. Ça ne discrédite pas complètement votre propos, mais ça relativise sa portée.
    https://plus.google.com/115765227559759788646/posts

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  5. Un peu réducteur comme présentation mais passons. J'ai le mérite de savoir de quoi je parle !
    Avez vous déjà été au Portugal voir comme sont fabriqués les bouchons de liège, la batterie de contrôles opérés par les industriels pour garantir la performance de chaque bouchon ? C'est réellement passionnant.
    A l'occasion on pourra en discuter.
    Bonne journée.

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    1. Ce n'est en rien réducteur. Vous travaillez pour l'agence We chargée de la promotion des bouchonniers. Ça me semble être une information intéressante, non? Qui donne un angle à votre commentaire.
      Pour le reste, sans avoir participé à un de ces joyeux voyages de Presse desquels journalistes et blogueurs rentrent follement amoureux du liège, je connais un peu le process. Et surtout, je connais le pourcentage des bouteilles que nous mettons à l'évier si souvent. Un magnum et une 75cl le weekend dernier encore.

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    2. Selon les sources, il se dit entre 1 et 10% de bouteilles contaminées. Bon, 10% me semble bien pessimiste, je veux bien ne pas y être très sensible, mais je ne benne pas 1 bouteille sur 10. Allez, partons sur un petit 2%.
      La filière vin française représente un CA de 20 Md€. Donc 2%, ça fait 400 M€.
      Le seul avantage du goût, enfin de l'odeur de bouchon, c'est que ça disparait à peu près à la cuisson et qu'on peut faire des risottos ou des boeufs bourguignons au lieu de balancer les vins à l'évier. Mais quand ça tombe sur un 1e cru en côte de Nuits, ça pique un peu quand même.

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