Au sombre pedro de l'amer.


Vous en avez marre de passer pour un guiri* quand vous débarquez à Barcelone? Qu'on vous regarde comme un Français (c'est-à-dire de travers)? Alors sacrifiez à une des coutumes locales les plus sacrées: "fer el vermut". Pas besoin de traducteur électronique, littéralement ça signifie "faire le vermouth" ce qui en revanche, dans les faits, est un peu plus compliqué que le simple fait d'aller se taper un "vin cuit" comme on dit au nord des Pyrénées. "Fer el vermut", c'est un acte social, un rituel, qui implique la compagnie, l'accompagnement** et la durée, une forme de détente aussi comme l'a récemment expliqué dans Les 5 du Vin ma copine Marie-Louise Banyols. Bref, avec son olive, sa rondelle d'orange et son trait d'eau-de-Seltz, c'est un peu le yoga apéritif du Barcelonais. 


Marie-Louise (suivez le lien), en plus de vous expliquer ce phénomène de société espagnol***, vous fournit une longue liste de vermuts plus ou moins artisanaux qui permettent de sacrifier à la tradition. Pour dire toute la vérité, en bon Barcelonais que je suis devenu, c'est-à-dire un peu snobinard sur les bords, je ne goûte pas trop le vermut en bouteille, pas assez exclusif. On ne va pas non plus boire du Martini? Le must, c'est le casero, le fait-maison, celui qui signe un lieu, par un style de jus, un fruit, une note épicée. Je crois vous en avoir parlé ici et là, mais à mon goût, deux adresses méritent le détour, le Zim, chez Francesc, juste à côté de la mairie et de la meilleure fromagerie de Barcelone, et La Volátil qui le fait venir en futs de chez Massimo Marchiori, l'artiste italien de Partida Creus.


Il n'empêche qu'il existe un vermut en bouteille, très particulier, et carrément exceptionnel. J'étais en début de semaine, au Petit Celler, chez les grands d'Andalousie, avec celui qui l'a concocté, Roberto Amillo, un vigneron de la Rioja tombé amoureux de Jerez.
Car, la particularité de ce vermut, c'est justement son style dit "jerezano"; il est issu, si ma mémoire est bonne, d'olorosos de vingt ans et de pedro-ximénez de huit ans, agrémentés d'une trentaine de plantes et de racines. L'idée n'est pas de chercher le sucre mais la complexité, le végétal et de fantastiques amers, cousins de ceux l'Avèze, du Cynar voire du Fernet-Branca ou du Jägermeister.


Je vous propose d'ailleurs pour un apéro autour de cette merveille qui coûte une grosse dizaine d'euros la bouteille, un accord à la catalane qui ravira ceux, élevés à l'endive "d'avant" (et éventuellement baptisés à la teinture d'aloès), que l'amer n'effraie pas. Faites sauter à l'huile d'olive ou au lard rance un bouquet d'artichauts avec deux grosses poignées de fèves. Un peu d'aillet pour réveiller le tout et vous voilà parler pour vous délecter de ce jus sombre comme un vieux pedro.




* Un touriste, au sens le plus péjoratif. Et Dieu sait s'il peut l'être, péjoratif, ce terme dans une ville dont une partie des habitants est partie en guerre contre "les hordes barbares" qui l'envahissent quasiment toute l'année.
** Olives (dehors et dedans), anchois (ou boquerones), chips, fromage, charcuterie…
*** Vingt-cinq millions de litres consommés par an en Espagne, l'apparition ou la renaissance de nombreuses marques, l'ouverture de dizaines de lieux dédiés, côté hipster y compris.


Commentaires

  1. Les amers de la Salers sont autre chose que ceux de l'Avèze, plus "commerciale" et, par conséquent, sucrée. Jdcjdr. Cela n'enlève rien à ton mérite de vanter ces nectars et leur action sur les sens. L'Auvergnat.

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    1. En réalité, à la maison, ce n'est pas moi qui consomme ce genre d'apéritifs, mais madame. Elle a les deux, évidemment. En plusieurs réglages.

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  2. Ca m'donne bien envie tout cela... En effet, les amers (apéritifs // digestifs) sont mes alcools préférés. J'en bois (très) rarement. Fernet mon Amour...

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