Les primeurs seront les derniers?


On n'en est pas encore là! Le système des primeurs est bien trop lucratif pour que ça s'arrête. Et que feraient les concessionnaires automobile de luxe, les agents immobiliers du Cap Ferret si ce robinet à pognon venait à se tarir? Certes, il y a eu cette information que "La Place de Bordeaux" évite soigneusement de commenter en public, ce coup d'éclat de Latour annonçant, avant le début des hostilités, avant l'ouverture de la campagne 2011 que c'en était fini, que le vin du premier Cru de Pauillac bientôt ne s'achèterait plus que fini, prêt à boire. Mais le gâteau est trop appétissant pour que ce jeu de dupes cesse.
Car, difficile de dire le contraire, le consommateur, le buveur de vin ne tire pratiquement aucun avantage de cette affaire. Une affaire, un cinéma qu'on essaye, à grand renfort d'investissements médiatico-publicitaires, de nous faire passer pour une vieille tradition, quasiment une fête religieuse*; pour le plaisir, je vous livre d'ailleurs ici un grand publi-reportage du Nouvel Observateur. On me rétorquera que certaines raretés ne sont disponibles qu'en primeur, que les Lafleur, Le Pin, etc… Justement, ce sont des exceptions qui confirment la règle. La plupart des vins que le mundillo de "La Place" propose d'acquérir virtuellement** sont des crus issus de vastes domaines, souvent plats comme la main, hautement productifs, où le jus vient rarement à manquer. Et ces merveilles, on les retrouve souvent trois-quatre années plus tard sous les néons des "foires aux vins" ou dans les spams des spécialistes de la VPC.


Histoire d'illustrer mon propos, je prendrai l'exemple d'une des étoiles du novoBordo, propriété comme il se doit d'un ancien patron de grandes surfaces, Smith Haut-Lafitte. J'ai reçu rien qu'hier deux courriels d'une société intitulée Lot18® et qui me proposait d'acquérir "pour de vrai" des bouteilles du 2007 de ce pessac-léognan qui fait pousser des cris de joie à l'ex gourou Robert Parker. L'outil en question m'est proposé au tarif exceptionnel de 55,49 euros TTC l'unité. 2007, les bordeauphiles le savent, c'est ce genre de millésime sauvé des eaux mais qui peut produire de gentils vins équilibrés qu'apprécient ceux qui sont plus intéressés au contenu qu'au contenant. À sa sortie en primeur, ce vin valait en moyenne 43,50 euros selon les précieuses statistiques de Bertrand Le Guern; si j'en avais acheté, on ne peut pas dire que j'aurais réalisé une formidable culbute. D'un autre côté, je regarde le prix de ce même Smith Haut-Lafitte, en primeur, en 2011: 62,19 euros TTC chez Millesima, ce qui semble assez bien refléter le cours actuel. Pourquoi acheter ça plutôt que du 2007 alors que ce dernier, sept euros moins cher, existe bel et bien et que je peux le déboucher dans la semaine?
Bon, franchement, je n'achèterai pas non plus du 2007; à ce tarif-là, à Bordeaux, dans le Sud-Ouest ou ailleurs, je connais quelques bouteilles qui m'offriront un rapport plaisir/prix d'un tout autre tonneau. Remarquez, je ne suis pas le seul à renoncer aux primeurs, on raconte que même certains Chinois (à l'image de ce monsieur You qui en début d'année à laissé choir une commande de quinze millions d'euros de 2010) se détachent de ce jeu de trompe-couillon.


* Alors qu'à l'échelle de l'histoire du vin de Bordeaux, elle est récente, du moins son ouverture au grand public est récente, une quarantaine d'années.
** Pour certains, si j'en crois les enquêtes de mon compère Jim Budd et les révélations du site La Passion du Vin, les grands Crus n'ont parfois jamais quitté l'univers virtuel qui était le leur, grâce à des sociétés comme 1855.com.

Commentaires

  1. Le titre est bien.
    Pour Latour, le retrait n'est pas le résultat d'une subite prise de conscience, mais bien une façon d'anticiper les augmentations de tarif du concessionnaire Mercedes et de l'agent immobilier du Ferret. Pour Latour, l'idée est de se gaufrer toute la marge…

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés