Le respect de l'étiquette.


C'est le genre de débats picrocholins dont raffole le Mondovino, singulièrement en Espagne. Tout démarre avec un billet du "Professeur" Peñin, Pépé comme le surnomment ses amis. Pépé est une star du pinard ibère, expert en masterclasses, en avis définitifs et en conseils œnologiques de première bourre; j'évoquais il y a quelque temps son cas à l'occasion de sa tapageuse conversion au naturel. J'ai même récemment appris que lui ou un des siens venait de décerner une mirifique note sur 100 (eh oui, lui aussi fait dans le mesurage de quéquettes à l'américaine…) à un des mes vins chouchous, un jus de fruit, un vino de pueblo contre lequel il n'aurait pas eu de mots assez durs il y a quelques mois, lui qui s'appliquait à envoyer les vignerons dans le mur, un mur de planches, j'entends, de planches de chêne. Je préfère en rire. Et me réjouir pour le vigneron en question, je sais qu'il survivra à la mode, éternelle ennemie de l'intelligence.


Là, dans le débat du moment, il est question de marketing. Non, plus exactement de graphisme, celui des étiquettes de vin. Car Pépé dispense aussi des conseils de communication, de bienséance et tout le toutim. Dans le billet incriminé, il retrace l'histoire de l'étiquette espagnole, façon d'exposer avec autorité la façon de concevoir l'habillage idéal d'une bouteille de vin. Quelle disposition, quelle police de caractère, quelles informations… Il ne dit pas que des bêtises d'ailleurs quand il critique la tendance tout desiño genre agence de pub enfarinée ou il quand il se moque de l'obligation faite aux Catalans d'avoir à rédiger leurs étiquettes dans la langue régionale (une petite dizaine de millions de locuteurs) alors même qu'ils parlent naturellement l'espagnol compris par cinq cents millions de personnes à travers le Monde; c'est vrai que pour l'export, c'est ballot…


Du coup, une tempête (dans un tout petit verre de de vin) se déchaîne: une des "voix de son maître" de la "Presse" pinardière catalane, vadevi.cat, y va d'un post enflammé, s'indignant que l'on puisse mettre en cause le bien-fondé des sages décisions de ceux qui gouvernent la région barcelonaise. Découvrant au passage l'eau tiède, à savoir que la langue catalane rebute beaucoup d'Espagnols (et pas seulement!) qui ne sont pas originaire de cette partie du pays. Ben oui, c'est vrai, les Catalans, on ne fait pas que les admirer pieusement, louer leur indéniable supériorité, il arrive qu'on se moque d'eux, qu'on fasse des blagues (parfois drôles) sur leur forte propension à faire la gueule, à se marier entre cousins ou à avoir des oursins dans les poches. 


Manque de pot, vadevi.cat publie sa chronique en catalan, du coup, ça n'a qu'un impact très limité, régional. Et encore. Alors, on en remet une couche, et cette fois, on fait donner l'artillerie. Et on sort, en titre, la phrase qui tue: "En Catalogne, les étiquettes de vin, on les fait mieux que quiconque!" Imparable! Ça me rappelle d'ailleurs la phrase d'un petit cuistot barcelonais juste bon à faire bouillir de méchants steaks de vieux veau de batterie qui, un jour, m'avait expliqué que "la culture catalane était supérieure à celles d'Espagne, de France et d'Italie réunies". "Mieux", "supérieur", on a les talonnettes qu'on peut, là n'est pas la question.


On peut s'engueuler pendant des heures pour savoir si les étiquettes de vin doivent ressembler à des étuis de protections périodiques féminines (si, si, j'en ai vu ici…), à des griffes de prêt-à-porter populaire ou à des alcools de boîte de nuit, on peut décider de telle ou telle règle graphique, rêver du modèle parfait, idéal… Mais il me semble qu'au delà de toutes ces considérations fort intéressantes, il serait bon de se pencher quelques instants sur ce qu'il y a dans la bouteille, sur le vin. Et, par voie de conséquence, sur le rapport entre le contenu et le contenant. Éventuellement aussi sur le message que veut délivrer le vigneron au travers de son travail, sur le sens de sa démarche (s'il en a une, ce qui n'est pas toujours évident au pays du vin-Coca-Cola…). Bref, peut-être faudrait-il se rappeler que le vin est lié à une culture, à une terre, à des hommes et que pour en parler, il n'est pas vain de les connaître.


Parce que les résultats de ces mirifiques exploits graphiques, espagnols ou catalans peu importe, passé l'étonnement du début, ne sont pas si glorieux que ça. D'abord localement où l'on ne boit plus de vin, où l'on se met à rêver d'habillages "à la française". Et même à l'export, où ce qui mène la danse, ce sont des camions ou des wagons citernes de vrac dont les étiquettes sont peintes au pochoir sur de la tôle rouillée. 



Commentaires

  1. Un jour, à Paris, un journaliste m'avait expliqué comment tous les débats du monde commencen en France. Une bêtise fait pas tout un pays, n'est pas? En tout cas, votre opinion m'interesse. Je suis un vieux correspondant à Paris de la télévision publique catalane, avec le français un peu rouillé. Acceptez-vous un petit café?
    Salvador Cot (salvadorcot@naciodigital.cat)

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  2. M. Pousson. Quand vous parler de genocide linguistique vous parlais de la France et le catalan, le basque, l'occitan (ou patois, trés jolie parole), le breton, le flamenc, l'alsacien et plusiers d'autres?? Comme catalan je suis un peu fatigué de défenser chaque jour une langue menacée comme le catalan des gens imperialistes masqué de cosmopolitisme comme vous méme.

    une salutation
    Ferran Mestres

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